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Les GEEKs du monde entier se penchent sur des solutions numériques pour révolutionner le domaine de la santé.
[Tribune] L’E-santé est une industrie en plein essor. Selon une étude prospective publiée par Frost & Sullivan « Global Health Outlook 2020 », la valeur du marché des dispositifs connectés au niveau mondial est estimée à 234,5 milliards de dollars à l’horizon 2023, ceci en considérant seulement les applications (qui ne sont qu’une infime composante de l’environnement de l’E-santé).
Une grande partie de cette croissance est due au besoin urgent d’innover dans les maladies chroniques telles que le cancer, le diabète, les maladies mentales, les maladies cardiaques et l’insuffisance rénale chronique. Environ la moitié de tous les adultes dans le monde vivent avec une maladie chronique. Au Maroc, selon le dernier bilan de l’assurance-maladie, 3% de la population couverte, recourant aux soins liés à une affection de longue durée (ALD), consomme presque 50% des dépenses totales de l’assurance-maladie. Cette tendance inflationniste est due en grande partie à la complexité de la gestion desdites maladies – les multiples professionnels de santé impliqués, le fardeau du suivi régulier, le manque d’observance thérapeutique, le fardeau administratif – et l’on espère que les solutions numériques se révéleront transformatrices dans ce domaine.
Le diabète : une maladie silencieuse, coûteuse et dangereuse
Le diabète est une pandémie mondiale et une pathologie lourde économiquement et médicalement. Il s’agit souvent d’une poly-pathologie, parce qu’un diabétique a non seulement besoin de soins pour la prise en charge de son diabète simple, mais il en a également besoin pour l’ensemble des complications et des comorbidités associées, très fréquentes. Par exemple, l’hypertension concerne 75% des patients diabétiques. L’intelligence artificielle (IA) est largement utilisée dans quatre domaines clé des soins du diabète, notamment, l’aide à la décision clinique, la stratification prédictive des risques dans la population, les outils d’autogestion des patients et la prévention des complications à travers le dépistage automatique de certaines lésions microangiopathiques (ex : rétinopathie diabétique). Elle permet une surveillance à distance continue et sans contrainte des symptômes et des données biologiques et biométriques du patient. De plus, les sites d’information médicale, les réseaux sociaux et les communautés en ligne améliorent le niveau d’information et in fine l’engagement des patients dans les soins du diabète.
La maladie rénale chronique
La télésurveillance médicale des patients en insuffisance rénale chronique terminale traités par hémodialyse chronique (ou télé dialyse) fut une des premières applications de la télémédecine au télésuivi des maladies chroniques. Initiée au début des années 2000, quasi simultanément au Canada (région du Nouveau Brunswick), en Norvège (région du Nord-Halogaland) et en France (région Bretagne), elle a donné ses fruits et beaucoup d’études sont unanimes que la télé-dialyse a fait la preuve d’un service médical rendu aux patients. Le suivi à distance des malades chroniques, en particuliers les dialysés, apporte un confort de vie, en supprimant les déplacements entre centres de dialyse et le domicile trois fois par semaine.
Les maladies cardio-vasculaires : la première cause de mortalité
L’IA introduira un changement de paradigme dans les soins des pathologies cardiovasculaires, le chef de file des maladies chroniques, passant des stratégies de gestion conventionnelles à la création de soins de précision ciblés et axés sur les données. L’IA peut offrir aux cardiologues une « longueur d’avance » ; elle peut détecter un problème rapidement, et même l’anticiper, à travers la détection des personnes (malades potentiels) ceux qui courent un risque plus élevé de développer une maladie cardiaque à l’avenir. Par exemple, une équipe de chercheurs de l’Université de Stanford utilise l’intelligence artificielle pour diagnostiquer les problèmes cardiaques à l’aide d’un algorithme qui évalue la vitesse à laquelle le cœur pompe le sang.
Les chercheurs ont démontré que leur algorithme lit les échocardiogrammes au même niveau qu’un cardiologue hautement qualifié et peut diagnostiquer les problèmes de santé plus rapidement et plus efficacement. Cette fonctionnalité pourrait être déployée également pour surveiller les personnes connues malades et détecter les signes d’insuffisance cardiaque grave ou d’arrêt cardiaque. Les médecins peuvent utiliser les données en temps réel des capteurs ou des antécédents médicaux d’un patient pour prédire le risque. Les algorithmes d’apprentissage en profondeur peuvent détecter et surveiller les événements cardiaques en temps réel et suivre les anomalies potentielles. Les applications mobiles peuvent fournir des données en temps réel de n’importe où permettant aux médecins de surveiller les patients à distance et de fournir de meilleurs soins.
Les maladies chroniques nécessitent une gestion plus transparente et continue – entre deux rendez-vous chez le médecin -, un suivi objectif, supprimant les différents biais affectant la réponse thérapeutique, notamment le biais émotionnel (dire au médecin ce qu’il souhaite entendre), le biais de mémorisation et le biais psychologique (modifier la réalité). En plus, les habitudes de vie jouent aussi un rôle, notamment, le tabagisme, l’alimentation et la sédentarité. Ce qui se passe entre les visites est sans doute aussi important que ce qui se passe au cabinet. Le suivi fiable du comportement et de la progression de la maladie peut aider les patients à adhérer au traitement. Les outils de santé numériques, y compris les thérapies numériques, les wearables, la télémédecine, entre autres, peuvent améliorer le suivi, à travers le tracking d’activité, des rappels de médicaments, l’enregistrement régulier de la glycémie, la pression artérielle ou d’autres constantes biologiques. Mais si la logique et le potentiel de transformation des solutions de santé numériques sont indéniables, sera-t-elle un levier de maîtrise médicalisée des dépenses ?!
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Une contribution de Dr Rajae GHANIMI, Médecin spécialiste en médecine de travail, doctorante (PhD) en Intelligence Artificielle, Chef de la division études et enquêtes médicales chez Organisme d’assurance maladie