Interview de Aïda Ndiaye sur l’exploitation de la Blockchain par Facebook

En marge du lancement à Cotonou du programme « Boost avec Facebook » visant à former 10 000 jeunes africains à accroître leur business sur les plateformes numériques, Aïda Ndiaye, responsable des politiques publiques de Facebook pour l’Afrique francophone s’est prêtée à nos questions. L’actualité de Facebook et son développement pour s’imposer dans les usages numériques des peuples étaient au cœur de nos échanges.

CIO Mag : Face aux récentes sanctions écopées par Facebook, quelle assurance donnez-vous à vos internautes ?

Aïda Ndiaye : Gagner la confiance numérique de nos utilisateurs est au cœur de nos actions. Si quelqu’un pense que ses données personnelles seront utilisées à d’autres fins, il ne va pas utiliser la plateforme et nous en sommes conscients. Dès lors que nous avons reçu une amende du régulateur américain, cela a été pour nous l’opportunité de continuer à travailler pour renforcer la protection de la vie privée de nos utilisateurs ainsi que la sécurité de notre plateforme. Beaucoup de changements ont été faits et continueront d’être faits au cours des prochains mois. Ils se traduisent notamment par la création d’un nouveau poste de Délégué à la protection des données.

Mieux, nous allons créer un comité indépendant qui nous aidera à prendre les bonnes décisions en termes de protection des données et de politiques de protection des données au sein de l’entreprise. Nous faisons aussi des formations pour sensibiliser les individus qui utilisent notre plateforme sur la nécessité de protéger leurs données et sur les outils que Facebook met en place pour les y aider.

Comment former les jeunes à une meilleure éducation numérique ?

Plus de la moitié de la population africaine a moins de 25 ans et nous sommes très conscients que la majorité de nos utilisateurs en Afrique est très jeune. C’est pour cela qu’en marge des programmes de renforcement de capacités pour les entrepreneurs comme « Boost avec Facebook », nous investissons également dans des programmes de sensibilisation, de sécurité en ligne et d’usage numérique pour les jeunes, au Nigéria et au Bénin.

Mais nous continuons aussi à travailler avec les autorités compétentes (les unités de protection de données, les ministères, etc.) pour pouvoir les équiper à avoir la bonne information par rapport à la sécurité en ligne et aux bons usages numériques. Pour que cette utilisation soit positive, les jeunes ont besoin d’encadrement.

Facebook investit de plus en plus dans l’Intelligence Artificielle. Comment cette technologie peut impulser l’inclusion financière en Afrique ?

Il y a de très belles opportunités en perspective grâce à l’Intelligence Artificielle en Afrique. A travers le développement de l’IA, IBM a développé un robot beaucoup plus performant que les docteurs en médecine pour analyser et détecter un cancer. Chez Facebook, nous avons développé un outil de réalité virtuelle appelé Oculus qui permet de se projeter dans différentes situations et qui a de très bonnes utilisations pour l’éducation. Dans un futur proche, des étudiants à Cotonou pourront par exemple recevoir des cours à distance d’un professeur aux Etats-Unis via la réalité virtuelle.

Il est important de mentionner que l’IA est une technologie qui repose sur la donnée. D’où l’utilité et la nécessité de créer des lois et des règlementations flexibles qui facilitent la collaboration et l’innovation. Un développeur d’IA béninois doit pouvoir collaborer et parler aux Sénégalais, Nigérians, etc., pour partager leurs expériences et optimiser leurs produits. Ainsi, avoir des politiques d’interopérabilité qui prônent le flux de données transfrontalier est nécessaire pour faciliter l’innovation en Afrique.

Nul doute que la technologie va plus vite que le législateur !

C’est dans tous les secteurs parce que l’innovation est rapide. C’est pour cela qu’il est important de discuter avec le législateur. Aussi, le numérique reste un futur inconnu. On ne sait pas encore vraiment quelles sont les perspectives de l’IA, on ne sait pas encore comment la Blockchain va évoluer. Nous développons des théories mais il reste quand même la pratique. C’est pour cela qu’il est important pour nous de discuter avec le législateur afin d’avoir des politiques harmonisées, flexibles et basées plus sur la prévention des risques plutôt que des politiques prescriptives.

Justement à ce sujet, quelle opportunité représente la Blockchain pour votre entreprise ?

Vous n’êtes pas sans savoir que nous avons annoncé faire partie d’une association dénommée CALIBRA qui regroupe Facebook, MasterCard ainsi que d’autres grandes banques, et qui vise à exploiter le potentiel de la Blockchain. Nous avons annoncé le lancement d’une nouvelle monnaie appelée Libra qui sera basée sur la technologie Blockchain. Pourquoi faisons-nous cela ? Facebook est avant tout une entreprise technologique et d’innovation, et nous pensons que la Blockchain offre beaucoup d’opportunités en termes d’innovation et surtout dans les pays émergents et africains. Aujourd’hui, avec de la cryptomonnaie, vous avez l’opportunité de promouvoir l’inclusion financière à travers des outils qui peuvent être disponibles pour tous.

Comment se comporte le marché de l’Afrique francophone face à vos différentes offres ?

Pour qu’une entreprise comme Facebook investisse sur un marché, il y a plusieurs facteurs à prendre en compte. Tout d’abord, le facteur règlementaire pour savoir si les lois du pays le permettent. Vous le savez aussi, Libra est une monnaie qu’on n’a pas encore lancée et qui est toujours en phase de conception. Nous sommes en discussion avec beaucoup de régulateurs financiers et du secteur des télécommunications dans le monde, pour nous assurer que cette monnaie sera conforme aux lois. En ce qui concerne l’Afrique francophone, nous espérons qu’elle sera un terrain où nous pourrons lancer ces projets innovants.

Propos recueillis par Michaël Tchokpodo, Bénin

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