(CIO Mag) – « Deux milliards de personnes et 200 millions de petites entreprises dans les économies émergentes n’ont pas accès à l’épargne et au crédit formels. » En plus d’être un enjeu crucial d’inclusion financière, cette cible représente une formidable opportunité de croissance pour les fournisseurs de services financiers mobiles. Utiliser l’argent mobile comme un pont vers ces marchés qui attendent d’être défrichés va permettre à ces fournisseurs d’atteindre plus de 1,6 milliard de nouveaux clients et augmenter de 2,1 millions de dollars le volume des prêts accordés aux particuliers et aux entreprises.
Ces fournisseurs pourront également accroître leurs chiffres d’affaires de 4 000 milliards de dollars au total en développant des produits et services innovants qui vont bien au-delà des paiements standards pour atteindre les personnes non bancarisées. Les fournisseurs de services financiers existants devraient eux-aussi pouvoir profiter du potentiel de croissance de l’industrie du mobile money. « En mettant en place des capacités de financement numérique et de nouveaux modèles économiques couvrant de nouvelles formes de services financiers basés sur les données », ils devraient pouvoir « réduire leurs coûts directs de fonctionnement de 400 milliards de dollars par an ».
Toutes ces promesses de développement sont annoncées par le cabinet McKinsey & Company dans son rapport intitulé : « Mobile money in emerging markets : The business case for financial inclusion » (L’argent mobile dans les marchés émergents : l’analyse de rentabilisation pour l’inclusion financière). Publié en mars 2018, ce rapport analyse l’environnement d’incertitudes auquel sont confrontés les fournisseurs de services financiers qui cherchent à exploiter le potentiel de croissance du Mobile money. Il s’agit notamment du paysage réglementaire, du fonctionnement de la chaîne de valeur de l’argent mobile et du comportement des utilisateurs.
Réglementation. De cette étude, il ressort que le cadre réglementaire peut impacter négativement la rentabilité des fournisseurs d’argent mobile ; ralentir l’inclusion financière ; et amenuiser la contribution de la finance numérique au PIB. C’est le cas par exemple des plafonds tarifaires ou des restrictions qui empêchent les fournisseurs de développer des réseaux généralisés de CICO (cash-in-cash-out – retrait d’espèces). Aussi, les fournisseurs et les régulateurs devraient-ils envisager « une collaboration constructive » pour asseoir une réglementation qui va servir d’aide et non entraver le développement d’un marché.
Modèles d’affaires. Ouverture et gestion de compte, retrait d’espèces, transactions entre deux comptes et activités adjacentes liées au portefeuille ou aux services de Mobile money. Parmi ces quatre activités, le retrait d’argent génère environ 60% des bénéfices. Il représente la part la plus importante des revenus (70%) et des coûts (80%). En seconde position : les transactions. Estimées actuellement à environ 20% du total des revenus, elles peuvent améliorer considérablement la rentabilité des fournisseurs dans le futur. A condition qu’ils acceptent de faire évoluer les modèles commerciaux existants et d’en développer de nouveaux.
Selon le rapport, les perspectives sont nombreuses. Les fournisseurs peuvent s’appuyer sur « les technologies mobiles pour émettre, contrôler et collecter les paiements sur les prêts, réduisant ainsi les coûts et permettant ainsi l’extension des petits prêts » aux populations qui n’ont pas accès à l’épargne et au crédit formels ; s’orienter vers les petites entreprises telles que les écoles privées à faible coût pour leur offrir des services couvrant le financement de la chaîne d’approvisionnement, la gestion de la trésorerie et le versement des salaires des enseignants. Comme c’est le cas chez Bridge International Academies au Kenya, en Ouganda, au Nigeria et en Inde ; développer des services de commerce électronique tels que le jumelage d’emplois et le covoiturage, à l’exemple du Chinois Didi Chuxing.
Chaîne de valeur. A ce niveau, le rapport a identifié cinq rôles principaux : « Détenteur de dépôts, émetteur de monnaie électronique, fournisseur de services de paiement, gestionnaire de réseau d’agents et fournisseur de canaux de télécommunications. » Il précise cependant qu’aucun type de fournisseur de services – banques, opérateurs de réseaux mobiles (ORM) ou fournisseurs d’accès Internet – ne possède aujourd’hui toutes les capacités et l’expérience pour offrir des produits adjacents qui pourraient générer des flux de revenus supplémentaires à long terme.
Par conséquent, des partenariats banque-ORM ou un fournisseur d’accès Internet sont à établir, à l’image du partenariat d’Equity Bank avec Airtel. « En fin de compte, l’empressement des fournisseurs à fournir de l’argent mobile et des produits adjacents dépendra des avantages et des compromis qui en découlent pour leurs activités principales », annonce le rapport.
En conclusion, pour saisir les opportunités de l’argent mobile, les fournisseurs devront investir sur le long terme pour réaliser des économies d’échelle, et être prêts à adopter de nouvelles façons de travailler par le biais de partenariats avec d’autres types d’entreprises. « Les fournisseurs qui réussissent maintiendront une double orientation : une vision claire de ce qui stimule l’économie de l’argent mobile aujourd’hui, et une perspective prospective sur le potentiel de nouveaux produits et services financiers innovants, et des sources de revenus adjacentes ».
Pour réaliser ce rapport, le cabinet McKinsey & Company a effectué une analyse comparative détaillée des données de six institutions comprenant des banques, des ORM et d’autres fournisseurs tiers de services de mobile money. L’étude s’est particulièrement concentrée sur l’Afrique de l’Est mais aussi sur des entreprises d’Afrique de l’Ouest et d’Asie du Sud-Est.
Anselme AKEKO