Au Burkina Faso, le basculement vers la TNT a officiellement débuté le 28 décembre 2017. Le signal analogique a pour sa part été coupé le 1er novembre 2019, soit deux ans après le lancement de la TNT. Le pays des hommes intègres a ainsi été le premier de la sous-région ouest-africaine à être au rendez-vous. Déjà, en 1963, il avait été en pôle position, dans la région, pour lancer une chaîne publique.
Par Souleyman Tobias
Depuis novembre 2019, plus aucun émetteur ne diffuse en analogique dans le pays. Et le paysage médiatique, boosté par l’avènement de la TNT burkinabè, est en pleine mutation. « Le Burkina Faso a achevé son processus de transition. Déjà, à la fin de l’année 2019, nous avions fini d’installer 35 sites de diffusion avec des relais. Ceci nous permet de couvrir 98% du territoire », a confié, à Cio Mag, Kadidia Sawadodo, directrice générale de la SBT.
La TNT, qui a été officiellement lancée en décembre 2017, au Burkina Faso, conforte le pays dans son rôle de pionnier de la télévision en Afrique de l’Ouest. Avec la création de la Société burkinabè de télédiffusion (SBT), en juillet 2013, le pays des hommes intègres envoyait déjà un signal positif. La SBT a pour autre mission de diffuser des programmes radiophoniques et télévisuels. Elle gère les 35 émetteurs installés pour le basculement vers la TNT.
Mutation du paysage médiatique
« Depuis le lancement de la TNT, le nombre de chaîne a augmenté, avec une qualité d’images et de son que les téléspectateurs n’avaient pas avant », se réjouit Kadidia Sawadogo. Aujourd’hui, la TNT a embarqué dix-sept chaînes nationales et quatre autres régionales. Pour les éditeurs, c’est le début de nouveaux challenges. La course à la professionnalisation est palpable, avec l’amélioration des programmes et des plateaux. La Directrice générale de la SBT salue surtout « la qualité des contenus et leur contextualisation, pour répondre à la demande des populations ». De son point de vue, les éditeurs burkinabè sont appelés à davantage de professionnalisme, sur toute la chaîne de valeur, pour bénéficier de la mutation que la TNT a déclenché dans le paysage médiatique du pays.
Au Burkina, le déploiement de la TNT traduit l’engagement des autorités burkinabè à promouvoir le droit à l’accès à l’information. Pour Rémis Fulgance Dandjinou, ministre de la Communication d’alors, le passage à la TNT signifiait l’amélioration significative du droit à l’information. Lors du lancement de la TNT dans son pays, il déclarait aux médias que ses concitoyens allaient bénéficier d’une offre plus riche et plus diversifiée. « Le numérique, c’est une télévision gratuite accessible à tous. C’est la télévision de la diversité, avec un accès à nos cultures et à la découverte ». Pour le Burkina, la promotion de cette diversité et du droit à l’information a un coût.
Augmenter la productivité
L’Etat burkinabè a déboursé 45 milliards FCFA pour le déploiement de la TNT. Selon Jeune Afrique, la moitié de l’investissement provenait « d’un pool bancaire conduit par Bank of Africa-Burkina ». Jusqu’en décembre 2019, la diffusion des chaînes nationales de télévision sur la TNT s’est pourtant effectuée gratuitement. La redevance de 75 millions FCFA, que devaient payer les éditeurs pour la diffusion, n’a été fixée qu’en septembre de cette année-là. Et le décret devait entrer en application au 1er janvier 2020. Mais, l’Etat burkinabè a diminué de moitié cette somme, au titre des mesures prises pour soutenir les médias, en période de pandémie de la Covid-19. Selon la responsable de la SBT, cette décision reflète « le rôle considérable tenu par l’Etat burkinabè dans le processus de numérisation des télévisions ».
Si cette implication est saluée, la Société burkinabè de télédiffusion sait bien qu’elle doit relever le défi de sa viabilité. Elle multiplie ainsi les initiatives et explore plusieurs axes pour augmenter sa productivité. Collocation des équipements de communication, possibilités de partenariats avec les Télécoms sur le segment des OTT, proposition de multiplex payants… La SBT peaufine sa stratégie. Pour Kadidia Sawadogo, il s’agit d’accompagner le développement des acteurs et de rentabiliser l’investissement pour la TNT.
L’optimisation de l’infrastructure et l’association des autres services numériques, comme l’archivage, font partie des pistes de réflexions sérieuses, sur lesquelles travaille la SBT. La directrice générale est convaincue que « la diffusion, quel que soit le coût, ne peut à elle seule rendre viable une société de diffusion ». Partant de ce postulat, la SBT veut gagner le pari d’une société d’Etat viable. Cet engagement s’est traduit par l’élaboration du Plan stratégique de développement de la SBT-2021-2025. Dans ce processus, la Société burkinabè de télédiffusion peut encore compter sur l’appui de l’Etat, qui mobilise ses ressources. Il a d’ailleurs subventionné les adaptateurs, dont les prix sont fixés à 10.000 FCFA et sont exonérés de taxes douanières.
Sensibiliser les populations
L’information a été un outil clé de la réussite de la migration vers la TNT au Burkina Faso. A chaque étape, la SBT a axé sa stratégie sur une communication claire, à l’endroit des populations, mais aussi des commerçants importateurs du matériel de réception. La technologie choisie et les normes retenues ont été largement communiquées aux populations, sur l’ensemble du territoire, à travers plusieurs canaux. Sur le site web de la SBT, les messages de sensibilisation figurent d’ailleurs toujours en bonne place.
On note par exemple que le pays a opté pour le satellite EUTELSAT 3B, pour alimenter ses émetteurs. Pour les adaptateurs, le Burkina a choisi les appareils DVB-T2 / MPEG-4 et des antennes UHF. Des spots de sensibilisations et des tutoriels ont été produits pour aider les ménages à procéder à leur migration. Ces actions de sensibilisation se sont déroulées en langues locales, pour atteindre toutes les strates de la population.
En définitif, ce qui a été l’atout du Burkina Faso, c’est l’engagement des différents acteurs à des niveaux divers. Cet état d’esprit transparait clairement lorsque, pour conclure, la Directrice générale de la Société burkinabè de télédiffusion affirme que « dans la marche mondiale, il ne faut pas reculer. Il faut faire les choses à temps, dans le sens du développement de nos pays. Anticiper les challenges permet de bénéficier, à temps, des avantages et évite de rattraper des retards fatalement plus coûteux ».