« La blockchain garantit la traçabilité et la démocratie », Zouré Hyacinthe, Président de l’Association Blockchain Burkina

Président de l’Association Blockchain Burkina, Zouré Hyacinthe est aussi le Directeur général de SENSID, une société spécialisée dans l’identification et la sécurisation. Panéliste à la 4è édition du Digital African Tour Burkina, le 30 avril 2019, il revient, dans un entretien accordé à Cio Mag, sur les spécificités de la technologie blockchain. Pour lui, « aucun pays n’est vraiment préparé », mais il faut se mettre au pas au vue des avantages de cette technologie.

CIO Mag : Vous avez été panéliste sur la thématique de la blockchain. Comment présenteriez-vous cette technologie de manière simplifiée ?

Quand on parle de blockchain, il faut entendre « chaîne de blocs ». Ce sont des informations que l’on peut écrire dans un livre comptable, selon le jargon utilisé. En réalité, il s’agit d’une base de données dans laquelle les informations sont inscrites et on peut y accéder comme dans un livre comptable. Mais ici, aucune inscription dans le livre comptable ne peut être effacée. C’est la particularité de la blockchain. Et c’est pourquoi toute opération faite dans la blockchain laisse une trace. On parle alors de registre distribué. Les informations sont répliquées dans tous les ordinateurs qui sont dans le système. Ils partagent la même information.

Parmi les ordinateurs en question, il y a les nœuds. Ce sont les ordinateurs qui sont capables de faire de puissants calculs. Ce sont eux qui valident les transactions. Quand on parle de transactions menées, cela peut être un transfert d’argent…Lorsque X envoie une somme vers Y, il faut que cette machine valide que X a l’équivalent et qu’il a le droit d’envoyer cette somme. Aussi, elle certifie la réception et débite le compte de l’émetteur.

Dans le cas d’une photo partagée digitalement, le récepteur la reçoit, mais l’émetteur aussi la garde toujours. Dans le cadre de l’argent, cela allait être délicat. Et c’est le problème que la blockchain a résolu de sorte que, lorsque vous envoyez une partie de valeur, vous êtes débité et n’avez plus la même valeur sur votre compte. Voilà une idée de la technologie blockchain qu’il n’est pas évident d’expliquer en une séance.

A votre avis, comment le continent africain se positionne-t-il par rapport au développement de la blockchain ?

Le panel auquel j’ai participé à poser une question, celle de savoir si la blockchain était une réelle innovation ? Je dis tout de suite oui, car elle nous permet d’aller plus loin. Le sujet est très important. On en parle un peu partout dans le monde. Mais il faut savoir que même dans les pays en avance, cette technologie n’est pas encore maîtrisée par tous. Seuls quelques initiés savent de quoi on parle. En Afrique, nous n’avons pas voulu rester en arrière-plan comme cela a été le cas pour d’autres technologies. Heureusement, des Africains ont travaillé sur des projets blockchain à l’international, ce qui fait avancer les projets sur le continent.

« …Avec la blockchain, une fois qu’une donnée est inscrite, on sait qui l’a faite, quand, et l’opération est irréversible. »

Pensez-vous que le Burkina est préparé à adopter la blockchain ?

Personne n’est vraiment préparé. Même les pays avancés se mettent au pas. Ce qui est important, ce sont les avantages de cette technologie que nous devons saisir. On peut l’utiliser par exemple dans le domaine de la santé, de sorte que les données médicales soient sécurisées.

Au niveau du cadastre, vous savez qu’il y a énormément de litiges liés au foncier. C’est un problème qui peut être réglé en enregistrant les fichiers du cadastre dans la blockchain pour en finir avec ces litiges. Il est possible de sécuriser les diplômes et assurer donc l’authenticité. Le secteur agricole, les assurances, etc., peuvent l’utiliser. Un exemple simple : lorsque vous prenez un billet d’avion et que la compagnie est en retard, à partie d’une certaine heure, vous devez être remboursé. Mais la procédure est longue et il faut que vous la déclenchiez vous-même. Mais avec la blockchain et les ‘’smart contract’’, systématiquement, lorsque le cas se présente, et que l’assurance a été prise en compte dans votre contrat, vous êtes automatiquement remboursé ! Voilà des cas d’usage que la blockchain permet de résoudre. Mais il faut préciser que tous les problèmes ne peuvent pas être réglés par la blockchain.

« La blockchain garantit donc la traçabilité et la démocratie ! »

Face un projet pouvant utiliser une autre technologie que la blockchain, quelle est la valeur déterminante pour opter pour cette dernière ?

C’est la sécurité, la transparence et le fait que l’on ne peut pas revenir en arrière. Lorsque vous avez un acteur qui gère une transaction ou toute autre chose; lorsqu’à un moment cet acteur se rend compte qu’une opération ne l’arrange pas, il est possible de le voir revenir en arrière et d’effacer des traces. Or avec la blockchain, une fois qu’une donnée est inscrite, on sait qui l’a faite, quand, et l’opération est irréversible. C’est le caractère particulier qui permet d’assurer la transparence. La blockchain garantit donc la traçabilité et la démocratie !

Vous dirigez une société appelée SENSID et vous être président de l’Association Blockchain Burkina. Présentez-nous ces doubles casquettes que vous portez !

Dans SENSID, vous avez le sens (s-e-n-s) et ID, identification et sécurisation. SENSID est dans tout ce qui est identification sécurisée. Nous pouvons produire la carte nationale d’identité et enregistrer les données biométriques de manière sécurisée. Nous sommes aussi dans les documents sécurisés (impôts, santé, douanes, etc.), avec une appli mobile et un sticker qui émet des ondes courtes. Nous accompagnons également des projets blockchain (des projets de portemonnaie électronique fonctionnels au Kenya et au Rwanda) et aussi une solution de sécurisation des diplômes.

Pour pouvoir s’approprier la technologie blockchain, il était nécessaire de créer un cadre. Ce cadre, c’est l’association. Nous avons réuni des experts un peu partout dans le monde qui apportent leur expertise, les Africains notamment. Nous ambitionnons d’approcher les structures étatiques pour les sensibiliser, les informer et former les jeunes sur la technologie blockchain.

Vous avez participé à la 4è édition du Digital African Tour Burkina. Quelle appréciation faites-vous des échanges et des différentes thématiques abordées ?

C’était des sujets à l’ordre du jour et très pertinents. Evoluant moi-même dans le secteur des technologies, je pense que c’est une belle initiative d’autant puisqu’elle concerne l’ensemble du continent. Je ne peux qu’adhérer à l’initiative.

Propos recueillis par Souleyman Tobias, au Digital African Tour Burkina 2019

Souleyman Tobias

Journaliste multimédia. L’Opendata, la transformation digitale et la cybersécurité retiennent particulièrement mon attention. Je suis correspondant de Cio mag au Togo.

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