Connue dans la Fintech pour ses nombreuses innovations, la startup du jeune togolais Edem Adjamagbo annonce un changement d’envergure dans les services bancaires en Afrique. Son groupe met au point un service baptisé ‘’WhatsApp banking’’ pour révolutionner les habitudes et accélérer la bancarisation sur le continent. Le premier service déployé au Togo embarque une intelligence artificielle. Et Edem Adjamagbo croit que « l’IA ne va pas que transformer ou transposer des habitudes ».
Souleyman Tobias, Lomé
Le rapport 2019 Hootsuite et Wa are social classe encore WhatsApp comme le réseau social le plus utilisé au monde. Devenu le réseau le plus accessible dans les zones à faible connectivité, et pour avoir intégré la voix, WhatsApp a été vite adopté partout. Cette accessibilité semble faire de ce réseau, le plus indiqué pour désormais embarquer d’autres technologies et adresser des besoins poussés dans certaines parties du monde. Les récentes innovations pour faire de ce réseau social un service d’e-banking en sont une preuve. Semoa Group, la fintech du jeune togolais Edem Adjamagbo y voit un outil d’avenir pour l’inclusion financière dans son pays et partout en Afrique, en pensant une solution « WhatsApp banking » déjà éployée pour un client banque au Togo.
« Selon les chiffres de la BCEAO, au quatrième trimestre 2018, le taux de bancarisation au Togo est de 23,8% pour une population de 7,9 millions d’habitant et seulement 227 Guichets bancaires. Soit une agence bancaire pour 35 242 personnes. Dans ces conditions, on peut constater des distances importantes entre le domicile des particuliers et leurs agences pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres en zone rurale », fait remarquer Edem Adjamagbo. WhatsApp banking constitue la réponse de la startup à la problématique de l’indisponibilité des services classiques de la banque en Afrique. « Il nous est donc paru évident que la réponse à la problématique des clients bancaires, c’est de leur permettre d’aller vers l’information, qu’elle soit fiable et disponible rapidement. Nous avons donc opté pour le réseau social le plus utilisé en Afrique : WhatsApp », indique le jeune chef d’entreprise qui s’est déjà distingué par plusieurs innovations dans la fintech.
Au-delà des services classiques
Ce qui va marquer WhatsApp Banking, selon Edem Adjamagbo, c’est l’embarquement d’une intelligence artificielle. L’innovation de ce produit consistera à aller au-delà des services actuels de banque digitale (SMS alerte, application mobile, etc.). Le projet de Semoa Group utilise la force de WhatsApp, l’intégration de la voix pour rendre accessible les services de banque en temps réel. « WhatsApp est un réseau social où les utilisateurs discutent, partagent leurs points de vue, leurs pensées. Eh bien, nous avons doté WhatsApp banking d’une Intelligence Artificielle ; ce qui en fait un chatbot conversationnel. A la différence des services lancés sur WhatsApp par First Bank au Nigéria ou encore LEO par UBA (toujours au Nigéria), Whatsapp Banking permet à l’utilisateur d’exprimer son besoin par des mots », révèle le CEO de la startup.
Les clients banque de Semoa group ne pouvaient pas en attendre mieux. Et les usagers des services de ces dernières peuvent se frotter les mains. Car, WhatsApp banking leur permet de porter où qu’ils veulent leurs banques. Ouverture de compte, consultation de solde, mini relevé, localisation d’agence, DAB, achat crédit téléphonique, paiement de factures et divers réabonnements, virement compte à compte, retrait sans carte, alerte opération… tous les services classiques d’une banque ramenés à de simples commandes vocales, promet Semoa Group. C’est une nouvelle ère d’expérience client qui semble s’annoncer pour les clients des institutions bancaires au Togo et sur le continent, pour peu que le financement soit au rendez-vous pour l’implémentation à grande échelle de cette application.
WhatsApp banking : discuter en langue locale avec sa banque
Le chatbot de WhatsApp banking a déjà conversé avec plus de deux mille clients en deux semaines, confie Edem Adjamagbo. Pour lui, c’est une fierté de permettre à une banque de la place togolaise de devenir la « première banque d’Afrique de l’Ouest francophone à proposer ses services via WhatsApp ». La prochaine étape de cette aventure va s’écrire en trois points. D’abord, le déploiement de la solution et l’intégration d’autres canaux comme Messenger, Viter, Telegram. Ensuite, adresser les besoins des microfinances, acteurs incontournables de l’inclusion financière en Afrique et souvent démunies de solutions de banque à distance. Et enfin, intégrer les langues locales. Une sacrée ambition que Semoa compte réussir avec l’intelligence artificielle. « Beaucoup utilisent les messages vocaux pour communiquer. Souvent pour des raisons d’alphabétisations. Notre objectif chez Semoa, c’est une inclusion financière pour tous », martèle Edem Adjamagbo.
L’IA, la clé ?
Oui, pense Edem Adjamagbo. Semoa Group, depuis la création de ses bornes électroniques de paiement et les plateformes de paiement n’a qu’une vision : changer profondément la perception du service apporté par la banque à ses clients. Avec WhatsApp banking, la startup est convaincue qu’« il est évident que ce service devait être conversationnel ». D’où la focalisation sur l’intelligence artificielle.
Mais ce n’est sans compter avec les difficultés. « Il est par exemple impossible de trouver un chatbot permettant de reconnaitre des mots écrits en langues locales, pourtant c’est ce que nous parlons tous lorsque nous sommes entre amis ou en famille », reconnait M. Adjamagbo. « Nous sommes donc en train de mettre au point un protocole de Traitement Automatique du Langage Naturel qui nous permettra d’apporter du service à valeur ajoutée à cette population ne parlant pas de langues étrangères », annonce le CEO de Semoa.
Et quand on demande à Edem Adjamagbo s’il pense que l’IA ou encore la Blockchain vont bousculer réellement les habitudes du secteur bancaire en Afrique, sa réponse est simple. « Je pense que les services du futur (disons dans dix ans) – s’ils n’existent pas encore – auront dans leur sein ces technologies que vous citez », dit-il. Et il précise que, « en ce qui concerne la blockchain, je vois très clairement les applications dans la traçabilité des médicaments, des aliments mais aussi pour régler nos problématiques de titres fonciers et bien d’autres usages ». Mais il nuance l’espoir mis en la blockchain. Lui qui aura passé le clair de son temps professionnel à proposer des solutions de paiements alternatives à la liquidité affirme que « nous les Africains nous restons profondément attachés au cash ».
Article paru dans CIO Mag N°59 Septembre/Octobre 2019