L’Algérie des contrastes

Une dizaine de missions en Algérie m’ont permis de d’acquérir une certaine connaissance de ce pays et de ses habitants que j’apprécie beaucoup. A partir de cette expérience, je retiens que l’Algérie est un pays magnifique et accueillant mais aussi un pays de contrastes, au niveau des paysages ainsi que de la société.

Formalités : Une fois prise la décision de se rendre en Algérie, le premier visage est celui des consulats. L’un d’entre eux m’a donné l’impression que je n’étais absolument pas bienvenu en Algérie et que j’ennuyais profondément les fonctionnaires chargés de l’accueil, lesquels n’ont pas répondu à mes demandes d’informations précises, au point qu’il m’a fallu quatre déplacements dans divers consulats pour obtenir mon premier visa. Au fil du temps, j’ai pu expérimenter ce que j’ai perçu comme la gentillesse et le professionnalisme du consulat d’Algérie à Créteil parfaitement bien organisé pour traiter chaque jour des centaines de procédures officielles, au point qu’il pourrait à mon avis servir de modèle à nombre de consulats africains. Arrivé à Alger, j’ai commencé à changer des euros au cours officiel puis des Algériens m’ont proposé un change à un meilleur taux et enfin, j’ai découvert l’omniprésence des circuits officieux, sans doute portés par la diaspora, permettant d’échanger de l’argent à un cours encore plus avantageux.

Histoire : Français en Algérie, il n’est pas possible de faire abstraction de l’histoire.  Or, celle-ci est souvent enseignée en France de façon biaisée. Ainsi je ne me souviens pas que mes enseignants m’aient parlé de la colonisation française de l’Algérie et du Sahara de 1830 à 1902, alors qu’elle est indispensable pour comprendre ce que la France appelle « la guerre d’Algérie ». De même, on parle peu en France de la vie des diasporas algériennes en France durant les années de guerre. Actuellement la coopération qui s’instaure entre historiens algériens, français et d’autres nationalités me semble un signe positif très important pour aboutir à une vision mieux partagée de l’histoire, et donc une plus profonde reconnaissance de l’Algérie sur la scène internationale.

Hospitalité et culture: La population de l’Algérie est composée de deux groupes ethniques : les Arabes et les Berbères avec leurs langues et leurs alphabets respectives : arabe et tamazight (ⵜⴰⵎⴰⵣⵉⵖⵜ ou ⵝⴰⵎⴰⵣⵉⵖⵜ). Les touristes qui se rendent en Algérie apprécient généralement la grande hospitalité des habitants, et c’est également mon cas.  Par ailleurs, l’Algérie a une histoire très riche et regorge de sites touristiques magnifiques qui méritent d’être plus reconnus, protégés et entretenus. Laurent Stefanini[1], fondateur de Fibraccess, une société algérienne spécialisée dans la fibre optique témoigne : « Algériens de France, Français d’origine algérienne, étrangers n’ayant aucun lien avec l’Algérie, chaque fois que je dis vivre en Algérie, les réactions sont toujours vives,  passionnelles. Tous évoquent un pays à nul autre pareil, grandiose et mythique, qui a tant fait rêver aventuriers, peintres, écrivains ou érudits, d’Isabelle Eberhradt à Albert Camus en passant par Eugène Delacroix, Etienne Dinet ou Théodore Monot. S’agissant du numérique, il est probable qu’une démarche d’e-tourisme pourrait utilement accompagner la stratégie touristique algérienne.

Colloques : Désireux de rencontrer le secteur numérique algérien, j’ai choisi de faire coïncider un de mes voyages avec un colloque numérique apparemment intéressant, mais celui-ci a été repoussé. Revenu à la nouvelle date, je me rends dans le magnifique palais des congrès d’Alger mais, au lieu du grand colloque annoncé, je me retrouve dans une rencontre d’affaires B2B avec quelques dizaines de participants, tandis que la plupart des conférences et tables rondes prévues ont été annulées. A l’inverse, j’ai la chance de participer aux matinales de Care[2] sur les blockchains, et là, je rencontre des conférenciers algériens de premier plan, et une salle comble d’industriels. Actuellement le site https://algeria20.com annonce la septième édition du colloque Algeria 2.0 comme « le plus grand événement Web et TIC en Afrique ». Quoi qu’il en soit, ce Carrefour International des Professionnels des TIC et du WEB 2.0 » qui se tiendra du 4 au 8 décembre 2018 à Rahmania près d’Alger constituera l’une des étapes de « la mutation  de l’Algérie vers un avenir numérique ».

