En quoi le numérique peut-il contribuer à développer l’économie des pays, à les diversifier et à les désenclaver ? Le sujet était au cœur de la 2ème session ministérielle marquant les 10 ans des ATDA au Maroc. Co-organisé par Cio mag et la CNDP-Maroc, avec l’ADD et l’Université Mohammed Vi Polytechnique (UM6P) de Benguerir comme sponsors officiels, ce grand forum a réuni, pour des retours d’expériences, le Madagascar et le Sénégal.
(Cio mag) – Après les télécoms, c’est désormais le numérique qui est considéré comme un vecteur clé de développement économique. Un développement qui passe par la diversification mais aussi le désenclavement. Ce point retient particulièrement l’attention de Madagascar. L’île est aujourd’hui interconnectée à plusieurs fibres optiques, au total plus de 12.000km de fibre. Le pays fait partie des premiers Etats africains à adopter la 5G, à titre expérimentale, a souligné le ministre malgache des Postes, des Télécommunications et du Développement du numérique, Tahina Michel Razafindramalo.
Pour contourner la cherté des infrastructures routières, « le Madagascar a entrepris un virage digital depuis deux ans, avec le digital comme un vrai levier de désenclavement du pays », a expliqué le ministre Razafindramalo. Son ministère est depuis devenu un département transversal qui travaille avec tous les autres ministères pour la modernisation de l’Etat. Impôt, télé-déclaration, marchés publics…, le numérique permet ainsi d’accélérer le désenclavement surtout économique de l’île.
Au Sénégal, le pari d’un désenclavement de l’économie par le numérique fait déjà ses preuves. Papa Amadou Sarr qui est en charge de l’Entrepreneuriat Rapide des Femmes et des Jeunes a témoigné de l’accélération de l’accès au financement de ces couches par le numérique. « Le numérique est devenu incontournable. Avant la covid, on avait une pile de parafeurs à signer le matin au bureau, avec des gens qui attendent. Aujourd’hui on peut signer tout avec la signature électronique », a témoigné le ministre Délégué général à l’Entreprenariat Rapide des Femmes et des Jeunes. De son retour d’expérience, on note par exemple la réduction sensible des délais d’attente pour l’accès au financement des projets ; des délais de 3 mois désormais réduits à 24 ou 48 heures.
Pour atteindre ses objectifs, le Sénégal a dû mettre en place plusieurs mécanismes. La stratégie Sénégal 2025 a abouti à la création d’un Conseil national sur le numérique, l’Université virtuelle du Sénégal dont les diplômes sont reconnus partout dans le monde. Et le pays continue de déployer des infrastructures comme son datacenter, la ville nouvelle de Diamniadio et son parc technologique, etc.
Au-delà, les femmes bénéficient aujourd’hui de meilleures opportunités d’accès au financement grâce au numérique, qui fait tomber les barrières socioculturelles. « La covid a révélé qu’il est possible de tout faire sans trop d’effort avec le numérique », a soutenu le ministre Papa Sarr.
Des initiatives concrètes
Que ce soit avec les objets connectés, l’Intelligence artificielle, les nouvelles technologies du numérique permettent d’améliorer l’économie des pays africains essentiellement agricoles.
Au Sénégal, Papa Amadou Sarr se rappelle du lauréat du prix du chef de l’Etat sénégalais qui est un jeune. Ce polytechnicien a mis en place un dispositif à base de l’IA pour améliorer les rendements agricoles, l’arrosage à distance et le contrôle phytosanitaire « permettant à plusieurs fermes d’augmenter leur rentabilité ». L’autre exemple cité, c’est la technologie pour superviser les récoltes et prévoir aussi la divagation des animaux, une technologie pour lutter contre l’envahissement des criquets, etc. Sans oublier la possibilité pour les agriculteurs de vendre leurs récoltes sur les Marketplace partout dans le monde, avant même les récoltes, souligne le ministre sénégalais.
Madagascar a lui-aussi son lot d’exemples comme les tracteurs autonomes pour travailler la terre. Dans un pays à 80% dépendant de l’agriculture, « la technologie, les tracteurs connectés, les drones semeuses » permettent d’accroitre le rendement.
A travers son datacenter dont les démarches sont en cours, l’Île espère accélérer davantage le désenclavement de son pays en boostant les initiatives. Cette infrastructure devra permettre de renforcer l’écosystème numérique de Madagascar, en donnant la possibilité aux startups de grandir. Le ministre Tahina Michel Razafindramalo rappelle aussi le rôle de la poste comme le plus grand levier de développement adossé au mobile money. L’e-santé, avec les drones pour la distribution de médicaments, la téléconsultation sont des secteurs qui ont pris de l’envol depuis la covid.
Que ce soit au Sénégal ou à Madagascar, le numérique sert désormais à accélérer l’inclusion financière, à diversifier les économies et à désenclaver les coins les plus reculer. Tous les secteurs socio-économiques en bénéficient, ont témoigné les deux ministres. Cependant, ce tableau est loin d’être tout rose. Car, des difficultés, ils en existent.
L’accès à l’énergie durable, la pénétration du haut débit, l’accessibilité des infrastructures pour les consommateurs… la liste des freins est encore longue. Ce qui questionne la capacité des Etats à investir massivement dans des opportunités innovantes capables de répondre aux défis. Le ministre malgache des Postes, des Télécommunications et du développement du numérique, Tahina Michel Razafindramalo et son homologue sénégalais Papa Amadou Sarr, Délégué général à l’Entreprenariat Rapide des Femmes et des Jeunes ont appelé à relever ces défis par la capitalisation des acquis et surtout par un partenariat entre pays africains.
« Il faudrait mettre en commun un fonds dédié à la révolution numérique », a suggéré Papa Amadou Sarr.