Pour relancer les entreprises françaises en Afrique, après deux années d’accalmie consécutives à la crise sanitaire de Covid 19, Bpifrance initie Inspire & Connect, sa nouvelle marque de forums. L’ambition de la Banque publique d’investissement est d’encourager et de connecter la nouvelle génération d’entrepreneurs africains et français avec une série de trois évènements en Afrique. La première étape de ce road show se tiendra le 2 juin à Abidjan puis suivront les étapes de Casablanca et Nairobi. Des évènements destinés à favoriser l’émergence d’un new deal et d’un destin commun renforcé entre entrepreneurs africains et français. Pedro Novo, Directeur exécutif en charge de l’export à BPI France, nous expose la stratégie de la banque publique.
Quel est l’objectif de cette première manifestation de Bpifrance, à l’étranger, consacrée à l’Afrique ?
Il s’agit de faire émerger et d’encourager un partenariat encore plus étroit entre les entreprises françaises et africaines. Aujourd’hui, l’activité internationale de financement de Bpifrance est à 80% orientée sur le continent africain. C’est un fait important. Depuis 5 ans, nous avons financé près de 700 M€ de projets à travers le continent. Notre accélérateur consacré au continent africain, est aussi un grand succès avec 25 entreprises embarqués qui d’ailleurs se sont projetés en Côte d’Ivoire pour participer à l’évènement Inspire & Connect, le 2 juin. Nous avons 500 inscrits qui en 3 semaines répondu présent autour de thèmes du numérique, de l’entreprenariat ou encore des industries culturelles et créatives. Il s’agit de soutenir l’élan entrepreneurial en montrant qu’en dépit de réalités locales différentes, un entrepreneur est doté du même mental et du même ADN, quelque soit le continent. Qu’importe le lieu où l’entreprenariat se déploie pourvu que le résultat soit l’émergence de mouvements entrepreneuriaux. Je suis convaincu que nous sommes à l’aube d’un avenir prometteur pour l’entreprenariat sur le continent africain. Du fait de l’absence quasi totale de contraintes liées au legacy, les principes de l’innovation frugale donnent la preuve de leur efficacité tant au plan de l’agilité que de la mise en œuvre. C’est aussi une source d’inspiration, une leçon d’optimisme, d’ambition et de pragmatisme pour les entreprises européennes. Je reste persuadé que celles qui l’adoptent s’en sortiront mieux que les autres.
Quand vous parlez d’inclusion, cela concerne aussi la diaspora africaine, en France, qui entreprend. Quelle est leur place dans votre stratégie ?
Que ce soit en France ou en Afrique, de plus en plus de personnes ont l’audace de se lancer dans l’entreprenariat. D’autres projettent d’entreprendre, mais craignent de ne pas aboutir. Et certains ont créé une entreprise en France, mais n’osent pas s’étendre en Afrique. Le pari leur semble risqué. Il s’agit de sensibiliser les entrepreneurs sur les réalités entrepreneuriales similaires et d’encourager les entreprises à se lancer sur des marchés potentiellement risqués mais pas inaccessibles. En premier lieu, il convient de présenter les opportunités aux entrepreneurs, mais aussi aux investisseurs, aux ingénieurs, aux designers, aux développeurs, aux grands groupes, aux associations, aux médias, aux opérateurs publics, aux instituts de recherche… A tous ceux qui sont engagés pour la croissance et pour leur rayonnement à l’international. Nous avons aussi initié le « Pass Africa » avec le Conseil Présidentiel pour l’Afrique (CPA) et son coordinateur très impliqué Wilfrid Lo Do Rego. Il est dédié aux entrepreneurs pour l’Afrique. Ce projet de place vise à accélérer le développement des entreprises à fort potentiel de croissance qui ont l’Afrique comme priorité. Et qui ont déjà réalisé une première levée de fonds.
Qu’est ce qui explique ce regain d’intérêt pour l’Afrique ?
Pour rappel, la présence de Bpifrance sur le continent remonte à près de 20 ans. Son activité principale a été l’investissement dans les sociétés panafricaines de gestion et le soutien en capital pour les PME. Depuis cette date, Bpifrance a injecté au total 150 millions d’euros dans des fonds, qui ont permis d’investir un milliard d’euros dans plus de 150 entreprises africaines. Cet intérêt ne date pas d’aujourd’hui, même si le rapprochement avec la diaspora est un fait plus récent. Il s’agit de détecter les projets à fort potentiel dans les pays où les entrepreneurs de France se trouvent et de leur fournir un maximum de soutien. C’est d’autant plus pertinent qu’ils sont porteurs d’un nouveau message, d’une nouvelle lecture entrepreneuriale. Lorsque vous êtes entrepreneur dans deux pays, la réalité est encore plus difficile. Les charges sont doubles et les actions sont démultipliées. Nous voulons leur offrir un maximum de solutions. C’est ce que leur procure le Pass Africa. Dans ce contexte, nous avons organisé des tournées en France en partenariat avec le CPA, où nous avons entendu des entrepreneurs qui se sont exprimés sur leurs réalités et leurs difficultés.
