Avec plus de 140 000 membres sur le réseau social Facebook, la page Police secours bat en brèche les méfiances de la population vis-à-vis des forces de sécurité.
(CIO Mag) – C’est au service Communication du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité que l’idée a germé. Utiliser le réseau social Facebook pour être alerté par les populations sur des cas d’agression, vol, racket, incendie et accident, dont ils ont été victimes ou témoins. Une fois rassemblés, ces renseignements sont transmis aux services compétents : police, gendarmerie, sapeurs-pompiers et sociétés nationales de distribution d’eau et d’électricité. Par ce canal, des internautes expriment également leur ras-le-bol sur des agissements de la Police ou les services publics. Et comme souvent dans ce genre de cas, un fait d’une extrême violence est à l’origine de cette “révolution”.
Donner des renseignements à la police
Le mercredi 12 août 2015, à 3 heures du matin, une étudiante candidate au Brevet de technicien supérieur (BTS) est tuée à coup de machette à Yopougon, quartier nord d’Abidjan. Les agresseurs bien qu’anonymes sont pointés du doigt : “les Microbes”. Ces jeunes en conflit avec la loi, qui usent de tous les moyens pour dépouiller leurs victimes. Quitte à leur donner la mort. Scandalisés par ce crime odieux, les Ivoiriens étalent leur colère sur … Facebook. « Chacun publiait son commentaire ; il n’y avait pas de réponse de la police alors que les gens parlaient de partout », relate Assane Coulibaly Kéita au micro de CIO Mag.
Chef du service Multimédia du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité, il entreprend alors de créer sur Facebook une plateforme où la population viendra exprimer son ras-le-bol. Ou renseigner la police. Ainsi naît “Police secours”. Une idée hautement salutaire d’autant plus qu’elle contribue à battre en brèche la méfiance des Ivoiriens vis-à-vis de leur police.
Les unités d’intervention sous pression
Depuis le crime de Yopougon, les administrateurs de la page Police secours ne cessent de recevoir des requêtes. Qui pour livrer des informations. Qui pour se plaindre. D’autres encore sollicitent Police secours en vue de régler des problèmes de famille. A ce jour, les administrateurs reçoivent quotidiennement une cinquantaine de requêtes. Nombre d’elles ont permis aux unités d’intervention de la Police nationale de rassembler dans un délai très court les preuves constitutives d’un crime ou d’appréhender rapidement les auteurs. « C’est le cas de ce jeune-homme qui a tué ses deux sœurs dans le quartier Mahou à Cocody-Angré, il a été arrêté 24 heures après. Il y a aussi ce monsieur qui était soupçonné de meurtre sur une dame à Cocody. 24 heures après il a été arrêté », témoigne Assane Coulibaly. Mais ce n’est pas tout. Grâce à cette e-Police, des individus qui s’apprêtaient à attenter à la sûreté nationale ont pu être appréhendés. « Après perquisition, il s’est avéré que ces personnes étaient prêtes à frapper », révèle l’initiateur de Police secours.
Lutter contre le terrorisme
« Lors de l’attentat de Grand-Bassam, poursuit-il, nous avions été les premiers à dire qu’il y avait attentat. Parce que les membres de Police secours nous ont envoyés des informations selon lesquelles des tirs se faisaient entendre (simultanément) dans trois hôtels de Bassam. Nous avons informé les autorités, photos à l’appui, en disant qu’il s’agit fort probablement d’un attentat terroriste. »
Aujourd’hui, Police secours affiche plus de 140 000 membres sur Facebook. Son succès traverse les frontières et s’étale fièrement sur la sous-région. « J’ai été au Mali pour installer Police secours Mali. Au Bénin, le ministre de la Sécurité, prenant exemple sur la Côte d’Ivoire, a annoncé la création d’une page similaire. Du coup, c’est une action qui s’internationalise », observe Assane Coulibaly, un brin satisfait. Dans cette dynamique, il compte créer Police secours Sénégal et Police secours Burkina. En ligne de mire ? Renforcer la lutte contre le terrorisme en Afrique de l’Ouest. De son point de vue, une chaîne de Polices en ligne permettra de recouper les informations à l’échelle régionale et réduire la probabilité d’occurrence des attaques terroristes.
Centre d’appel Police Secours
Cependant, l’enthousiasme suscité par l’avènement de Police secours dans l’écosystème sécuritaire du pays n’est pas sans conséquence sur les membres de l’équipe. « Nous sommes exposés. Parce que nous remontons aux autorités certaines informations données par des personnes qui se plaignent des ripoux (Ndlr : policiers corrompus) », révèle Assane Coulibaly. Comment réagit-il à cela ? « On ne peut faire ce travail sans lutter contre la corruption », répond-il. Et d’annoncer pour bientôt la création d’une association Police secours, ainsi que l’ouverture d’un centre d’appel grâce au concours d’un partenaire local. « En plus d’écrire sur les réseaux sociaux, la population pourra nous joindre, nous donner des informations qui seront transmises à la police », promet Assane Coulibaly.
Anselme AKEKO, Abidjan