Décryptage de la Loi portant Code du numérique en République du Bénin : présentation générale et innovations essentielles
La République du Bénin est l’un des premiers États africains à procéder à la mise en place d’un véritable Code, qui réunit l’ensemble des dispositions légales applicables à tous les aspects juridiques des activités numériques. Il semble intéressant de fixer le contenu du Code par une lucarne générale puis au moyen de ses innovations essentielles.
Le développement rapide des technologies de l’information et de la communication (TIC), l’accès à l’internet et la création d’applications mobiles via les smart phones ont entrainé l’apparition d’une nouvelle forme d’économie dite numérique sur laquelle la République du Bénin aimerait s’appuyer pour booster son émergence. En tant qu’un secteur d’investissement judicieux, l’économie numérique est désormais reconnue comme un vecteur de croissance, de productivité et de compétitivité des entreprises et des pays. La mondialisation et les nouveaux modes de partage de l’information de plus en plus performants et sophistiqués exigent de nouvelles règles de transparence.
Par ailleurs, les Organisations régionales ont édité des normes d’encadrement des activités numériques. En effet, l’Union Africaine a adopté le 27 juin 2014, une convention sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel qui détermine les règles de sécurité essentielles à la mise en place d’un espace numérique de confiance dans les Etats membres. Il est de même du droit dérivé composé des différentes normes émanant des organes communautaires (CEDEAO, UEMOA, OHADA) notamment des actes additionnels, règlements, directives, décisions, recommandations et avis qui est caractérisé par son applicabilité immédiate, directe et s’impose dans l’ordre juridique national sans qu’il soit besoin d’une réception dans le droit interne des Etats membres.
C’est dans ce contexte que la loi n° 2017-20 portant Code du numérique en République du Bénin a été adoptée le mardi 13 Juin 2017 par les députés de l’Assemblée nationale, puis mise en conformité avec la Constitution le vendredi 05 janvier 2018, suite à la DCC 17-223 du 02 novembre 2017.
Il semble intéressant de fixer le contenu du Code qui va entrer en vigueur, par une lucarne générale puis au moyen de ses innovations essentielles.
Présentation générale
Le Code du numérique béninois consiste en la codification des textes existants qui ont fait l’objet des ajustements nécessaires à leur modernisation d’une part, et en l’adoption de textes complémentaires sur les sujets-clés non encore traités d’autre part.
Le Code du numérique contient 647 articles distribués en sept livres :
– livre Préliminaire intitulé « Définitions et objet », comporte deux (02) articles qui contiennent les définitions nécessaires à la compréhension du texte ainsi que les thèmes sur lesquels porte le code (articles 1er à 02).
– livre Premier intitulé « Réseaux et services de communications électroniques », traite les activités de communications électroniques et le statut juridique des personnes qui les exploitent (articles 03 à 265) ;
– livre Deuxième intitulé « Outils et écrits électroniques », porte sur la valeur juridique des actes électroniques tels que les écrits, signatures, cachets, horodatages et archivages électroniques puis l’authentification de sites Internet (articles 266 à 304) ;
– livre troisième intitulé « Prestataires de services de confiance » : dans ce livre, il est défini le statut, les obligations, le contrôle et les sanctions des prestataires de services de confiance (articles 305 à 325);
– livre quatrième intitulé « Commerce électronique » : ce livre s’applique à toute commande, contrat ou transaction conclu en ligne ou par voie électronique en vue de la fourniture de biens ou services, ainsi qu’à toutes activités de commerce électronique (articles 326 à 378);
– livre cinquième intitulé « Protection des données à caractère personnel » : ce livre vise à mettre en place un cadre légal de protection de la vie privée et professionnelle consécutif à la collecte, au traitement, à la transmission, au stockage et à l’usage des données à caractère personnel (articles 379 à 490) ;
– livre sixième intitulé : « Cybercriminalité et cybersécurité » : les dispositions de ce livre fixent les règles et les modalités de lutte contre la cybercriminalité en République du Bénin. Elles fixent également le cadre institutionnel, les règles et les modalités d’utilisation de la cryptologie en République du Bénin (articles 491 à 639) ;
– livre septième intitulé : « Dispositions transitoires et finales »: (articles 640 à 647).
Les innovations essentielles
L’adoption du Code du numérique résulte du constat selon lequel l’arsenal juridique qui régit le numérique en République du Bénin est devenu obsolète et inadapté non seulement face aux exigences du développement mais également face aux dynamiques des échanges et de l’information de l’heure. A cet égard, le législateur béninois améliore le cadre normatif et renforce le cadre institutionnel des activités numériques.
Le Code du numérique modernise les régimes juridiques dans le secteur des télécommunications, améliore le mode de fonctionnement de l’Autorité de régulation des communications électroniques, et clarifie la régulation des sujets de concurrence.
En outre, il établit les modes d’utilisation des outils électroniques et le régime applicable aux prestataires de services de confiance, met en place un cadre juridique attractif au développement de l’internet des objets, et clarifie la responsabilité de l’ensemble des acteurs de l’internet.
Enfin, il sécurise juridiquement la conclusion de contrats en ligne, anticipe sur les usages à venir des données personnelles, réglemente le droit pénal applicable en matière de crimes et délits commis en ligne, et crée une Agence nationale de sécurité des systèmes d’information ainsi qu’un Office central de répression de la cybercriminalité.
La Loi portant Code du numérique constitue une avancée décisive qui permettra au pays de mettre en œuvre son ambition de devenir le leader digital du continent noir. Il donne le niveau de sécurité juridique requis aux partenaires publics et privés, start-ups béninoises autant qu’investisseurs internationaux, pour accélérer le développement d’infrastructures très haut débit sur l’ensemble du territoire, déployer des services en ligne pour les citoyens, et porter une économie digitale, vecteur de croissance inclusive. C’est à l’application que l’on verra si le Code du numérique béninois répond effectivement aux attentes.
Par Julien C. HOUNKPE,
Consultant en droit du numérique
hounkpej@yahoo.com