*Mohammed Chitaouy est Ingénieur de l’EMI. Expert en Big Data/Analytics. Ancien DSI et certifié IT4IT, il est l’un des auteurs de la démarche d’accompagnement de la transformation digitale – ABna Conseils.
*Taieb Debbagh est Docteur en Systèmes d’information de l’Université Paris-Dauphine. Ancien haut fonctionnaire au Maroc et aux Nations Unies. Expert en transformation digitale de ABna Conseils.
[Tribune] Les organisations prennent de plus en plus conscience de l’importance du rôle que la fonction SI (Système d’Information) doit jouer pour stimuler leur transformation digitale dont les défis majeurs sont principalement la flexibilité et l’agilité des processus et services « Métier ».
Comme toute innovation, le marché, poussé par une médiatisation très large des termes « Digital », « Transformation Digitale », « CDO » (Chief Data Officer ou Chief Digital Officer) … a été facilement submergé par la diversité des opinions sur le sujet.
Au-delà des nouveaux profils créés dans la mouvance du Digital, c’est la fonction SI (le domaine d’intervention naturelle d’une DSI) dans son ensemble, qui est appelée à transformer son modèle opérationnel. Ce nouveau modèle doit être soumis (à fortiori dans le cadre d’une transformation digitale qui est par essence transversale) aux mêmes exigences « Métier » (création de valeur) attendues des autres fonctions de l’entreprise : Recherche et Développement, Production, Ventes, Finances…
Renouveau du concept du SI et de l’orientation « Métier »
La création de nouveaux profils largement médiatisés (CDO…) ne constitue pas, en soi, une problématique et peut, même, dans certains cas faciliter la prise de conscience de l’importance d’une transformation digitale. Il s’agit surtout de la confusion introduite au sujet du positionnement de la fonction SI et partant de sa capacité de stimuler et d’accompagner la transformation digitale. En effet, certaines motivations de la création de nouveaux profils, ou opposition du CDO au CIO, partent déjà d’une perspective réductrice de la fonction SI (CIO) au volet technologique.
Jusqu’à tout récemment, certains continuent même, à distinguer les TI (Technologies de l’Information : ERP, CRM…) et les TO (Technologies Opérationnelles : Automates, Machines…). Or, la mouvance de l’industrie 4.0 (voir encadré : RAMI 4.0), à titre d’exemple, vient de confirmer la convergence des TI et des TO et marquer le renouveau du concept du système d’information (approche systémique).
En effet, pour l’industrie 4.0, le Système d’Information (SI) est la représentation du système physique et de ce fait, sa portée inclut toutes les formes d’information issues de toutes les sources de l’entreprise tant internes (Employés, Machines, Objets connectés, Automates, ERP, CRM…) qu’externes (Réseaux sociaux, Écosystèmes…) et selon différentes formes (images, vidéos, documents, données structurées ou non structurées…).
C’est ainsi que le rôle de la DSI est celui qui représente le plus, le positionnement de cette fonction importante qui prend en charge l’un des trois sous-systèmes du modèle de l’entreprise selon l’approche systémique. En effet, les travaux de JL Le Moigne (spécialiste français de la systémique et de l’épistémologie constructiviste) ont permis de décomposer le modèle d’une organisation en trois sous-systèmes :
- le système opérant, la vue physique, qui se compose de l’ensemble des ressources relatives à l’activité de l’entreprise ;
- le système de pilotage qui englobe l’ensemble des éléments responsables de la gestion et de la conduite de l’entreprise et de ses moyens ;
- le système d’information, la vue informationnelle, vu comme outil de communication entre le système opérant et le système de pilotage.
IT4IT cadre de référence pour le nouveau modèle opérationnel de la DSI
L’ambition de IT4IT est de proposer un standard ouvert et une architecture de référence pour la gestion de toute la chaîne de valeur de la fonction SI, qui inclut toutes les formes d’information de l’entreprise. L’un des apports les plus importants de IT4IT est de proposer un modèle d’information prescriptif (référentiel invariant) pour la gestion intégrée (end2end) de la fonction SI. Ce modèle spécifie les objets de données (et leurs interdépendances) nécessaires pour gérer tout le cycle de vie de chacun des services du portefeuille SI (business de SI). De plus, ce modèle ainsi que les autres modèles IT4IT de référence, sont indépendants des technologies et des processus mis en place ou à venir.
Quatre flux de valeur (Value Streams) spécifiés par IT4IT :
- Planifier : de la Stratégie au Portefeuille (Strategy to Portfolio – S2P)
- Construire : des Exigences au Déploiement (Requirement to Deploy – R2D)
- Livrer : de la Demande à la Réalisation (Request to Fufill – R2F
- Opérer : de la Détection à la Correction (Detect to Correct – D2C)
Pour chacun de ces flux de valeur, de multiples indicateurs de performance sont spécifiés au niveau du cadre de référence IT4IT.
Conclusion
Le renouveau du concept « Système d’Information » (et approche systémique) met aussi en évidence la transversalité de la fonction SI, ainsi que son importance stratégique pour toute entreprise.
Il s’agit aussi d’un changement de rôle de la DSI, de responsable de l’exécution des spécifications élaborées par les départements « métiers » à un contributeur à la stratégie de l’entreprise. En effet, la stratégie de l’entreprise et ses capacités tant managériales que digitales doivent être mutuellement alignées pour former un tout en perpétuelle évolution sous la pression de l’effet transformationnel du digital.
La fonction SI (assurée par la DSI) est appelée, plus que par le passé, à être gérée comme toute fonction stratégique de l’entreprise avec des exigences de création de valeur. Des cadres comme IT4IT et RAMI4.0 (voir encadrés) peuvent constituer une base de réflexion pour le positionnement de la fonction SI ainsi que la refonte de son modèle opérationnel.