Conditions de succès de la transformation digitale dans les grandes entreprises : points de vue de 5 administrateurs du CIGREF

Lors de sa 46ème Assemblée Générale, le CIGREF a réuni un parterre de plusieurs centaines de participants. Une occasion de mesurer la température sur des thèmes comme les conditions de succès de la transformation numérique, le Big data et l’exploitation des données, leur sécurisation mais aussi sur l’enjeu des compétences. CIO Mag a sélectionné les points de vue de 5 DSI et Administrateurs du Cigref.

Jean-Claude Laroche, DSI EDF

Notre conviction au Cigref est que la transformation numérique d’une entreprise concerne l’ensemble des collaborateurs. Elle concerne notamment la façon dont chacun exerce son activité au quotidien et touche les process internes qu’elle modifie en profondeur, modifie la façon dont l’entreprise collabore avec ses clients et aux types de servies proposé. En bref, c’est l’ensemble de l’entreprise qui se transforme. S’il y a un acteur qui doit incarner plus que les autres cette transformation, c’est évidemment son premier dirigeant.

Au côté de la direction générale, il faut que les filiales soient mobilisées pour apporter les compétences nécessaires pour conduire cette transformation digitale. En matière d’organisation, parmi les adhérents du Cigref, il y a différentes formes d’organisation qui sont adoptées pour pouvoir conduire la transformation numérique.

Le point clé de cette transformation digitale repose sur un esprit collaboratif et cela passe par beaucoup d’acculturation au numérique. Pour ce faire, le préalable suppose que chaque collaborateur soient sensibilisés et suffisamment averti sur ce qui sous-tend cette acculturation au numérique et que les managers aussi aient suivi un programme de formation et d’acculturation.

Le CIGREF est mobilisé depuis fort longtemps pour accompagner les entreprises. La publication de deux ouvrages l’atteste. D’abord, l’entreprise et culture numérique, paru il y a quelques années ensuite la constitution, en 2013, en collaboration avec le Syntec Numérique d’une publication sur le cadre de référence pour la culture numérique. Ce cadre de référence décrit les 7 dimensions de la transformation culturelle de l’entreprise et qui donne aux dirigeants de l’entreprise de vrais indicateurs ou repère pour se mesurer, soit par rapport à d’autres entreprises ou soit par rapport au temps, le niveau de progression dans le processus de transformation de leur propre structure. C’est un outil précieux que chaque entreprise peut utiliser très facilement. Le Cigref a par ailleurs créé un institut de la transformation numérique de l’entreprise pour apporter des éléments de formation et d’acculturation numérique. Enfin, le Cigref a lancé la création d’un MOOC pour aider les dirigeants à se former.

Christophe LERET, DSI PMU

Entre CDO et CIO, lequel de deux est le mieux placer pour conduire cette culture numérique dans l’entreprise ?

Cela dépend à la fois des compétences, de l’organigramme et du périmètre de chacun et cela varie aussi d’une entreprise à l’autre. Dans tous les cas, c’est la complémentarité qui doit prévaloir pour les entreprises qui ont la chance d’avoir à la fois un CDO et CIO.

Dans certains cas, les activités du CDO peuvent être positionnées comme un « avant-vente » pour les CIO. C’est une manière d’articuler la collaboration des deux. Mais en tout état de cause, ce qui prime c’est la coopération au sein de l’entreprise et toutes les équipes sont concernées pour mener cette acculturation au numérique. Cette coopération est fondamentale pour convaincre le Comité Exécutif de l’entreprise (COMEX) à appréhender cette dimension. En France, il y a encore beaucoup de chemin à faire encore pour amener à cette acculturation.

Pour le Rédacteur en Chef de Philosophie Magazine, la transformation numérique induit une transformation sociétale faisant un parallèle avec la transformation de la société lors de l’apparition de l’électricité.

Quel est le rôle du DSI dans cette transformation ?

Il est illusoire faire du numérique sans système d’information. Pour faire du business, , on a besoin d’accéder aux données clients et à l’ensemble des informations sur les produits et services de l’entreprise. Dès lors, il devient impossible de faire du numérique sans le SI. Au-delà de ces données de bases, le numérique génère une quantité importante d’informations et de plus en plus des données additionnelles qu’il convient de maitriser. Malgré tout, si un dirigeant envisage de faire du numérique sans SI, soit il manque de maitrise sur les enjeux de son entreprise dans ce cas, il doit revoir sa stratégie soit il lui faut changer de personne et mettre un bon DSI pour piloter cette transformation.

