‘’Quelles actions du régulateur pour protéger et satisfaire les besoins des différentes catégories d’utilisateurs ?’’ Le sujet était au cœur de la 21è réunion annuelle du Réseau francophone de la régulation des télécommunications (Fratel), du 25 au 26 octobre à Rabat au Maroc. Les régulateurs du Gabon, de la Mauritanie ; la fédération nationale des associations du consommateur du Maroc ont apporté leurs avis sur le sujet, lors d’une table ronde dirigée par Az-El-Arabe Hassibi, Directeur général de l’Agence nationale de la réglementation des télécommunications (ANRT Maroc).
(Cio mag) – C’est Christophe Fichet, Avocat-associé à Bignon Lebray qui a planté le décor de ce débat. Dans son introduction, il a d’abord contextualisé la notion de consommateur en l’élargissant à celle d’utilisateur, renfermant ainsi le consommateur lambda et l’utilisateur entreprise etc… Il s’est ensuite demandé si les régulateurs ont tous les outils nécessaires pour réguler le secteur qui connaît une évolution rapide de nos jours. Outils nécessaires pour appréhender les attentes des consommateurs à l’ère du numérique, de la donnée, de la cybersécurité. Selon lui, « la préoccupation du consommateur n’est plus uniquement une question de prix, mais aussi le rapport qualité/prix. » L’avocat-associé a attiré l’attention sur la nécessité d’aider le consommateur à se servir des outils numériques. Puis enfin, il a insisté sur la responsabilité de l’utilisateur, notamment lorsque ce dernier devient un gros consommateur de capacité. Ce qui implique sa responsabilité en cas de dégradation, puisque ce besoin demande de gros investissements.
La qualité de services, des infrastructures (par l’investissement), la protection de la vie privée des consommateurs, éviter l’utilisation des services électroniques à des fins inappropriées. Voilà entre autres les défis que doivent relever les régulateurs.
Gabon-Mauritanie : deux cas pratiques
Le régulateur gabonais, par exemple, a mis un terme au débit automatique du compte principal du consommateur lorsque ses données arrivent à expiration. Pour Célestin Kadjidja, président de l’Arcep-Gabon, « la facturation doit se faire en fonction des services demandés par l’utilisateur. » Ainsi donc, les opérateurs sont tenus d’avoir l’accord du consommateur qui doit expressément souscrire au service pour lequel il sera facturé. L’idée est d’éviter donc que l’abonné ne paie pas pour un service qui ne lui est pas nécessaire. Sur cet exemple précis, les opérateurs sont obligés d’informer par SMS le consommateur de l’épuisement de ses données, en lui laissant donc le choix de les renouveler ou non. La régulation au Gabon prévoit aussi que « les utilisateurs reçoivent des factures détaillées qui correspondent à leur consommation et dans le respect de leur vie privée. »
En Mauritanie, la régulation « recherche un équilibre dynamique », a témoigné Cheikh Baye Cheikh Abdallahi, Conseiller du président chargé des études, de l’analyse et de la prospective de l’ARE. Pour satisfaire les utilisateurs, l’Autorité de régulation de la Mauritanie mise sur la qualité de service. A cet effet, il publie régulièrement des enquêtes de satisfaction, met en demeure les opérateurs et les sanctionne au besoin en cas de manquement. Avant la fin de cette année, l’ARE envisage d’amener les opérateurs à un partage d’infrastructure pour assurer l’itinérance nationale aux consommateurs.
A cette table-ronde, Ouadi Madih, président de la fédération nationale des associations du consommateur du Maroc et membre du CA de l’Union Africaine des consommateurs a apporté la voix des consommateurs. Selon des enquêtes menées par l’UA des consommateurs, « 54% des associations de consommateurs de l’organisation ont une relation formelle avec les régulateurs de leurs pays.» Le souhait des consommateurs africains est « une Afrique où les décideurs, les producteurs et les citoyens consommateurs interagissent en faveur d’une consommation locale saine, pour une économie durable et intégrée », a rappelé Ouadi Madih.
Des régulateurs attentifs
De plus en plus sur le continent, les régulateurs dédient des directions à la protection du droit des consommateurs. Selon l’enquête de l’UA des consommateurs, 69% des régulateurs des pays sondés ont une telle direction.
En accompagnant des acteurs du secteur des télécommunications, Olivier Brunot, président de Directique a proposé des réponses à certaines questions soulevées lors des échanges. De son expérience, il ressort que « les utilisateurs ont potentiellement des besoins très différents. Mais à la base, il y a la disponibilité du réseau et l’accessibilité. » Selon le président de Directique, vouloir satisfaire les consommateurs/utilisateurs, c’est aussi avoir une disponibilité et la performance du réseau. C’est donc la qualité des infrastructures qui permet d’offrir une qualité de service, précise-t-il. Il conseille aux régulateurs d’être à l’écoute des utilisateurs finaux. Ce qui va impliquer, selon l’expert, la prise en compte de plusieurs facteurs comme l’aspect émotionnel. Il faut « mesurer les performances avec les opérateurs et les accompagner à améliorer leurs services par l’orientation des investissements », a recommandé Olivier Brunot. Ce, afin que « les investissements soient plus proches des besoins des différents acteurs, notamment en matière d’aménagement du territoire. » Pour atteindre cet objectif, les régulateurs sont appelés à mettre en place des référentiels qualités et des indicateurs et méthodes de collectes de données.
Elbazradio, l’innovation marocaine
Assurer aux consommateurs la satisfaction, c’est aussi s’assurer de la disponibilité permanente des services, du réseau. Au Maroc, l’Agence nationale de la réglementation des télécommunications (ANRT) a mis en place un outil unique : Elbazradio. En référence au bel oiseau robuste d’Afrique du Nord, ce drone permet au régulateur marocain d’assurer des missions particulières comme le contrôle du spectre des fréquences nécessitant des mesures en hauteur et à partir des points généralement inaccessibles. Une innovation que le Maroc a tenu à partager avec les régulateurs de Fratel lors de cette 21ème réunion annuelle.
Les régulateurs de Fratel sont unanimes, « dans un contexte de fortes évolutions technologiques, les attentes en matière de connectivité, et les besoins de qualité à un prix abordable sont aujourd’hui au cœur de la régulation. » Le défi, c’est donc de mener des actions qui permettent de concilier « les intérêts d’acteurs privés avec des objectifs d’intérêt général au bénéfice de l’utilisateur final. »