Comment préparer la jeunesse congolaise à travers la formation et la sensibilisation à l’IA

Sur un marché animé à Lubumbashi, un jeune Congolais fait une démonstration d’applications d’IA sur une tablette. Image éditée par Freepik.

À l’heure où l’intelligence artificielle (IA) bouleverse les modèles économiques, sociaux et culturels à travers le monde, la République démocratique du Congo (RDC) ne peut rester en marge de cette révolution. Si l’IA représente un levier de transformation et de développement, encore faut-il que les jeunes, qui constituent plus de 60 % de la population congolaise, soient préparés à en saisir les opportunités tout en maîtrisant les risques. Quels sont les enjeux liés à la formation et à la sensibilisation à l’IA ? Où en est la RDC ? Quelles sont les perspectives ? État des lieux et pistes de réflexion.

Eliel Mulumba

Depuis la mise en ligne de ChatGPT en 2022 par la société OpenAI, l’IA a rapidement gagné en visibilité à l’échelle mondiale. La RDC n’échappe pas à cet engouement, même si sa pénétration reste progressive. « Le niveau de sensibilisation à l’IA chez les jeunes Congolais est en nette progression, mais reste largement centré sur l’usage, plus que sur la compréhension profonde des mécanismes sous-jacents », estime Eliel Mulumba, expert en cybersécurité industrielle.

La RDC face aux défis

Les jeunes Congolais s’emparent volontiers d’outils comme ChatGPT ou Gemini pour créer, apprendre ou organiser leurs idées. Ils expérimentent, testent, intègrent l’IA dans leurs projets personnels ou académiques. Cette dynamique traduit, selon l’expert, « un changement profond dans la manière d’interagir avec la technologie ». Cependant, cette appropriation reste encore souvent intuitive et non encadrée, ce qui pose la question de la formation et de l’éducation critique.

Développer une formation de masse en intelligence artificielle requiert un écosystème robuste. En République démocratique du Congo, plusieurs obstacles freinent cet élan : des infrastructures numériques déficientes, une connectivité encore trop faible, un manque criant de formateurs qualifiés et des contenus pédagogiques souvent peu adaptés au contexte local.

En 2024, le taux de pénétration d’Internet dans le pays demeurait inférieur à 35 %, selon les données de l’Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARPTC). De plus, cette connectivité est largement concentrée dans seulement cinq des vingt-six provinces, notamment à Kinshasa, la capitale, et dans celles de l’Est du pays, telles que le Haut-Katanga, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et le Lualaba.

Appel aux partenariats

Ce déséquilibre numérique risque, à long terme, d’aggraver les inégalités et d’exclure une grande partie de la population des avancées technologiques, si des mesures urgentes ne sont pas mises en œuvre. Cependant, il ne s’agit pas uniquement de garantir l’accès à Internet. La qualité des formations dispensées est tout aussi essentielle. À ce titre, M. Mulumba plaide pour « des partenariats internationaux intelligents, capables d’acheminer des modèles pédagogiques efficaces depuis l’étranger, tout en les adaptant aux réalités locales ».

Au-delà de la formation, l’intelligence artificielle peut-elle représenter une solution au chômage des jeunes ? « Absolument, si elle est pensée comme un levier d’employabilité, d’inclusion linguistique et d’entrepreneuriat digital », affirme un expert. L’IA offre en effet des opportunités inédites pour élargir l’accès à la formation professionnelle, notamment grâce à des plateformes d’apprentissage en ligne personnalisées, souvent accessibles depuis un simple téléphone mobile.

« Savoir-faire technique, pensée critique »

Des initiatives menées dans d’autres pays illustrent le potentiel transformateur de cette technologie. Par exemple, certains programmes proposent une initiation à l’IA dès le plus jeune âge, tout en encourageant la création de microentreprises locales. C’est le cas, par exemple, du Rwanda, qui a intégré l’apprentissage des technologies contemporaines dans la formation scolaire à tous les niveaux.

Pour que la jeunesse congolaise puisse véritablement participer à l’économie numérique portée par l’IA, il est essentiel de développer « un socle solide de compétences mêlant savoir-faire technique, pensée critique et esprit entrepreneurial. Cela passe notamment par la capacité à comprendre les mécanismes des modèles de langage, à manipuler les données et à prototyper rapidement des solutions à des problèmes concrets », précise M. Mulumba.

Enock Bulonza

Journaliste spécialisé dans les TIC et la santé, passionné par les technologies émergentes, et correspondant de Cio-Mag pour la région des Grands Lacs africains.

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