Parcs technologiques : Ce colloque se tiendra au parc technologique de Sidi Abdallah que j’ai eu l’occasion de visiter il y a plus de dix ans, et où j’ai eu la chance de retourner ensuite à plusieurs reprises. Il s’agit d’un parc magnifique, situé dans un cadre exceptionnel bien que mal desservi[3]. L’Agence nationale des parcs technologiques (ANPT) qui le gère a su habilement le rendre autonome financièrement, en parvenant à couvrir les frais de fonctionnement par le produit de la location des espaces. Fort de ce succès, l’ANPT projette de créer des parcs du même style dans d’autres villes algériennes et notamment à Oran, Bou Bordj Arreridj et ailleurs. A cet effet l’Union européenne et le gouvernement algérien ont entrepris un programme P3A DZ/27 pour la mise en place d’un écosystème favorisant le développement des TIC en Algérie, dont le bénéficiaire principal est précisément l’ANPT.

Création d’entreprises : A plusieurs reprises, j’ai été sollicité par des personnes envisageant un projet de création d’entreprise, mais un blocage culturel les a souvent empêchés de le concrétiser. Il s’agit, à mon avis, d’un certain fatalisme ambiant traduit par le proverbe Kimadjat klat « comme ça vient on prend ». Il me semble qu’un important travail de sensibilisation reste à faire pour agir positivement sur l’esprit de création d’entreprise en Algérie, en partenariat avec les acteurs publics et privés constituant l’écosystème numérique parmi lesquels le MPTIC, l’ANPT, les écoles d’ingénieurs INPTIC[4] et INTTIC[5], les écoles de techniciens télécom d’Algérie Télécom et Algérie Poste, les universités et les centres de recherche comme le CERIST[6], etc.

Numérique : Dans les années 1960, l’Algérie était le premier pays maghrébin en matière d’informatique, mais elle a largement perdu sa place au profit de ses voisins marocains et tunisiens. En 2016, l’Algérie se situe en effet au 117ème rang mondial sur 139 pays analysés par le World Economic Forum pour le Networked Readiness Index (NRI), tandis que la Tunisie se situe au 81ème rang et le Maroc au 78ème rang. A son actif, observons néanmoins qu’elle a gagné trois places depuis 2015 sur ce classement tandis que ses deux voisins ont stagné dans la même position.

De tels classements reflètent cependant la vision occidentale du monde, dont on voit les limites en constatant que moins de 10 % de la population mondiale détient 83 % du patrimoine mondial, alors que 3 % vont à 70 % des habitants. Je pense que l’occident aurait beaucoup à apprendre du peuple algérien marqué par la foi, la sagesse, la pudeur, la solidarité familiale et la tempérance comme on peut le découvrir dans ses proverbes[7] :

  • Dans la nuit noire, sur la pierre noire, une fourmi noire : Dieu la voit.
  • La tempérance est un arbre qui a pour racine le contentement de peu, et pour fruit la santé et le calme.
  • Une seule journée d’un sage vaut mieux que toute la vie d’un sot.
  • Redoute qui t’élève au-dessus de ton mérite, c’est lui qui te rabaissera injustement.

Ainsi, l’initiative de CIO Mag de dédier un numéro spécial à l’Algérie me semble particulièrement importante. Espérons qu’elle permette aux lecteurs de découvrir les valeurs du peuple algérien et ce que les Algériens peuvent apporter à l’économie numérique africaine et mondiale.

Alain Ducass
alain.ducass@energeTIC.fr
www.energeTIC.fr
Tel + 33(0)6 8546 1982


[1]https://www.visa-algerie.com/tourisme-lalgerie-vue-expatrie-francais/

[2]https://care.dz

[3] Une station de train est située à proximité mais il n’y a pas encore de route reliant cette station au parc technologique.

[4]www.inptic.edu.dz

[5]www.ito.dz

[6]www.cerist.dz

[7]https://www.mon-poeme.fr/les-plus-beaux-proverbes-arabes/

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