
Une salle de conférence à Addis-Abeba, en Éthiopie, lors d’un sommet sur l’intelligence artificielle en Afrique. Image générée par IA.
Togo, Bénin, Côte d’Ivoire, etc. Un peu partout sur le continent, ces dernières années, des stratégies d’intelligence artificielle (IA) ont été élaborées pour mieux aborder la transformation en cours. Ces stratégies sont assorties de plans d’action et de budgets de mise en œuvre, preuve d’une volonté d’appropriation et d’adoption de l’IA à l’échelle nationale.
C’est depuis l’an 2022 que le Bénin a montré des signes d’une volonté politique pour l’élaboration de sa Stratégie nationale d’IA et des mégadonnées (SNIAM). Il a organisé un atelier participatif le 22 avril 2022 pour trouver des solutions technologiques adaptées aux préoccupations contemporaines et futures du Bénin dans les secteurs de l’éducation, de la santé, des transports, de l’agriculture, du cadre de vie, du tourisme, etc.
Cet atelier a consolidé les travaux du cabinet Ankah, qui a travaillé avec un comité de pilotage multisectoriel pour évaluer l’état des lieux du secteur de l’IA au Bénin. Une évaluation sanctionnée par un rapport dont la validation est intervenue quelques semaines plus tôt. Le Bénin a ainsi officialisé, à travers un document de stratégie, sa marche vers l’adoption de l’IA pour le développement du numérique. Celui-ci a été présenté et adopté en Conseil des ministres le 18 janvier 2023 pour sa mise en œuvre.
Elle est composée de 4 programmes déclinés en 3 phases sur 5 années, avec un portefeuille contenant 123 actions impactant les secteurs public et privé. Pour sa mise en œuvre, près de 5 milliards de francs CFA ont été mobilisés afin de positionner le Bénin, dans les 5 prochaines années, comme un acteur majeur de l’IA en Afrique de l’Ouest. Cette avancée rend le Bénin désormais apte à saisir les opportunités actuelles et futures relatives à l’IA et au traitement des données massives.
Dès lors, plusieurs initiatives de formation sur l’IA à l’endroit des jeunes et des femmes se sont multipliées, de même que des concours, notamment le hackathon IA multimodal et multilingue organisé en marge du Salon de l’entrepreneuriat numérique et de l’intelligence artificielle (SENIA) en 2024. Ce fut une première, visant à développer des applications d’intelligence artificielle capables de transformer du texte ou de l’audio en images, et de l’audio en audio, en utilisant les dialectes locaux tels que le fon, le dendi et le yoruba.
Compétences et formation des jeunes
Alors que le Bénin se dynamise en matière d’IA, la Côte d’Ivoire a rendu disponible, ce 13 juin 2025, sa stratégie nationale d’IA, avec des estimations de dépenses d’investissement évaluées à plus de 1 000 milliards de francs CFA d’ici à 2030. Dans une interview accordée à CIO Mag, Stéphane Coulibaly Kounandi, Directeur de l’Innovation, des startups et du secteur privé au Ministère de la Transition Numérique et de la Digitalisation, a expliqué que la stratégie nationale d’IA de la Côte d’Ivoire repose sur trois piliers essentiels : l’investissement, l’inclusion et la gouvernance.
« Au niveau de l’investissement, il s’agit d’allouer des ressources aux infrastructures technologiques nécessaires au développement de l’IA. Ce volet inclut aussi un investissement dans le développement des compétences et la formation des jeunes. Enfin, il comprend un investissement dans les solutions innovantes qui vont être développées en Côte d’Ivoire. Le deuxième volet, c’est l’inclusion. Nous souhaitons que cette stratégie bénéficie à tous les secteurs d’activité, à toutes les régions du pays et aux Ivoiriens de la diaspora, dont plusieurs travaillent dans des entreprises renommées à l’étranger », explique-t-il.
Stéphane Coulibaly Kounandi rassure qu’« étant donné que l’IA suscite des inquiétudes du fait de son évolution rapide et de son potentiel à transformer de nombreux aspects de la vie quotidienne, il est donc important que ce soit une IA qui se développe dans un cadre éthique et réglementaire. C’est pourquoi nous voulons mettre en place un Label Safe IA en partenariat avec l’UNESCO afin de pouvoir déployer très rapidement un cadre réglementaire autour de l’IA pour éviter les abus. »
1 000 milliards de francs CFA seront alloués à la mise en œuvre de cette stratégie, laquelle prendra en compte la création de l’Agence Nationale de l’Intelligence Artificielle (ANIA), la mobilisation des parties prenantes et un diagnostic national des ressources. Ensuite, des infrastructures technologiques seront développées, la formation des talents renforcée et l’IA intégrée dans les curriculums éducatifs. Après tout cela, les projets réussis seront étendus, les infrastructures renforcées et le centre de formation en IA deviendra un pôle d’excellence régional.
Cas du Togo et du Sénégal…
Au Togo, l’organisation de la Semaine de l’Intelligence Artificielle, qui en est à sa 2e édition cette année, annonce déjà la volonté politique d’orienter les efforts vers l’adoption de cette technologie. En 2024, la ministre de l’Économie numérique et de la Transformation digitale, Cina Lawson, a ouvert le Grand Atelier du Digital (GAD), un événement dédié à l’intelligence artificielle. Il s’agit d’un forum pour discuter des opportunités offertes par l’IA et des moyens de l’intégrer efficacement dans les secteurs clés du pays.
À cette occasion, la ministre déclarait qu’« il faut absolument que nous puissions intégrer l’intelligence artificielle dans l’éducation pour améliorer la qualité des cours donnés, dans le domaine de la santé, de l’agriculture et de la protection sociale. » L’un des objectifs principaux du Grand Atelier du Digital est l’élaboration d’une stratégie nationale pour l’intelligence artificielle, laquelle vise à encourager l’innovation technologique, à mettre en place un cadre réglementaire adéquat pour encadrer l’utilisation de l’IA, à protéger les données personnelles et à garantir la sécurité des utilisateurs, ainsi qu’à identifier et anticiper les risques potentiels liés aux nouvelles technologies.
Quant au Sénégal, c’est en septembre 2023 qu’il a présenté sa Stratégie Nationale pour l’Intelligence Artificielle. Il s’agit d’un document visant à exploiter les opportunités offertes par cette nouvelle technologie, avec pour vision de « promouvoir une IA éthique et fiable, en tant que catalyseur du Plan Sénégal Émergent, de l’emploi des jeunes, de la performance économique, de la transformation publique, de la souveraineté et de l’attractivité du Sénégal. » Dotée d’un financement de 30 milliards de francs CFA pour la mise en œuvre de 52 actions identifiées au titre de la stratégie, cette technologie est perçue comme devant être le « catalyseur du Plan Sénégal Émergent. » Ainsi, elle devrait permettre de résoudre la problématique de l’emploi des jeunes, d’accroître la performance économique, etc.
Du Bénin à la Côte d’Ivoire, en passant par le Togo et le Sénégal, la mise en œuvre des stratégies d’IA est en cours avec des initiatives aussi bien gouvernementales que privées. Les projecteurs sont tournés vers l’an 2030 pour la plupart, afin d’évaluer à mi-parcours les avancées et de redéployer les stratégies sur la base des forces et faiblesses constatées.