Elle se demande encore pourquoi le Togo ? A la tête de LSA Prod “Le Savoir est une Arme”, Lauretta Sanvee Adanlété entreprend, entres autres, dans le numérique et le digital. Sa société qui est aussi dans la communication, l’événementiel et la production (d’artistes) mise de plus en plus sur la production de contenus adaptés au contexte du digital et du numérique au Togo et d’ailleurs en Afrique. Son parcours, ses expériences d’entrepreneurs, mais aussi ses griefs ; elle les raconte à CIO Mag.
Lauretta Sanvee Adanlété est franco-togolaise. La trentaine, elle raconte avec passion et émotion son expérience. Au départ, Lauretta Sanvee Adanlété voulait être journaliste, grand reporter. Elle fait ses débuts dans l’information-communication, avec des études en histoire de l’Art, médiation culturelle, action communication. Dévorée par l’envie d’être polyvalente dans le secteur de la communication, le manager de LSA Prod avait à cœur de s’adapter à d’autres domaines de ce secteur.
Lorsqu’arrive le temps des recherches pour son master, elle décide de rentrer au Togo, à la grande surprise de sa famille qui vit toute à l’extérieur. Décidée, Lauretta descend à Lomé et fera son tout premier stage en dehors de l’hexagone dans une agence de communication. C’est le début d’une série de chocs qui vont marquer tout son parcours.
La difficile intégration…
Dans cette agence de communication où elle était en charge de la gestion éditoriale, de la maquette… pour relever le magazine de la boîte, rien ne s’est passé comme elle pouvait l’imaginer. « C’était un choc, un truc de fou », dit-elle, avec un air presque moqueur. Le temps a emporté les douleurs de ces moments difficiles. Après cette boîte, Lauretta fera le tour de plusieurs institutions internationales, mais à chaque fois avec le même choc. Ce qui l’aura le plus marqué, c’est son passage dans une société de télécommunication. A 23 ans, elle était alors la plus jeune cadre de la société. Celle qui s’ennuie vite et qui, perpétuellement, est en quête d’innovation a souvent vu ses propositions mises dans les tiroirs.
Salaire faible, manque de stratégie et de pédagogie…des freins pour l’entrepreneuriat dans le digital et le numérique
La jeunesse ! C’est pour Lauretta Sanvee Adanlété le premier frein à l’essor d’un réel écosystème du numérique au Togo. D’ailleurs, la réalité n’est pas propre à ce secteur, précise-t-elle. A LSA Prod qui constitue la régie Togo pour Canal Plus et d’autres chaînes de télés panafricaines, elle a rencontré des jeunes plutôt enclins à se faire ‘’star’’ que de retrousser les manches pour bosser, note-t-elle. « Ce n’est pas dès qu’on commence qu’on gagne de l’argent. Il faut prendre du temps, se faire connaître, prouver ses compétences…», lance-t-elle souvent à ses collaborateurs, nous a-t-elle confié.
Société de production sur les supports télé, internet et téléphones, LSA Prod est l’arme de Lauretta pour impacter, à sa manière, l’écosystème numérique au Togo. Comment y arriver dans un contexte où il existe encore pleins d’amalgames ?
L’‘’afropéenne‘’identifie un processus simple. « Définir une stratégie, créer du contenu et faire de la pédagogie. C’est la voie pour constituer un écosystème numérique et digital réel au Togo » ; et elle insiste : « La data base, la base de données, les gens ne constituent rien…».
Parlant de stratégie, elle admet qu’il est vrai que l’Afrique doit rattraper les autres continents plus développés en faisant tout au même moment. Mais, entreprendre dans le numérique et le digital demande d’aller étape par étape, de créer des contenus adaptés au besoin et au contexte d’ici, soutient la patronne de LSA Prod.
« Il faut faire les choses avec les réalités du terrain. Le numérique, les applications doivent être des appuis à des projets concrets », insiste Lauretta Sanvee. « A LSA Prod, je construis des stratégies à 360°, en incluant internet », ajoute la franco-togolaise, en attendant que les produits numériques et digitaux soient plus consommés. Au Togo par exemple, le SMS reste toujours un moyen de communiquer, pour atteindre une plus grande cible, ce qui n’est pas forcément le cas ailleurs. La remarque renforce l’analyse de cette entrepreneuse qui prêche pour une stratégie et des services adaptés au contexte togolais.
Côté pédagogie, Sa vision se traduira très prochainement par un projet qu’elle nomme “L’école togolaise du numérique”. Un modèle de formation sur mesure destinée à toutes les couches socioprofessionnelles. Là encore, Lauretta Sanvee Adanlété veut aller avec méthode en faisant des packages par cible.
Et lorsqu’on lui demande, comment ceux de la diaspora pourrait contribuer au renforcement des capacités au Togo et en Afrique de manière générale, Lauretta sourit et évoque la formation. « Il faut qu’ils amènent leur savoir-faire, ce qu’ils ont appris à l’extérieur pour le faire bénéficier à ceux qui n’ont pas les mêmes expériences ». Cependant, elle insiste sur les réseaux. Car, note-t-elle, « beaucoup n’ont pas de réseaux, et donc quand ils reviennent, ils ne savent où aller, ce qu’il faut faire et sont perdus ».
Rattraper le gap entre l’Afrique et les autres continents ! Celle qui a travaillé dans une société de télécommunication après des études en France n’a jamais digéré le coût élevé de la communication, d’internet au Togo et bien partout en Afrique. « Ce sont des choses pas possible », dit-elle visiblement agacée de voir les coûts de la communication freiner les entrepreneurs IT au Togo et en Afrique. Si l’écosystème tarde à prendre, pour elle, c’est donc à cause de cette inaccessibilité des moyens de communication. Pour le cas togolais, Lauretta Sanvee se refuse de se contenter de la 3G. C’est du has been (ndlr : du dépassé), dit-elle.
Malgré toutes cette instabilité qu’elle note dans l’environnement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) au Togo, dans le secteur du numérique et digital, Lauretta Sanvee Adanlete reste sereine et continue de nourrir pleins d’autres projets. Comment expliquer qu’elle, qui a toute les possibilités ailleurs notamment en France, ait décidé de venir s’installer au Togo où elle n’était même pas née? « Chaque jours j’y réfléchis et je me dis, je ne sais pas », conclut-elle.
Souleyman Tobias
Article paru dans CIO Mag N°47