Des élèves de la sixième à la terminale férus des sciences et de la technologie. Dans la banlieue sud-est de la capitale togolaise à Baguida, l’Ecole scientifique et technologique OPEM (Observatoire panafricain pour l’école et les métiers) fait un pari : former les ingénieurs dont le pays a besoin pour le développement industriel. Ambiance particulière à l’OPEM, vécue par Cio mag.
(Cio mag) – Il est 8h de Lomé, samedi 19 février. Au premier étage de l’OPEM, non loin du marché de Baguida, l’ancienne capitale togolaise, le visiteur est accueilli par des clameurs issues de la salle de conférence débordant jusqu’au couloir. Cette matinée-là, de jeunes filles tiennent une série de conférences sur diverses thématiques dont celle des femmes ayant contribué aux grandes découvertes, inventions et développement industriel. Dans cette école qui promeut les sciences et la technologie, de la 6ème à la terminale, les filles ont occupé les premiers rangs sauf dans deux classes l’année dernière. Un résultat expliqué par l’intérêt scientifique suscité au sein de la gente féminine.
La journée scientifique tenue samedi est « une journée spéciale appelée la ‘’Maîtrise’’ où les élèves démontrent ce qu’ils ont amassé comme compétences en informatique, technologie, mathématique, physique et chimie », explique le directeur de l’école, Dr José Victor Afanou.
Parents et élèves d’autres écoles sont venus constater les résultats des travaux de recherche menés par des élèves de l’OPEM. L’enjeu, provoquer une autre réflexion sur l’enseignement et l’éducation des jeunes filles, plus précisément dans les domaines des sciences et de la technologie.
90% de réflexion contre 10% de mémorisation !
Dans l’enceinte de l’OPEM, les blouses blanches et bleues retiennent l’attention du visiteur. Des plus petits aux plus grands, tous ont l’allure de ‘’grands’’ habitués de laboratoires. Cette impression du visiteur se confirme dès qu’il franchit les portes des ateliers et laboratoires de l’école.
A l’OPEM, une sonnerie intelligente mise en place par un jeune de 15 ans régule les heures de cours en lieu et place du sifflet habituel. Cette sonnerie automatique est programmée à rester muette les weekends. Dans les ateliers ouverts ce jour de ‘’Maîtrise’’, sont exposées les réalisations des jeunes élèves. Un garage automatisé muni de capteurs régule le trafic des véhicules, un dispositif de feu de signalisation prêt à être déployé partout ; des applications codées pour diverses fonctionnalités ! A côté des réalisations concrètes, des projets industriels de fabrication, de centrale hydroélectrique…
Dans cette école, le challenge est connu de tous : changer les paradigmes de l’éducation au Togo. « Le pays bouge en développement. Il y a la plateforme industrielle d’Adéticopé. Mais le développement vient de l’industrie. L’industrie vient de la technologie et la technologie se trouve dans l’enseignement qualitatif des sciences », analyse Dr Afanou. Ce schéma est fondamental, insiste-il tout en réclamant la mise en place d’un système éducatif, « particulièrement l’enseignement des sciences et technologies qui permet à l’élève de faire fonctionner sa matière grise et de trouver des solutions aux problèmes qu’il rencontre ». Le but de cette méthode consiste à renverser le fonctionnement de l’école en accordant 90% d’intérêt à la réflexion contre 10% de mémorisation !
L’ambition qui germe depuis cette banlieue de Lomé, c’est de produire pour le Togo des femmes et hommes capables d’identifier et de proposer des solutions locales aux besoins de développement.
Créer l’émulation
Parmi les visiteurs de la journée de ‘’Maîtrise’’, l’universitaire Kossi Désiré Dégbé, titulaire d’un Master en philosophie politique et du droit, censeur dans un complexe scolaire, et membre du Laboratoire d’analyses des mutations politico-juridiques, économiques et sociales ( LAMPES) de l’Université de Lomé. Ce visiteur averti s’est dit marqué par « l’esprit de synthèse et d’analyse thématique par thématique développés par les élèves ». Il soutient que « la donne a changé et il faut la révolution des mentalités et de la société parce qu’on a tendance à dire que trop d’éducation détruit les femmes ; mais la science change le monde et les femmes y participent ».
Un autre visiteur témoigne : « J’ai vu une innovation dès le bas âge avec la démonstration de la pratique des théories. Des enfants qui codent, ce que nous n’avons pas eu la chance de faire, je suis fier ». Lawson Gael ajoute : « J’encourage les parents à soutenir les jeunes filles. Nos parents pensaient que les jeunes filles ne doivent pas aller loin, c’est révolu. Il faudrait que nous, parents, nous motivions ces jeunes pour devenir demain des inventeurs, à aller plus loin ».
Aller plus loin, c’est le rêve que nourrit Dr Victoir José Afanou Ingénieur en électromécanique, titulaire d’un doctorat en science de l’éducation. Vivant entre Lomé et Bruxelles où il a donné trois ans de cours au lycée et sept ans à l’Université, il veut produire comme à Bruxelles et en Europe, des ingénieurs en sciences et technologie capables de répondre aux besoins de développement industriels du Togo.