Regis Delayat, DSI Scor : Rôle du DSI dans l’exploitation des données

On parle d’avalanche, d’infobésité, de Tsunami pour évoquer la masse d’informations que l’on reçoit au quotidien. Derrière, ces qualificatifs, sommes toutes négative, au Cigref, nous considérons que la donnée est l’or noir de l’entreprise et les SI sont l’élément clé pour faciliter et optimiser son usage. La donnée est devenue un actif stratégique et son utilisation optimale est un impératif pour en tirer toute la richesse. A l’inverse, se priver de compétence pour une bonne exploitation de ces données, c’est mettre son entreprise en danger.

Le CIFREF a pris conscience de cet impératif et a conduit d’importants travaux sur l’enjeu des données sur le business. Cette année aussi d’importants travaux sont prévus dans la valorisation des données dans les grandes entreprises. Dans ce contexte, les SI n’ont jamais aussi bien porté son nom.  Il est important pour assurer la collecte, le partage et l’exploitation des données. Incontournable plus largement pour réussir le numérique.

Sécurité, un défi supplémentaire pour les DSI

La recrudescence et la gravité des sinistres cybers font aujourd’hui de la sécurité et de la protection des données un sujet de comité exécutif de conseil d’administration. Pour les DSI, c’est une préoccupation de tous les instants. Dans cette nouvelle économie où l’on parle d’entreprise étendue, de mobilité, de Cloud, de Big data, le risque cyber est exacerbé.

Le plan Cigref 2020 est de placer business et éthique au centre des débats pour permettre à l’entreprise de réussir le numérique avec des modèles basés sur la confiance.

Bruno Brocheton, DSI Disneyland Paris

La mission du Cigref consiste à développer la capacité des grandes entreprises à intégrer et maitriser le numérique. Cela commence par développer la maturité dans les grandes entreprises et son écosystème. Les grandes entreprises ont une responsabilité à faire des analyses prospectives pour comprendre les besoins, les compétences nécessaires. La transformation fait appel à l’agilité. Le Cigref est à l’origine du référentiel européen des emplois et des métiers.

C’est d’ailleurs le document le plus téléchargé parmi les travaux menés par le Cigref. Nous menons des travaux avec l’ANDH (Association Nationale des DRH). Le Cigref s’associera prochainement avec la Conférence des Grandes Ecoles pour créer des conditions de rencontres et d’échanges entre dirigeants des grandes écoles et de grandes entreprises pour mettre dans les programmes des sujets ayant trait à la transformation numérique.

Françoise Mercadal-Delasalles, Directrice des Ressources et de l’Innovation du Groupe Société Générale

Le Conseil National du numérique c’est l’incarnation de la prise de conscience des pouvoirs publics sur l’importance de la transition numérique pour la croissance de l’économie et des entreprises. Au Cigref, nous avons compris les enjeux de cette transformation depuis maintenant une décennie. Le CIGREF l’a compris avant tout le monde. Le CIGREF a été un défricheur du phénomène dans la compréhension du phénomène anthropologique. Le Conseil National du numérique réunit des profils et des compétences diverses et variées, des startupeurs, d’éminents représentants de la French Tech, des représentants de la puissance publique, des ressources des grandes entreprises (CDO, CIO etc…), des universitaires, des avocats, des législateurs. En portant la parole de la grande entreprise avec des problématiques très spécifiques. Quand on hérite d’un SI entièrement legacy et on vit dans des organisations très pyramidales, arriver à amener cette acculturation au numérique n’est pas chose aisée. Le CIGREF apporte aussi la vision des praticiens sur le terrain laquelle se confronte avec celle des théoriciens. En tant que défricheur de cette transformation où il y a peu d’archives écrites et peu de recul, il est extrêmement important de faire preuve de souplesse et d’adaptabilité. Il y a à la fois un paradoxe et une dialectique assez complexe entre ceux qui soutiennent que l’IT ne doit pas porter le numérique et d’autres qui sont convaincus du contraire.  Dans les grandes entreprises l’IT est à la fois le problème et la solution. En tout état de cause, il ne peut y avoir de transformation numérique sans SI.

Mohamadou DIALLO

Article paru dans le magazine CIO Mag N°44

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