Insurtech : la dynamique africaine bel et bien enclenchée 

A mesure que les startups fintechs pénètrent le marché africain, elles ont l’opportunité de proposer une variété de services en matière d’assurance. Appelées Insurtech, les entreprises de ce secteur ont levé 60 millions USD en 2021 ; 25 millions en 2022 ; et dépassé les prévisions 2023 de Boston Consulting Group FinTech Control Tower. Bien entendu, l’Insurtech vient tout juste d’émerger, mais tout semble indiquer que le mouvement est tout à fait lancé.

Le terme “Insurtech” est utilisé pour parler des fintechs dans le domaine des assurances. Pour Teva Fontaine, fondateur et CEO de la startup ivoirienne WiAssur, l’Insurtech fait référence à l’ensemble des entreprises qui utilisent les nouvelles technologies pour innover dans le secteur de l’assurance ; des acteurs ou parfois des startups qui développent des solutions digitales pour améliorer ou optimiser la chaîne de valeur, l’expérience client, les processus de souscription ou de gestion des sinistres, ou encore concevoir de nouveaux modèles économiques de tarification.

Teva Fontaine, fondateur et CEO de WiAssur

En Afrique, les initiatives Insurtech sont récentes ; les premières statistiques les concernant datent de 2017 / 2018, mais elles font déjà parler d’elles. Basées sur les prédictions de BCG FinTech Control Tower, les projections de l’Inclusive Fintech Forum annonçant 35 millions USD en levées de fonds pour l’exercice 2023 ont été dépassées, si l’on s’en tient seulement aux financements obtenus par les Insurtech sud-africaines Pineapple (21,3 millions USD), Naked Insurance (17 millions USD), Inclusivity Solutions (1,5 million USD), et nigériane MyCover.ai (1,25 million USD).

Locomotives

De toute évidence, l’Afrique du Sud est le leader du secteur avec l’écosystème Insurtech le plus mature du continent. Des startups susmentionnées et beaucoup d’autres comme Click2Sure y prospèrent avec la grosse présence de fonds de capital-risque. Pour le CEO de WiAssur, le Kenya constitue aussi un énorme vivier de talents techniques et un lieu d’émergence de solutions innovantes en assurance comme Bima et Lami Technologies, avec une adoption rapide des services financiers mobiles, et bien sûr Mpesa. Teva Fontaine cite également l’Egypte, mais aussi le Nigeria comme un « vaste marché » avec des Insurtech telles que CareCover, Ensure Insurance et Curacel. 

« De manière générale, la transformation numérique de l’assurance est en train de s’accélérer aux quatre coins du continent, avec un enjeu d’inclusion financière et un marché immense à développer », souligne l’entrepreneur.

“Pain point”

Si l’Insurtech prend une dimension particulière, c’est parce que le secteur de l’assurance fait face à d’importants défis en termes de pénétration. Avec un taux oscillant entre 1 et 2 %, le continent ne pèse pas plus de 7 % sur le marché mondial. Qui plus est, 70 % des primes émises en 2022 proviennent d’un seul pays, l’Afrique du Sud. 18 % des sommes payées par les souscripteurs sont ensuite réparties entre cinq autres Etats : Égypte, Maroc, Kenya, Nigeria et Algérie. Ne parlons même pas des 12 % restants que se partagent les 48 autres nations, selon l’Organisation des assurances africaines (OAA).

Causes de l’étonnante faiblesse du marché, le modèle de distribution traditionnel exploitant des canaux physiques, la faible satisfaction des souscripteurs et la perception de l’assurance bien souvent considérée comme un produit de luxe. Dans ce contexte, les solutions Insurtech viennent résoudre un véritable “pain point”, à savoir l’absence de canal démocratique entre l’offre et la demande des produits d’assurance.

« L’objectif est de simplifier les parcours client, de réduire les coûts de distribution et d’ouvrir l’accès à l’assurance au plus grand nombre grâce au digital », argumente Teva Fontaine. Puis d’ajouter : « Pour donner un exemple, chez WiAssur nous avons rassemblé dans une même plateforme, les offres de toutes les compagnies d’assurance, pour les risques du particulier et de l’entreprise. Ceci nous permet de proposer un comparateur en ligne pour favoriser la transparence et la simplicité, et de permettre à tous de souscrire en ligne ou sur tous les canaux tels que WhatsApp. »

Positionnement

Micro-assurance en santé ou en agriculture, assurance à la demande et activable depuis un smartphone, analyse de données pour évaluer les risques, détection automatique des fraudes, chatbots pour améliorer l’information client et les échanges, télémédecine et objets connectés au service de l’assurance… L’Insurtech africaine propose une variété de services. Mais beaucoup reste encore à faire. Selon BCG FinTech Control Tower, l’Insurtech ne représente que 9% des prestations de service des fintechs africaines.

Modeste, ce chiffre peut le sembler de premier abord. Pour notre entrepreneur, cela s’explique : « Ce secteur émerge tout juste, là où les fintechs dans la banque et le paiement existent depuis un peu plus longtemps. Nous sommes probablement encore dans une phase d’éducation des consommateurs aux concepts mêmes de l’assurance. Il subsiste encore beaucoup de défiances ou d’incompréhensions sur ce secteur complexe. » M. Fontaine pointe aussi les contraintes réglementaires comme l’un des principaux freins à la mise sur le marché de produits d’assurance innovants. « Les autorisations prennent du temps.» En outre, les Insurtech font face à une pénurie de compétences ; les expertises pointues dans les domaines de l’actuariat, de la data, de la blockchain, etc., sont extrêmement convoitées.

Révolution Insurtech

A l’échelle du monde, les statistiques sont pourtant encourageantes. Selon une étude de Mckinsey, l’apport des agrégateurs en Europe et aux USA dans l’industrie des assurances,  après 20 ans d’existence, représente près de 50% des ventes de contrats en ligne. Dans le sillage des écosystèmes matures ou émergents, la révolution Insurtech devrait permettre à l’Afrique de combler rapidement le fossé immense sur ce marché et améliorer sa contribution à l’économie nationale – une augmentation de 1 % du taux de pénétration génère près de 5 % de croissance du PIB d’un pays. C’est en tout cas ce qu’espère le fondateur de WiAssur. Pour lui, les perspectives de développement de l’Insurtech sont « extrêmement prometteuses » compte tenu des nombreux atouts du continent. Une population jeune, connectée et désireuse d’adopter rapidement les innovations technologiques dans les services financiers. Des réformes réglementaires engagées dans de nombreux pays pour soutenir l’essor de la Fintech et de l’Insurtech. Des acteurs traditionnels de l’assurance désireux de s’associer à des startups Insurtech dans une logique d’open innovation. « Tout ceci crée des perspectives de synergies très positives. Cela stimule l’entrepreneuriat et attire les investissements dans ce secteur d’activité. Bien sûr, certains défis structurels subsistent, mais la dynamique est bel et bien enclenchée sur tout le continent », conclut Teva Fontaine.

Anselme AKEKO

Responsable éditorial Cio Mag Online
Correspondant en Côte d'Ivoire
Journaliste économie numérique
2e Prix du Meilleur Journaliste Fintech
Afrique francophone 2022
AMA Academy Awards.
En savoir plus

View All Posts

Pin It on Pinterest