Dans un monde de plus en plus globalisé, la transformation digitale est considérée comme la quatrième révolution industrielle, elle est une nouvelle étape de la profonde réorganisation économique et sociale engagée depuis plusieurs décennies sous l’effet des technologies d’information.
En effet, l’ère numérique est omniprésent dans notre société et produit des effets chaque jour plus sensibles sur les citoyens, les consommateurs, les utilisateurs, sur les organisations privées ou publiques. Cette transformation remet en cause les configurations existantes du lieu de travail, tout en accélérant la mutation des fonctions et des tâches du salarié le forçant à évoluer à des vitesses alarmantes. Celui qui ne sera pas en mesure de faire la transition vers un nouvel emploi risquera de se retrouver coincé dans un poste peu qualifié avec peu de chance d’obtenir une rémunération et un bien être suffisant.
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Pour s’en convaincre, il suffit de regarder l’impact disruptif de nouveaux acteurs purement digitaux, sur un plan social, normatif et économique de « l’Uberisation » de certaines activités entrées dans l’ère d’un capitalisme numérique, dont la forme la plus récente est celle du « cyber capitalisme » des plates-formes internet singulièrement violent, imprédictible et sans limite. Prenons le cas d’Instagram, qui est une application qui permet de partager des photographies, en 2012 elle employait 13 personnes lorsqu’elle a été achetée par Facebook pour 1 milliard de dollars. À l’époque, Facebook comptait 5 000 employés, contre 145 000 chez Kodak aux grandes heures de la pellicule photo et sa valeur boursière était plusieurs fois supérieure à celle de Kodak. On pourrait également citer le cas de WhatsApp racheté en 2014 par Facebook 19 milliards de dollars qui employait uniquement 55 personnes.
Leur succès se traduit notamment par un nombre d’utilisateurs pléthorique, une notoriété planétaire, mais leur hégémonie, leur vision du monde ainsi que leurs objectifs sociétaux devraient nous interpeller.
Ce nouveau modèle économique avec peu d’infrastructures et une faible masse salariale, bat des records de valorisation boursière jamais atteints. Plus généralement, les entreprises internet créent de nouveaux modèles d’affaires ce qui pose de sérieux défis d’encadrement aux législateurs. Les entreprises, les gouvernements, les décideurs et les demandeurs d’emploi se doivent de réagir de façon proactive pour s’adapter à cette nouvelle donne.
Impacts sur l’emploi
Cette implosion de l’économie classique n’est pas sans conséquence sur l’emploi, la formation et le contrat social. Plus de 145 millions d’emplois qualifiés (soit une population équivalente à environ deux fois la France), pourraient être remplacée par l’automatisation (issue de la transformation digitale) à l’horizon 2025 d’après une étude de Mc Kinsey réalisée en 2013. Tous les domaines d’activité seront concernés par cette révolution, les banques, les notaires, les comptables, la médecine, l’industrie, l’agriculture… Si l’on prend l’exemple de la médecine, il existe déjà des logiciels dits intelligent (Intelligence Artificielle) qui permettent d’établir des diagnostics médicaux (fiables à plus de 90%) pour la détection de certains cancers, et propose des traitements adéquats en fonction du profil patient. La recherche épidémiologique est également bouleversée par le Big Data qui permet de croiser des milliards de données, et l’impression 3D trouve déjà de nombreuses applications avec les prothèses ou les plâtres.
Certains pays en développement dont l’industrie manufacturière est élevée, pourrait courir le risque de voir leur emplois relocaliser vers les pays développés compte tenu de l’automatisation de ce type d’industrie à un moindre coût en local. Même si tous les métiers seront impactés par cette révolution, les plus exposés n’en demeure pas moins les métiers manuels et réplétifs. Aux Etats Unis se sont 46 % des emplois industriels manuels qui sont techniquement automatisable d’après l’étude de Mc Kinsey, en Europe selon le rapport 2014 de l’Institut Bruegel consolidés par celui du cabinet de conseil Roland Berger, 40 % des emplois risquent de disparaitre pour cause d’automatisation.
