Le gouvernement vient d’adopter une ordonnance qui repousse l’ouverture à la concurrence du service postal universel à la date du 8 mars 2025, accordant à la Poste de Côte d’Ivoire un monopole de trois ans pour rétablir son équilibre financier. En grève depuis une dizaine de jours pour exiger le paiement des arriérés de salaire dans les plus brefs délais, des agents de cette société d’Etat ne l’entendent pas de cette oreille.
(Cio Mag) – Voici quelques jours qu’un mouvement de grève illimité baptisé « la révolution du bandeau rouge » est lancé par les syndicats des travailleurs de la Poste de Côte d’Ivoire pour réclamer le paiement de trois mois de salaire. Passé le délai du 31 décembre 2021 au soir, les bureaux de poste – qui ont tenu à assurer le service malgré la grève – seront fermés sur toute l’étendue du territoire national jusqu’à nouvel ordre, annoncent les syndicats.
Au centre des discussions avec l’employeur depuis le mois d’août 2021, les salaires non-payés ne sont pas les seuls sujets de discorde. Les grévistes pointent des contradictions dans la démarche vers l’ouverture à la concurrence du service postal universel, quand bien même l’ordonnance prise par le gouvernement le 22 décembre dernier accorde à la Poste de Côte d’Ivoire un monopole résiduel de trois ans pour financer en partie le service postal universel et rétablir son équilibre financier.
« Comment comprendre que l’Etat donne des agréments à d’autres sociétés pour effectuer ce travail alors que c’est la Poste qui en a le monopole ? » s’offusque Verdier Aka Florent, le secrétaire général du Syndicat libre des agents de la Poste de Côte d’Ivoire (SYLAP-CI), interrogé par Cio Mag.
Puis d’ajouter : « La Poste est le coursier par excellence de l’Etat de Côte d’Ivoire, mais différents ministères sollicitent des services particuliers pour distribuer leurs courriers. C’est paradoxal tout cela ! »
La concurrence en question
Pour rappel, l’article 7 de la loi n° 2013-702 portant Code des postes soumet l’exercice du service universel postal à la délivrance d’une licence d’exploitation accordée par décret pour une durée maximale de vingt ans, renouvelable. Ce service est constitué d’opérations et de prestations allant de la collecte, du tri, de l’acheminement et la distribution des envois postaux n’excédant pas le poids de deux kilogrammes, au service du courrier électronique, en passant par les services relatifs aux envois postaux recommandés et aux envois postaux à valeur déclarée, ainsi que le service de distribution des imprimés de tout poids notamment les livres, les catalogues, les journaux, les écrits périodiques.
En lieu et place des dispositions anciennes de l’article 103 qui fixaient l’ouverture du service postal universel à sept ans après l’entrée en vigueur de la loi portant Codes des postes, l’ordonnance du 22 décembre détermine une nouvelle date de référence pour le début de la concurrence dans le secteur. Elle fixe la date de l’ouverture à la concurrence du service postal universel à sept ans après l’attribution de la première licence d’exploitation qui correspond à la date de la délivrance de la licence accordée à la Poste de Côte d’Ivoire par le décret n° 2018-270 du 7 mars 2018. Par conséquent, l’ouverture à la concurrence du service postal universel ne sera effective qu’à compter du 8 mars 2025.
Fort de ce qui précède, Verdier Aka Florent propose d’annuler toutes autorisations permettant l’exercice du service universel postal par d’autres opérateurs afin de garantir jusqu’en 2025 le monopole de la Poste de Côte d’Ivoire, cette institution qui aspire à devenir un facilitateur du commerce en ligne.
« On aimerait que l’Etat donne vraiment les moyens à la Poste pour que, d’ici trois ans comme il est dit, nous puissions faire face nous-même à la concurrence », déclare le postier, avant d’insister sur le paiement des arriérés de salaire : « Pour le moment, il faut que l’Etat injecte de l’argent pour permettre à la Poste de faire face, d’abord, à ses charges (…) Si les salaires d’octobre et de novembre ne sont pas payés le 31 décembre, les bureaux de la Poste seront fermés. »
Au cours d’une rencontre tenue le 27 décembre dernier, le directeur général de la Poste de Côte d’Ivoire, Isaac Gnamba-Yao, a déclaré que tout était mis en oeuvre pour effectuer le paiement des salaires entre le 3 janvier et le 15 janvier 2022 au plus tard “du fait des comptes de la société qui se trouvent être bloqués par les impôts”. Promesse rejetée par les syndicalistes.