En 2020, le nombre de data centers en Afrique s’évaluait à une petite centaine, soit moins de 1,3% des sites mondiaux[1]. L’Afrique du Sud détient le record du continent avec 30 centres de données installés sur son territoire. La plupart des données des pays africains sont, en effet, hébergées par des centres de stockage d’informations situés à l’étranger. Or, les data centers sont des infrastructures essentielles à la constitution d’une souveraineté numérique. En sous-traitant leurs données par des acteurs nationaux, les États africains renforcent leur souveraineté digitale, et donc, étatique. Dans ce contexte, il est ainsi plus que jamais opportun que le continent se dote de ses propres centres de données afin d’affirmer pleinement leur autonomie stratégique sur la scène internationale.
Une Afrique sous dépendance numérique
Durant l’été 2021, le Sénégal et le Togo ont chacun ouvert un data center sur leur territoire. Si d’autres pays du continent hébergent également des centres de données, – tels que le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Guinée ou encore la Côte d’Ivoire -, leur implantation reste très disparate et ne couvre pas l’ensemble du continent africain. Ce faisant, l’Afrique a encore besoin de renforcer sa souveraineté numérique.
Or, les données, à l’image du pétrole ou du gaz, sont de véritables ressources stratégiques inscrites au cœur des enjeux économiques et politiques. Ces données sensibles doivent être stockées au cœur du territoire national, afin de garantir la sécurité et prévenir toute fuite d’informations. La mobilisation en faveur de la construction de data centers dans les pays africains est donc une condition sine qua non de leur indépendance numérique.
Un continent africain qui se donne les moyens de construire sa souveraineté numérique
Le thème de la souveraineté des réseaux et la sécurité des données prend une importance croissante en Afrique. En témoignent les événements s’étant tenus sur le continent ces derniers mois, à l’image du Cyber Africa Forum d’Abidjan (7 juin 2021) ou le débat virtuel organisé par CIO Mag un mois après, portant sur les enjeux de la sécurité des données et de la souveraineté en Afrique. Par ailleurs, fort de ses ressources économiques et démographiques, la taille du marché africain des centres de données devrait dépasser 3 milliards de dollars d’ici à 2025 selon une étude publiée par Globe Newswire en août 2020[2]. La place prépondérante qu’est amenée à prendre l’Afrique dans ce secteur résulte notamment de l’intérêt croissant que portent les acteurs mondiaux spécialisés dans les services de cloud.
Mais la construction d’une souveraineté numérique doit répondre à certains défis
Cependant, malgré les progrès réalisés dans cette prise de conscience, l’émulation numérique n’est pas homogène sur le continent. Par exemple, depuis son adoption en 2014, la Convention de l’Union africaine sur la cybersécurité et la protection des données personnelles, dite Convention de Malabo, n’a été signée que par une petite dizaine de pays et tous ne l’ont pas encore ratifiée[3]. Les initiatives sur la protection des données restent pour l’instant relativement dispersées : un acte additionnel de la CEDEAO relatif à la protection des données à caractère personnel a été adopté en 2010, suivi par une loi portant sur l’harmonisation des politiques en matière de TIC adoptée par la Communauté de développement d’Afrique australe (CDAA), en 2012.
Au-delà de cette disparité régionale, la construction d’une souveraineté numérique africaine pleine et entière est minée par le manque de moyens techniques et technologiques, financiers et humains. La pandémie de la Covid-19 a notamment mis en évidence les difficultés qu’ont les États africains à investir des financements suffisants dans ce domaine, ces derniers devant consacrer leurs finances à la lutte contre le virus. Ce paysage étant dressé, il apparaît donc essentiel aux institutions étatiques de conclure des partenariats avec le secteur privé.
Implanté sur le continent depuis une vingtaine d’années, Huawei s’est donné pour ambition d’accompagner les pays africains sur le chemin de la souveraineté numérique, en participant notamment à la construction de data centers. Notre groupe a ainsi livré un centre de données au Sénégal en 2021 et nous sommes impliqués dans d’autres projets de construction de data centers au Zimbabwe, en Zambie, en Tanzanie ou encore à Madagascar. En plus de fournir des infrastructures adaptées, de qualité et sécurisées, Huawei s’attache également à effectuer un transfert de connaissances afin de rendre pleinement autonomes les États dans la gestion de leurs données. Ceci passe notamment par la formation de nouveaux talents locaux. Inscrits au cœur de l’ADN de l’entreprise, le développement et la promotion des compétences est nécessaire pour assurer la pérennité des data centers ; d’autant plus que ces derniers représentent des enjeux et avantages majeurs en termes de développement socioéconomique.
En travaillant de concert avec les États, Huawei cherche à créer en Afrique les conditions du succès de demain. Cette réussite sera en partie conditionnée par la construction de data centers, symbole de la souveraineté numérique et étatique.
Par Philippe Wang, Vice-Président exécutif de Huawei Northern Africa
[1] « Sans data centers, pas de souveraineté numérique africaine », Le Journal de l’Afrique, 10 septembre 2021.
[2] “The Africa data center market by revenue is expected to grow at a CAGR over 12% during the period 2019-2025”, Globe Newswire, August 4, 2020.
[3] A ce jour, seuls la Namibie, le Ghana, la Guinée, le Rwanda, le Sénégal, Maurice, et récemment (juillet 2021) le Burkina Faso et le Togo (depuis juillet 2021) ont ratifié la Convention de Malabo.