(CIO Mag) – Invité à faire une communication sur le thème : Le défi des compétences dans le numérique pour les entreprises, à l’occasion de la 8ème édition de l’IT Forum Sénégal organisée le 3 février 2018 en marge du Partenariat Mondial pour l’Education, Thierry Breton, PDG d’Atos, a fait d’importantes déclarations. Il a notamment invité tous les grands acteurs du numérique (SAP, Microsoft, Oracle, etc.) à rejoindre Atos pour « faire du Sénégal, le pays leader en économie numérique », afin, dit-il, de construire un écosystème solide en Afrique à partir du pays de la Téranga. Pour l’ancien ministre français de l’Economie et des Finances et de l’Industrie, « c’est une volonté politique forte que le Sénégal déploie à travers son programme Plan Sénégal Emergent », rappelant au passage que le développement de son groupe au Sénégal ne vise pas une posture hégémonique. Il prône ainsi le collaboratif en déclinant lors de son intervention les différentes conditions qui devraient permettre de réaliser ce rêve pour le Sénégal.
Un terreau exceptionnel de compétences
Thierry Breton croit en la compétence locale. Pour lui, « le paradoxe c’est que les compétences existent ». Mais pour les mobiliser, « il y a un effort pédagogique à faire au niveau des jeunes en les invitant à intégrer les filières scientifiques qui leur proposent des perspectives très prometteuses », a-t-il encore rappelé. Tout en affichant son ambition de contribuer à l’émergence d’un écosystème numérique qui va avoir progressivement un centre de gravité à la Cité Numérique et à la Cité du Savoir du nouveau pôle urbain de Diamniadio. Atos a noué des partenariats forts avec une centaine d’universités dans le monde, dont 4 au Sénégal. C’est pour répondre aux besoins de recrutement des 10 000 ingénieurs qui intègrent le groupe tous les ans. D’ailleurs, pour les challenger, Atos organise un concours annuel : « Une sorte de JO de l’informatique », précise Thierry Breton. Un concours très sélectif de recherche type master qui réunit les meilleures universités à l’échelle de la planète. Cette année, et pour la première fois, une équipe africaine a été retenue pour concourir à la compétition. Il s’agit de l’AIMS-Senegal (African Institute for Mathematical Sciences).
500 mille ingénieurs nécessaires pour l’Afrique
L’idée que porte Atos, c’est de créer un environnement où il est possible de « travailler sur des algorithmes, des logiciels, des projets qui ne serviront pas que le marché local sénégalais mais pour l’ensemble des clients mondiaux qui croient eux aussi en la compétence sénégalaise ». Le défi qu’il faut donc relever en ce sens reste la communication auprès des jeunes. Car il est nécessaire de leur faire comprendre que « les métiers scientifiques sont porteurs d’avenir », souligne le PDG d’Atos. Au passage, il relève le manque de spécialistes dans le secteur de manière générale. « Il manque 1 million de spécialistes dans le domaine de la cybersécurité dans le monde, sans parler des compétences en informatique, des ingénieurs en Big Data, etc. ». L’Afrique aura besoin de former, par exemple, 500 mille ingénieurs en informatique par an à l’horizon 2030. Une réalité à laquelle il faut répondre par la formation des jeunes, et Atos, par la voix de Thierry Breton espère former et avoir près de 2000 ingénieurs au Sénégal d’ici 2020. Une démarche logique dans le positionnement du groupe dans ce pays. « Atos a voulu être présent dans 18 pays en Afrique, mais Dakar reste la 1ère forte implantation », fait noter le patron d’Atos. L’axe Nord/Sud est porteur d’espoir pour le Sénégal car aidant les entreprises locales à travailler sur des logiciels et des applications qui ne sont pas destinés qu’aux besoins du marché local mais aussi à l’export pour l’ensemble des clients mondiaux d’Atos.
Le Sénégal en bonne voie pour réussir sa transformation digitale
Et pour cause, le Ministère sénégalais de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, disposera dans quelques semaines d’un super calculateur qui va booster le secteur du Big Data. Thierry Breton s’en félicite particulièrement, lui qui déclare son attachement particulier au Sénégal. « C’est une chance formidable que d’avoir accès à cette puissance de calcul, on voit beaucoup d’acteurs locaux s’y intéresser », se réjouit M. Breton. L’IoT, l’intelligence artificielle, le big data sont autant de secteurs sur lesquels le Sénégal va anticiper pour former des générations nouvelles, faisant du pays un pôle d’excellence. Avec ce super calculateur, le Sénégal prend aussi de l’avance sur bien d’autres pays africains. L’enjeu, c’est aussi de « traiter, stocker, processer les données africaines en Afrique pour les besoins du continent », comme le recommande Thierry Breton. Le patron d’Atos prévient : « L’avenir reviendra à ceux qui ont su préserver et protéger ces données. » En 2025, « le volume de données mondiales atteindra 163 milliards de Téraoctets de données ce qui équivaudra à 163 de milliards de milliards de données. Ce chiffre évolue comme loi de Moore, il double tous les 18 mois. C’est quatre fois plus le nombre de grain de sables sur la planète », a-t-il rappelé aux participants de cet IT Forum Sénégal, en les invitant à avoir ces chiffres à l’esprit et à mesurer les enjeux. Et de rappeler que nous en sommes qu’au tout début de cette révolution des données numériques. Atos, sur ce point, se dit ouvert sur la question, mais insiste sur le fait que ces données doivent être régulées. Thierry Breton invite également les spécialistes à « garder à l’esprit que la production massive de données n’aura de sens que si les pays disposent de la puissance de calcul pour traiter ces importants volumes générés par les données météorologiques, de l’agriculture, de la recherche, de la santé, de l’énergie ».
Mohamadou DIALLO, Souleyman TOBIAS, avec l’équipe de CIO Mag à l’IT Forum Sénégal 2018