La troisième édition de l’Africa IT Expo (AITEX) vient de s’achever à Rabat. Pendant deux jours (du 4 au 5 octobre), donneurs d’ordre, experts, auteurs de l’écosystème numérique africain ont planché sur le futur du digital en Afrique. Dans cet entretien accordé à CIO Mag, Saloua Karkri Belkziz, présidente de l’APEBI, et Youssef Harouchi, président du comité scientifique de l’AITEX, dressent un bilan satisfaisant de ce business forum.
Propos recueillis par Mohamadou DIALLO
CIO Mag : Quel bilan tirez-vous de cette troisième édition de l’AITEX ?
Saloua Karkri Belkziz : Un bilan très positif d’autant plus que c’est notre première expérience sur Rabat, et également nous avons changé de format pour passer de stand d’exposition à un business forum. Donc, je dirai que pour une première, on est très content. Nous avons reçu dès le premier jour un peu plus de mille visiteurs ; nous avons reçu trois ministres. Et ce qui est important, c’est que ces ministres, au-delà de l’aspect protocolaire, sont revenus de leur propre initiative aujourd’hui-même (vendredi 5 octobre, Ndlr), ils sont restés pendant une heure à visiter le village d’innovation et ils ont discuté avec les startups. Ils ont vraiment compris leurs besoins, et c’était justement l’objectif de ce village d’innovation.
L’expérience, les conférences étaient de très haut niveau. On a eu droit à des auteurs de livres qui ont produit des choses extraordinaires sur le digital. On a eu des expériences de plusieurs pays ; je rappelle que cette année les pays d’honneur étaient le Rwanda et le Bénin. Et puis surtout, on était également agréablement surpris d’avoir pu retenir plus de cent personnes la dernière après-midi (de vendredi) ; ils ont fait un travail extraordinaire autour de la thématique. C’est à nous maintenant de prendre en compte leurs recommandations pour la prochaine édition.
Allez-vous retenir le même format l’année prochaine ou le changer ?
Saloua Karkri Belkziz : Probablement le même format, on doit en discuter au niveau de notre conseil d’administration. Mais en tous cas la demande est forte pour que ce soit le même format même si au niveau du ministère ils veulent qu’on fasse encore plus et même avec un chapitre des expositions. Cette année, c’est un format de transition, l’année prochaine certainement on trouvera le bon format.
En tant que président du comité scientifique, quel retour avez-vous de cette troisième édition de l’AITEX ?
Youssef Harouchi : Effectivement, c’est l’heure du bilan. Moi je vais revenir sur la thématique elle-même parce qu’on s’est vraiment posé la question pour trouver la bonne thématique qui puisse fédérer. Et rapidement on s’est dit : l’Afrique va-t-elle continuer à consommer le digital n’importe comment ou bien est-ce qu’il y a un véritable digital pour l’Afrique ? C’était un peu l’objectif recherché.
Alors effectivement nous avons changé de format. Nous avons été sur Rabat, c’était très compliqué en termes d’organisation. Mais avec ce qu’on a vu, c’était magnifique. Parce qu’on a eu un programme scientifique pointu, plus précis avec des thématiques qui correspondent aux enjeux de l’Afrique.
Il y avait aussi le village de l’innovation. C’est une nouveauté. Ça nous a permis, à travers un appel à candidature, d’avoir cent soixante startups. On a sélectionné soixante, on leur a offert l’espace pour pouvoir côtoyer des donneurs d’ordre, de montrer à tout le monde ce que les Marocains et les Africains savent faire. Et puis un World coffee à la fin, qui était un peu l’apothéose. On a été très agréablement surpris de voir comment en une heure et demie, on a pu mettre plusieurs nationalités en commun et de produire très rapidement plusieurs recommandations.
On va essayer de faire tout notre possible pour les synthétiser, et ça peut être une véritable feuille de route. On croit vraiment à cet optimisme. Dans tous les cas, on fait cela avec beaucoup d’amour, beaucoup de passion et j’espère que toute l’Afrique va faire un bond en puisant quelque chose au niveau de ce digital qui nous tient tous à cœur.
En termes de contenu, il y a eu plus de publications américaines ou européennes mais peu de publications africaines sur le digital. Est-ce une volonté ou parce que vous n’avez pas pu trouver les bonnes personnes en Afrique qui ont publié des livres ?
Youssef Harouchi : Effectivement quand on prépare ce type d’événement, bien sûr, initialement on essaye de diversifier et d’aller chercher. On a même un principe, c’est d’aller chercher beaucoup de femmes et d’Africains grâce à nos partenaires, notamment CIO Mag. Mais on n’en trouve pas facilement. On a même fait appel à notre ministère des travailleurs marocains à l’étranger, qui a mobilisé la diaspora. Mais il n’y a pas beaucoup de publications.
Par contre, je le redis, on a eu des conférenciers, des modérateurs, que ce soit des hommes et des femmes d’Afrique. On a appris énormément de choses, et je salue leur humilité, je salue leur professionnalisme, je salue leur capacité d’intégration, et je suis fier d’être Africain.
Vous avez balayé plusieurs thématiques au cours de cette édition : Afri-Tech, Agro-Tech, Fintech, etc. Est-ce que vous n’avez pas l’impression d’avoir fait le tour des sujets ?
Youssef Harouchi : Pendant la préparation on s’était posé la question sur les enjeux de l’Afrique et c’est ce qui a guidé notre réflexion. On a trouvé ses six enjeux qui ont nous ont paru pertinents. C’est pourquoi je vous ai dit que cette année était plus précise, beaucoup plus focus. Peut-être qu’on aurait pu aborder d’autres sujets mais avec six c’est déjà pas mal. Pour les autres années, on verra bien.
Quelles sont les perspectives que vous avez quant à la volonté d’imposer ou de pérenniser l’AITEX en Afrique ?
Youssef Harouchi : D’abord, c’est un peu trop tôt parce qu’il faudrait qu’on fasse le bilan de ce événement. Je pense que cette année, on a placé la barre un peu haute. On a intégré toute la communauté des startups. Le ministère nous a fait confiance pour nous accompagner. Ça veut dire que quelque part nous avons démontré. Je pense qu’on a fait un saut qualitatif.
J’ai eu l’occasion de discuter avec les gens en France, avec les gens de la station F, VivaTech. L’idée, c’est d’essayer de faire quelque chose de plus grandiose. En tous les cas, c’est notre volonté d’y aller. Je pense qu’on a de quoi démontrer que ça puisse marcher. Mais on en saura un peu plus quand on fera le bilan.