Qui est concerné par le Pass Africa?
Pass Africa concerne les entreprises de plus de deux ans, qui réalisent un chiffre d’affaires de plus de 500 000 € et qui développent du business dans tous les secteurs entre le continent africain et la France. Les vingt entreprises annuellement sélectionnées sont prises en charge par Bpifrance et disposent d’un contact personnalisé dans leur direction régionale. Le délégué international présent dans les bureaux en région leur consacre du temps et leur fournit un coaching personnalisé pour qu’ils puissent utiliser les outils qui leur sont nécessaires. Il les accompagne dans la mobilisation de ressources financières de développement. C’est ainsi que nous pouvons accélérer le développement de ces entreprises. Le dispositif mobilise les ressources existantes sur le financement de l’innovation par exemple ou le soutien au développement international. Le projet emploie ainsi l’assurance prospection comme l’une des solutions pour financer les démarches internationales de ces entreprises. Le financement peut aller jusqu’à 65%. Il est remboursable en intégralité en cas de succès de l’entreprise et à un tiers en cas d’échec de développement en Afrique. Une première cohorte, dans les régions de France, a déjà été organisée, avec un retour d’expérience très positif. Une vingtaine de candidats a testé le modèle afin d’aider à le pister, le corriger et l’améliorer. Pour la seconde cohorte à venir, un appel à candidature sera lancé en juin.
Quelles sont les facilitations que vous comptez mettre en place pour aider les entreprises ?
Depuis six ans, nous finançons les clients de nos entreprises françaises qui coopèrent avec les entreprises européennes. Lorsqu’une entreprise achète du matériel auprès des entreprises françaises, nous pouvons la financer. Dans cette activité, l’Afrique représente 80 % du financement et déjà 700 M€ engagés tant dans le secteur public que dans le secteur privé qu’il nous faut développer beaucoup plus. Ces solutions sont adossées à l’Assurance-Crédit Export que nous gérons pour le compte de l’Etat et qui sur la seule année 2020 a sécurisé 2 Mds€ de contrats commerciaux sur le continent. L’objectif est d’apporter des facilitations à des entrepreneurs qui ont besoin d’accéder à des ressources bancaires difficilement mobilisables sur leurs propres territoires pour des questions de coûts, de garantie et de durée de financement. Nous apportons des outils qui permettent de faire du commerce et de signer des contrats commerciaux pour financer des investissements en Afrique. L’autre intérêt que représente le continent africain se situe au niveau des enjeux climatiques. Sur cet axe, le continent africain représente « une terre extraordinaire et indispensable pour l’expression du savoir-faire français en matière de développement durable ». Sur ces enjeux du climat, nous souhaitons que le meilleur du public et du privé soit réuni avec la même préoccupation du financement des projets. Nous voulons promouvoir beaucoup plus les start-ups qui s’y consacrent. Et voulons agir sur la production en énergie durable, le traitement des déchets ou les industries de production d’eau potable.
Bpifrance soutient l’innovation dans l’évolution numérique et également les agences, les entrepreneurs et les gouvernements. La banque incite à réfléchir ensemble sur la façon de mobiliser des conditions permettant aux entrepreneurs de se lancer. Pour y parvenir, Bpifrance s’arme d’outils qui permettent d’ôter les risques des projets en Afrique, afin de permettre aux entreprises françaises de s’intégrer sur le continent. Nous avons également les moyens de faciliter l’accès à l’Afrique pour les PMEs hésitantes, qui pensent que c’est trop loin, trop risqué, trop cher ou pas assez rentable rapidement. Nous sommes outillés pour permettre à nos entreprises françaises de devenir africaines. Je suis profondément convaincu qu’il n’est pas possible, pour ces entreprises, de réussir en Afrique si elles ne deviennent pas africaines. La concertation au plan du savoir est ainsi indispensable, tout comme la valorisation du management local, la formation et l’éducation in situ. Sans oublier le recrutement et l’incontournable valeur ajoutée.