La Sénégalaise Fatou Lo Niang est doctorante en Intelligence artificielle (IA) au sein du Laboratoire d’analyse numérique et informatique, Université Gaston Berger Saint-Louis. Elle figure sur la liste restreinte des 30 scientifiques lauréates du Prix Jeunes Talents Afrique subsaharienne 2023 L’Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science (For Women in Science). En tant que femme scientifique, son plus grand rêve est d’inspirer plus de femmes. Elle souhaite aussi travailler avec des jeunes femmes afin de mettre en avant leurs capacités et savoir-faire dans un domaine idéologiquement dominé par les hommes. Entretien.
Cio Mag : Vous êtes récompensée au niveau continental pour vos efforts dans l’utilisation de l’apprentissage automatique et de l’IA pour améliorer la prise en charge de maladies cardiovasculaires. Comment avez-vous accueilli cette distinction?
Fatou Lo Niang : J’ai accueilli cette distinction avec une très grande fierté. Je la considère comme un motif d’encouragement pour tous les efforts fournis avec mon équipe de recherche. Par ailleurs, je tiens à souligner l’importance des programmes tels que “For Women in Science” de L’Oréal dans la promotion de la recherche féminine en Afrique. Ces initiatives contribuent significativement à créer un environnement propice à l’épanouissement des femmes scientifiques en offrant un soutien financier, une visibilité accrue et en favorisant les échanges entre chercheuses.
Cio Mag : A priori, toutes les technologies sont au service de l’humanité. Pourquoi l’IA est-elle particulièrement révolutionnaire ou indispensable quand il s’agit principalement des usages liés à la santé?
F.N.L. : Le domaine de la santé est un domaine où le temps de réponse est toujours crucial pour une bonne prise en charge.
L’utilisation de l’IA est un excellent moyen pour gagner du temps et mieux comprendre les pathologies grâce à la puissance de calcul des ordinateurs.
D’un autre angle, avec les techniques de l’IA, il est possible de faire des prédictions pour ainsi assurer une bonne prévention.
Cio Mag : Comment est née l’idée de cette recherche sur l’utilisation de l’IA en médecine?
F.N.L. : Depuis toute petite j’ai voulu être médecin. Malheureusement ou heureusement j’ai été orientée vers une filière informatique où j’ai découvert la puissance de l’IA. Je me suis dit que je pouvais enfin retourner vers mon premier choix en appliquant l’IA à la médecine.
Cio Mag : Vous êtes Femme. Naturellement, vous êtes dévolue à la reproduction et, sociologiquement, à la prise en charge de l’humanité. En tant que tel, porter un projet scientifique dans le domaine de la santé revêt-il un intérêt particulier pour vous?
F.N.L. : Comme nous avons l’habitude de le dire, les femmes font la société et sont la société, elles sont très imprégnées des réalités socio-culturelles. En Afrique, la femme a beaucoup de responsabilités et d’influence sur la vie de tout le monde. Lorsqu’elle s’investit dans la recherche, elle peut toucher les problématiques qui impactent particulièrement son environnement. Étant femme je suis très sensible aux problèmes de santé de ma société, et porter ce projet est un challenge pour moi.
Cio Mag : Quel message donneriez-vous aux jeunes filles qui désirent faire des études scientifiques mais qui butent contre la fracture numérique et ses conséquences sur le genre?
F.N.L. : Je leur dirai de se concentrer sur leurs rêves, de ne pas se laisser divertir et ne pas perdre de vue leurs objectifs mais surtout ne pas considérer l’infériorité numérique dans les domaines scientifiques comme un obstacle. De leur faire savoir qu’on n’est pas en compétition avec les hommes. Qu’on soit homme ou femme, le plus important est d’avoir des objectifs et d’y mettre toute notre énergie. Il est également important de souligner que des programmes comme For Women in Science de L’Oréal peuvent être une source de soutien essentielle pour surmonter les obstacles liés à la fracture numérique et encourager les jeunes filles à poursuivre des études scientifiques, en créant des opportunités équitables.