Jean Marc Niel, Secrétaire général du Centre de rencontres et d’études des dirigeants des administrations fiscales (CREDAF) a accordé une interview à CIO Mag, lors du Colloque sur l’économie numérique et les administrations fiscales (CENAF), qui a eu lieu du 13 au 16 mai, à Montréal au Québec (Canada). Il revient sur les défis de la numérisation de l’économie dans les pays membres du CREDAF.
Le CREDAF, à présent intitulé Cercle de réflexion et d’échanges des dirigeants des administrations fiscales, est reconnu comme un lieu d’échanges d’expériences des administrations fiscales de trente pays sur la question de la digitalisation.
Propos recueillis par Mohamadou DIALLO
Quelle est aujourd’hui la mission du CREDAF ?
Jean Marc Niel : Le Centre de rencontres et d’études des dirigeants des administrations fiscales est une association qui existe depuis bientôt quarante ans. Elle a été créée en 1982 à Yaoundé (Cameroun). Son but est de permettre aux organisations et administrations fiscales francophones de se retrouver régulièrement pour échanger et confronter leurs expériences, en essayant, dans le même temps, de progresser ensemble. Une trentaine de pays – essentiellement africains – sont membres du CREDAF. Il s’agit de pays du Maghreb, d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique centrale et également la Belgique, le Canada, Haïti, ainsi que le Cambodge, en Asie.
“L’enjeu, face à l’économie numérique, est de s’adapter et de pourvoir aux besoins au sein de sa propre organisation.”
Que doit-on retenir de ce colloque que vous avez organisé au Canada ?
Le colloque, qui a été préparé avec notre partenaire, l’Agence du revenu du Canada (ARC), et avec Revenu Québec, une agence gouvernementale avec laquelle nous collaborons également, a permis aux pays membres du CREDAF de se rencontrer et d’échanger avec les pays du Nord, dont les pays européens. Ils ont pu confronter leurs points de vue sur les défis qui les attendent, notamment en matière d’économie numérique et d’administration fiscale. L’enjeu, face à l’économie numérique, est de s’adapter et de pourvoir aux besoins au sein de sa propre organisation.
Que ressort-il de cet échange, au plan des bonnes pratiques, entre les pays du Nord et ceux du Sud ?
Ce que j’en retiens, c’est l’impression que nous n’en sommes encore qu’au stade du démarrage et que chacun doit, d’une manière ou d’une autre, faire face à ses défis. Je constate par ailleurs que les pays africains, notamment ceux du CREDAF, bénéficient d’une marge de progrès intéressante. La majorité d’entre eux devant en effet mettre en place son organisation, ils n’ont, en conséquence, pas besoin de l’adapter. De ce point de vue-là, c’est fort intéressant.
“La collecte et l’exploitation fiscale du renseignement, c’est le traitement de la donnée.”
Comment l’apport du numérique peut-il élargir l’assiette fiscale ?
Elargir l’assiette fiscale, c’est un défi pour tous les pays. Et un peu plus encore pour les membres du CREDAF. Pour certains d’entre eux, l’assiette fiscale est un peu plus étroite dans la mesure où les recettes se concentrent, par exemple, sur les activités extractives, les mines, les activités pétrolières, mais aussi sur certaines catégories de contribuables, notamment les grandes entreprises, les salariés… Avec le numérique, nous avons la possibilité de travailler sur plusieurs axes pour élargir l’assiette fiscale. Le premier, c’est de pouvoir recenser, de manière exhaustive, les contribuables de sorte qu’ils s’acquittent de leurs obligations fiscales. Le deuxième, consiste à faciliter l’accomplissement desdites obligations. En facilitant leur paiement, on élargit l’assiette et on favorise les entrées fiscales. Et le troisième axe, qui me parait important, c’est de traiter le renseignement. Une administration fiscale est une industrie qui traite du renseignement, via des unités dédiées, et permet la taxation et l’imposition des contribuables. La collecte et l’exploitation fiscale du renseignement, c’est le traitement de la donnée. Et sur ce point, le numérique peut apporter des progrès majeurs.
Quel sera l’ordre du jour du prochain rendez-vous de Yaoundé ?
Nous allons pouvoir retracer et peut être réinscrire en perspective, pour faire une synthèse, les travaux que nous avons dirigés pendant un an. Nous allons certainement pouvoir inclure ceux du Colloque sur l’économie numérique et les administrations fiscales (CENAF) lors du prochain rendez-vous de Yaoundé. Ces travaux étaient, en quelque sorte, destinés à tracer des perspectives à plus long terme. La conférence de Yaoundé sera, à cet égard, peut être plus technique, plus fiscaliste. Mais, en même temps, elle facilitera l’entrée, de plain pied, des administrations fiscales dans une démarche de numérisation. Et leur permettra de s’inscrire dans la numérisation de l’économie. Cela ne peut être que bénéfique.