En marge de la 79e Assemblée générale des Nations unies, qui s’est tenue du 21 au 28 septembre, le nouveau président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a effectué une visite largement médiatisée en Silicon Valley. Cette rencontre a été l’occasion de promouvoir le New Deal Numérique sénégalais, qui vise à établir le Sénégal comme un leader de l’innovation en Afrique. Cependant, l’accord signé avec Google pour développer un cloud souverain soulève des questions quant à la réelle indépendance numérique du pays.
(Cio mag) – Le Sénégal, engagé dans une transformation numérique ambitieuse, aspire à faire du digital un levier essentiel pour son développement. Avec l’arrivée au pouvoir de jeunes dirigeants, le pays mise sur les technologies numériques pour influencer le paysage politique et mobiliser une jeunesse qui représente 75 % de sa population. Cependant, en signant un accord avec la multinationale Google, le Sénégal pourrait se heurter à un dilemme crucial : bénéficier des atouts des technologies américaines, notamment le cloud computing, tout en préservant sa souveraineté numérique face à des législations étrangères telles que le Cloud Act.
Le New Deal Numérique vise à établir un cadre propice au développement des technologies de l’information et de la communication, avec l’ambition de faire du Sénégal un hub numérique en Afrique. Toutefois, cette ambition est mise à l’épreuve par des lois extraterritoriales, dont le Cloud Act, qui permet aux autorités américaines d’accéder à des données stockées sur des serveurs situés à l’étranger, y compris au Sénégal, si ces données sont détenues par des entreprises américaines. Dès lors, il est légitime de s’interroger sur la capacité des autorités à analyser les implications d’un tel choix. Ont-elles agi dans la précipitation ?
Enjeux Multiples
Pour un pays désireux de maîtriser sa souveraineté numérique, le Cloud Act remet en question la capacité du Sénégal à contrôler ses données et à définir sa politique numérique. Cela soulève des inquiétudes quant à la sécurité nationale, notamment en ce qui concerne l’accès potentiel aux données sensibles par des puissances étrangères. En conséquence, la confiance des utilisateurs devient un enjeu central : les citoyens et les entreprises pourraient hésiter à utiliser des services cloud hébergés aux États-Unis, craignant que leurs données ne soient interceptées.
Définir les préalables
Dans un premier temps, il est impératif de penser à la création d’un Cloud Souverain. Il s’agira de développer un cloud national pour stocker les données sensibles sur des serveurs situés sur le territoire sénégalais. Cela permettrait d’échapper à la portée du Cloud Act. Cependant, cette solution requiert des investissements substantiels et des compétences techniques spécifiques. Pour construire sa souveraineté numérique, l’Europe compte investir près de 7 milliards d’euros pour le développement du cloud souverain européen afin de garantir une véritable souveraineté technologique vis-à-vis des États-Unis et de la Chine. La réponse devrait être plutôt régionale que nationale.
Au lieu de rester lier à un seul partenaire, la diversification des partenaires permettra d’explorer des partenariats avec des fournisseurs de cloud européens, soumis au RGPD, qui offre une protection des données personnelles plus stricte que le Cloud Act. Cela permettrait au Sénégal de réduire les risques associés aux services américains. Enfin, négocier des Clauses Contractuelles, pendant qu’il est encore temps. Il s’agit de négociant des clauses contractuelles spécifiques avec des fournisseurs américains de façon à renforcer la protection des données et à limiter l’accès des autorités américaines. Parallèlement, le Sénégal doit renforcer son cadre juridique sur la protection des données pour mieux encadrer le traitement des données personnelles et limiter les possibilités d’extradition. Le choix de la stratégie à adopter dépendra de plusieurs facteurs, notamment du niveau d’ambition en matière de souveraineté numérique. Si le Sénégal vise une souveraineté totale, le développement d’un cloud souverain devient incontournable. Cependant, les investissements nécessaires pour mettre en œuvre ces solutions pourraient représenter un obstacle. Pour réussir tous ces paris, il est plus que jamais crucial que le Sénégal dispose des compétences nécessaires pour gérer un cloud souverain et négocier des contrats complexes avec des fournisseurs internationaux. Le cas de Pichai Sundararajan, un indo-américain de 52 ans, à la tête de Google depuis 2015.
Le Cloud Act représente un défi majeur pour la réussite du New Deal Numérique au Sénégal. Pour concilier les avantages de la numérisation avec les exigences de souveraineté, le Sénégal devra élaborer une stratégie globale et cohérente, en tenant compte des enjeux économiques, technologiques et politiques. Toutes ces questions seront largement débattues lors de la 13ème édition des ATDA organisée par Cio Mag en partenariat avec l’Alliance Smart Africa, les 21 et 22 novembre prochain à Abidjan.