Quand est-il de l’Afrique ?
D’ici à 2020, le continent devrait voir les industries de consommation croître de plus de 400 milliards de dollars, ce qui représentera plus de la moitié du chiffre d’affaires total des entreprises, selon une étude réalisée par le cabinet McKinsey. La transformation digitale à travers l’utilisation du mobile et internet aura donc un rôle essentiel à jouer dans cette croissance qui a déjà commencé dans certains pays. On peut citer le Kenya, qui grâce à son approche non interventionniste a permis à la société Safaricom (à travers son outils M-PESA) de devenir le leader mondiale du Mobile Banking avec plus de 2,5 millions de transactions par jour, et une meilleure lisibilité de ces transactions avec factures, une traçabilité et donc lutte contre la corruption. Ce dispositif a permis aux populations urbaines comme les plus rurales de pouvoirs disposer de leur argent tout en étant mobile.
Un autre domaine où la transformation digitale pourrait contribuer significativement à l’essor économique est l’agriculture qui emploie environ 70 % de la population la plus pauvre du contiennent. D’après un rapport de la Banque Mondiale (ICT for Africa) le triplement de la valeur du secteur créerait des emplois supplémentaires et contribuerait significativement à l’éradication de la pauvreté pour des millions de personnes. Les nouvelles technologies auraient un rôle significatif au développement de l’agriculture à chaque stade clé du processus : avant-culture (semences et sélection des terres, accès au crédit, etc.); culture et récolte (préparation des terres, gestion de l’eau, engrais, lutte contre les nuisibles…); après-récolte (commercialisation, accès aux marchés et cours de bourse, transport, emballage, transformation des aliments, etc.).
Pour tirer pleinement profit du dividende numérique issue de la transformation digitale, le continent doit impulser des transformations structurelles bénéfiques à ses économies et convenir d’un plan d’action stratégique notamment en matière de transformation des matières premières, d’industrialisation et de création d’un environnement propice au développement du numérique, pour fournir une prospérité durable partagée à travers le continent. De plus, dans un contexte de ralentissement de la croissance liée à la chute des cours des matières premières, miser sur le l’économie numérique représente une formidable occasion pour les économies africaines de se diversifier.
La clé de la réussite de cette transformation digitale nécessite d’adopter une mentalité novatrice et de mettre l’accent sur le développement des compétences afin de s’assurer que cette opportunité peut être comblée et dirigée par les Africains. Cela signifie également que, plus que jamais, le continent doit devenir un créateur, et pas seulement un consommateur, de technologie. Le secteur public doit montrer la voie, donner l’exemple d’une transformation inclusive qui profite à tous.
Conclusion
La frontières entre les métiers que l’on savait automatisables et ceux que l’on croyait préservés et pourvoyeurs d’emplois (ceux du tertiaire) est en train de fondre comme neige au soleil face à l’avancée de la recherche sur l’intelligence artificielle, de l’exploitation du Big data, des nouvelles générations de machines apprenantes et de l’Internet des objets connectés. Rien de pourra l’arrêter la révolution digitale, les décideurs politiques se doivent de réagir rapidement pour anticiper et réguler les bouleversements socioéconomique qu’elle va générer dans les 10 à 15 ans, afin de capter le dividende de la numérisation, pour le réinvestir dans l’appareil productif.
Cette adaptation implique la mise en œuvre d’une stratégie volontariste par les Etats qui passe par l’évolution (i) de la réglementation favorisant la création de nouveaux emplois, (ii) du système d’éducatif et (iii) de la formation afin qu’elle réponde mieux aux besoins de cette nouvelle économie.
Il n’en demeure pas moins que la transformation numérique est d’abord et avant tout une transformation culturelle et humaine, les individus et non la technologie sont au cœur de ce processus. A l’aune de cette nouvelle société, il faut espérer que nos dirigeants seront à la hauteur du défi pour bâtir une société qui profite à l’ensemble de ses habitants…
D’aronco Giuseppe Renzo
Economic Affairs Officer
United Nations Economic Commission for Africa
Sub-Regional Office for Central Africa
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