Le Togo a accueilli le 18 mars, le câble Equiano de Google, devenant la première destination africaine de ce projet intercontinental. La veille du lancement des travaux, l’Entente des spécialistes togolais en technologies de l’information et de la communication (ESTETIC) a lancé une « campagne pour l’inclusion numérique au Togo ». Dans une lettre ouverte aux autorités togolaises, l’Entente a proposé des actions à mener pour permettre une réelle digitalisation inclusive du Togo. Au micro de Cio Mag, Kwaku Agbeko Dogba (photo), président de l’ESTETIC revient sur les enjeux de la sortie de son association.
Cio Mag : Dans une lettre ouverte à la Ministre du numérique le 17 mars, vous (ESTETIC) annonciez le lancement d’une campagne pour l’inclusion numérique au Togo. De quoi s’agit-il ?
Kwaku Agbeko Dogba : Il s’agit de désenclaver le pays d’une part, et les populations de l’intérieur du pays, d’autre part. Il est urgent et important de permettre aux acteurs du numérique togolais d’avoir accès à la capacité internet internationale, aux mêmes niveaux de tarifs que nos voisins en général, et du Ghana en particulier. Il est également urgent et important, que le transport national de cette capacité dans les villes de l’intérieur du pays, soit aligné aux niveaux de tarifs de nos voisins en général, et du Ghana en particulier. Nous allons engager plusieurs initiatives permettant d’arriver à la libéralisation numérique du pays.
Cet appel a été lancé à la veille du lancement des travaux d’atterrissement du câble Equiano de Google à Lomé. Est-ce une coïncidence d’agenda ?
Nous tenions à prévenir et à donner un avertissement : il est important que Google n’ait pas choisi le Togo uniquement parce que le catalogue officiel des tarifs de capacité internet internationale est 20 fois plus élevé que dans les pays voisins comme le Ghana. Il n’est pas question que Google ait prévu de rentabiliser rapidement ses investissements en restant sur les tarifs actuels. Enfin, il est urgent et important que les tarifs de capacité internet internationale proposés soient inférieurs ou égaux aux tarifs d’un pays référence comme le Ghana.
Pour vous, « il faut sortir les populations togolaises de l’enclavement numérique ». Que propose concrètement l’ESTETIC ?
ESTETIC propose de légiférer sur des tarifs plafonds de la capacité internet internationale et du transport national de capacité internet, en se référant au pays référence de la sous-région, à savoir le Ghana. Nos actions de communication, de sensibilisation, de dialogue et de proposition vis-à-vis des pouvoirs publics s’inscrivent dans cette vision.
Dans un document intitulé « l’urgence de l’inclusion numérique au Togo », vous parlez de douane et de péage numérique. A quoi faites-vous référence ? Et pourquoi estimez-vous qu’ils sont un frein à l’essor de l’économie numérique au Togo ?
Par définition, la douane est une administration chargée d’établir et de percevoir les droits imposés sur les marchandises, à la sortie ou à l’entrée d’un pays. Elle s’installe généralement à la frontière qui peut être terrestre, maritime, aérienne, physique ou numérique. Quant au péage, c’est un droit à payer pour le franchissement de certaines voies de communication.
Dans une considération purement économique, on peut comprendre qu’un état fixe des tarifs des droits à payer mais nous faisons face en ce moment à ce que nous appelons l’exception togolaise au mépris des considérations communautaires, voire sous-régionales.
Les tarifs de la capacité internet internationale sont fixés à ce jour sans contrôle par un groupe monopolistique, et sont 20 fois plus élevés que dans le pays référence voisin : c’est une douane numérique pour l’accès à la capacité internet internationale, point de passage imposé pour tous les acteurs du numérique.
Les tarifs de transport national de capacité internet vers l’intérieur du pays sont également fixés à ce jour sans contrôle par un groupe monopolistique, et sont 325 fois plus élevés que dans le pays référence voisin : c’est un péage numérique de l’accès à l’internet pour les populations de l’intérieur du pays.
Depuis quelques mois, l’ARCEP martèle la cherté des tarifs pratiqués au Togo. Qu’est-ce que cette sortie de l’ESTETIC apporte donc de nouveau ?
ESTETIC met le doigt sur la cause de cette anomalie togolaise afin que l’ARCEP puisse enfin adresser la source du problème en imposant des tarifs plafonds au Togo, afin d’éviter que les togolais soient pris en otage par des groupes étrangers, attirés par des positions monopolistiques mal négociées, au détriment de la liberté numérique du pays.
Ne l’oublions pas ! Ce qui est en jeu ici c’est le développement du pays par le raccourci des TIC. Nous sommes inquiets qu’une douane et un péage numérique excessifs soient un frein à la transformation numérique prônée en chœur par les acteurs de tous les bords et au plus haut sommet de l’Etat.
Vous venez d’être porté à la tête de l’Entente. Quelles sont désormais les orientations de vos actions à court, moyen et long terme ?
Nos objectifs prioritaires sont : le désenclavement numérique, l’inclusion numérique et la liberté numérique des togolais.
Par ailleurs, et ainsi que cela est inscrit dans nos statuts, nous allons continuer à :
- promouvoir l’échange, la synergie et la solidarité entre nos membres ;
- contribuer à la constitution d’une force d’initiatives et de propositions afin d’être un interlocuteur incontournable pour les pouvoirs publics ;
- favoriser l’institution d’un pôle d’expertise de référence dans le secteur des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) ;
- assister les membres de l’association dans les domaines juridique, social et fiscal ;
- renforcer les capacités des membres et des populations en matière des TIC.
Nos chantiers en la matière sont la mise en place prochaine d’un observatoire des TIC et la publication périodique de l’état des lieux des TIC au Togo. Je lance donc une invitation à tous les acteurs à nous rejoindre pour réaliser ces objectifs.