
Un atelier consacré aux applications 5G pour les femmes entrepreneures. Image générée par Freepik.ai
Alors que la technologie 5G s’impose progressivement dans les discussions autour du développement numérique en Afrique, une question se pose avec acuité : cette innovation peut-elle favoriser l’inclusion numérique des femmes sur le continent, notamment dans les zones rurales ou marginalisées ? Décryptage.
Dans nos sociétés actuelles, la question de l’égalité entre les sexes est de plus en plus débattue dans divers domaines. Pourtant, peu d’attention est portée à l’égalité en matière d’inclusion numérique des femmes. Selon le Mobile Gender Gap Report 2025 de la GSMA, l’Afrique subsaharienne a enregistré une baisse de l’écart d’accès à l’internet mobile entre les femmes et les hommes, passant de 36 % en 2022 à 29 % en 2024, grâce à une progression modérée de l’usage du numérique par les femmes. Malgré cette avancée, 205 millions de femmes, soit 61 % de la population féminine adulte, restent encore en marge du numérique, plaçant la région parmi les plus inégalitaires au monde, derrière l’Asie du Sud.
Au-delà des contraintes économiques, l’accès des femmes aux technologies mobiles reste entravé par des barrières socioculturelles, éducatives et sécuritaires. Des normes sociales restrictives, combinées à des inquiétudes liées au harcèlement en ligne ou à la présence de contenus inappropriés, renforcent cette exclusion numérique. Dans ce contexte, la 5G apparaît comme une opportunité pour faire évoluer la situation vers une plus grande inclusion numérique des femmes.
« Cette technologie est, dès le départ, perçue comme un levier majeur pour accélérer l’accès des femmes aux outils numériques », affirme Arnaud Watusadisi Mavakala, doctorant en intelligence artificielle à l’Université de Gênes en Italie et cofondateur de Congo Tech Pamoja.
Réduire les inégalités
En effet, la 5G représente une avancée technologique majeure qui favorise le développement d’un vaste écosystème d’objets connectés (IoT), capable de répondre aux besoins en communication de milliards de dispositifs. Elle repose sur un équilibre performant entre débit, latence (temps de réponse) et coût, selon le groupe français Thales, acteur de référence dans les hautes technologies appliquées à la défense, à l’aérospatial, à la cybersécurité et au numérique.
Henock Makumbu Mboku, ingénieur en intelligence artificielle, consultant en data chez Data Beez au Sénégal et cofondateur de Congo Tech Pamoja, souligne quant à lui le rôle essentiel de cette technologie dans la réduction des inégalités d’accès. « Grâce à sa vitesse et à la qualité de connexion qu’elle offre, les femmes peuvent accéder plus facilement aux plateformes d’apprentissage en ligne telles que Coursera ou OpenClassrooms (…) Elle réduit ainsi les barrières géographiques et connecte les femmes aux opportunités économiques et éducatives mondiales. »
Des défis inhérents
Malgré les avancées promises par la 5G, de nombreux obstacles freinent encore l’intégration des femmes dans le monde numérique. Parmi ces barrières figurent des freins principalement d’ordre structurel : manque d’éducation numérique de base, faible autonomisation financière, contraintes culturelles ou sociales dans certaines régions. « Les télécoms, à travers leurs services et produits, ont justement un rôle important à jouer pour faciliter l’accès à la technologie », souligne Myriam MPOY, spécialiste en droit du numérique et de la régulation télécom, et membre du Think Tank congolais de Law & Technologies.
Nos sources s’accordent à dire que les avantages techniques de la 5G, aussi importants soient-ils, ne suffisent pas à combler les inégalités de genre. « La 5G ne pourra, à elle seule, réduire les écarts. Il est impératif d’investir dans des formations ciblées, d’améliorer l’accès aux infrastructures numériques et de concevoir des programmes inclusifs pour les groupes vulnérables », estime Mavakala.
La technologie doit donc s’inscrire dans un cadre plus large, associant montée en compétences et inclusion sociale. Sur le terrain, des initiatives se dessinent déjà. « On observe une appropriation croissante dans des domaines comme la création de contenus numériques, le marketing d’influence ou encore les tutoriels. Des femmes exploitent ces nouveaux outils pour générer des revenus, acquérir de nouvelles connaissances ou accroître leur visibilité », illustre Mbuku.
Les préalables à l’inclusion numérique du genre
Pour une inclusion numérique effective, il est essentiel d’accompagner le déploiement de la 5G par des programmes de formation structurés. « Il faut initier les femmes aux outils numériques de base, développer les compétences avancées, les familiariser avec l’e-commerce et l’e-learning, tout en les sensibilisant aux enjeux liés à l’intelligence artificielle », insiste-t-il. Une attention particulière doit aussi être portée aux jeunes filles, à travers des ateliers, des webinaires et la valorisation de modèles féminins inspirants.
L’émergence de la 5G soulève également de nouveaux défis en matière de cybersécurité, domaine dans lequel les femmes restent sous-informées. « Il est vrai qu’en Afrique centrale, les femmes sont plus exposées à certaines cyberviolences : usurpation d’identité, cyberharcèlement, arnaques affectives (…). Et la montée en puissance de la 5G accentuera ces risques si la prévention ne suit pas », alerte Miriam Mpoy. Face aux enjeux de l’inclusion numérique, une mobilisation collective s’impose. Les pouvoirs publics, les acteurs économiques et les organisations sociales doivent conjuguer leurs efforts pour que la 5G ne creuse pas davantage les inégalités, mais devienne au contraire un levier d’émancipation pour les femmes, en particulier dans les zones les plus marginalisées.
Toutefois, comme le souligne Myriam Mpoy, « le déploiement de la 5G doit impérativement s’accompagner de mesures d’accompagnement ciblées ». Cela implique notamment le renforcement des programmes d’alphabétisation numérique pour adultes, la mise en place de formations à distance adaptées aux entrepreneures et disponibles dans les langues locales, la diffusion de kits pour un usage responsable d’Internet, ainsi que l’organisation d’ateliers pratiques dans les établissements scolaires. Combinés aux atouts technologiques de la 5G, ces dispositifs ouvrent la voie à un accès plus égalitaire à l’information, aux services et aux opportunités économiques. « Il est également essentiel de présenter des exemples concrets et accessibles pour permettre aux femmes de s’approprier pleinement cette technologie », ajoute-t-elle.
L’éducation numérique, ancrée dans les réalités locales, demeure ainsi la condition indispensable pour faire de la 5G un véritable outil d’autonomisation féminine.