La numérisation préventive pour la protection et restauration des biens culturels face à « un patrimoine exposé à la menace » est une récente exclusivité développée en Algérie par une équipe de recherche pluridisciplinaire relevant du Laboratoire d’architecture méditerranéenne (LAM) de l’université Ferhat-Abbas (Sétif 1). Hamza Zeghlache, l’un des promoteurs, a exposé les dessous de ce projet innovant à CIO MAG.
(CIO Mag) – Le patrimoine culturel est constamment exposé au danger. Entre les espaces publiques où sont accessibles et les catastrophes naturelles ou causées par l’homme comme les guerres, il importe de pouvoir le conserver ou de pouvoir le restituer après destruction. « Les hommes oublient plus facilement la mort d’un père que la perte d’un patrimoine », pensait Machiavel. Un vieux monument qui retrouve ses couleurs et sa structure d’origine : c’est en illustration ce que propose le groupe d’architectes algériens spécialisés dans la numérisation en 3D.
Afin d’éviter le malheur de se retrouver sans patrimoine ou avec des vestiges de ce qui d’antan a pu faire la fierté des individus, l’Algérien Hamza Zeghlache et ses compagnons ont su profiter des nouvelles technologies. C’est en effet en développant ce qui s’intitule « Expertise et restauration numérique des monuments et bien culturels ».
Il s’agit d’une méthode permettant d’obtenir une empreinte numérique préventive d’une œuvre afin de la conserver dans une base de donnés spécifique. Son exploitation pourra également servir à sa restauration en cas de destruction.
Composition
Le procédé se compose de deux techniques. La première se base sur un comparatif de nuages de points faisant ressortir par un spectre de couleurs, les parties détériorées, une technique de la mécanique de précision du Dr. F. Benali, membre associé de l’équipe. La seconde repose sur un comparatif de sections et consiste à faire ressortir les parties détériorées en profils de coupes (initiées par Dr. Alikhodja Nadir et M. Gueni Omar). Elle s’appuie également sur la découpe de la fusion des deux modèles en 3D et déduit les sections qui font ressortir les déformations opérées sur le modèle.
Les promoteurs emploient à cet effet une technologie de codification d’une importante précision de 3mm/50m. Pour le besoin, ils mobilisent des appareils de pointes. Entre autres, des ordinateurs spéciaux de grandes capacités allant de 3 à 4 Terras, soit des milliers de Gigas ainsi que qu’un scanner laser rare et d’une valeur d’environ 90 000 dollars. Ce dernier n’étant pas à la portée de tous nécessite au préalable une formation en photogrammétrie. Il a fallu environ 120 000 dollars pour donner la réalisation de cette innovation, entre formation et achat de matériel rapporte le promoteur.
Aujourd’hui, c’est en tant que prestataires de services auprès des municipalités et institutions nationales ou privées que l’équipe de travail retrouve ses fonds.
Le processus s’applique en effet sur les monuments historiques, les objets patrimoniaux, les œuvres d’art, ceux d’Ouvrage de génie civil et les Produits industriels.
Impacts
La méthode de conservation mise en place par le groupe de chercheurs algériens a déjà fait ses preuves. Elle est arrivée à point nommé pour résoudre un incident ayant récemment accablé la population algérienne : la vandalisation de la statue féminine de l’emblématique fontaine Ain El Fouara de Sétif (300 Km à l’est d’Alger).
Pour la petite histoire, un homme hystérique, selon les autorités algériennes, a défiguré la statue de la fontaine Ain El Fouara à l’aide d’un marteau. Ladite statuette, datant de l’époque coloniale, sculptée par le Français Francis de Saint-Vidal, pour les habitants de cette ville algérienne, y était installée depuis 1899. Apres l’arrestation du coupable, les autorités avaient annoncé la mobilisation des spécialistes pour déterminer l’étendue et la nature des dommages et adopter les normes de restauration appropriées. Lesdits spécialistes sont nuls autres que le groupe de promoteurs du processus de numérisation des biens culturels.
Lequel a permis de retrouver avec précision l’architecture de l’œuvre endommagée afin de guider les travaux du sculpteur qui la restaurera. Ainsi, bien plus qu’un musée digital cette méthode innovante est « salvatrice ».
« Elle vient dépasser les méthodes d’archivage manuel traditionnelles ; elle constitue à l’heure actuelle le premier acte de conservation de patrimoine ; elle a un impact social car les gens tiennent à leur patrimoine ; lequel constitue par ailleurs une source d’emploi dans le secteur touristique et voire économique », affirme le chercheur algérien.
Nécessité de digitaliser
Selon le promoteur Hamza, elle est précise, elle permet de gagner en temps, en espace, loin des méthodes traditionnelles où tout était manuscrit. Il pense qu’il est nécessaire de pouvoir profiter d’une ère du digital et des facilités qu’elle offre.
Aujourd’hui, il souhaite sensibiliser sur l’importance de la numérisation. Un exploit déjà accompli à Sétif où la destruction de la statuette s’est avérée être un mal pour un bien. Car ayant permis d’éveiller les consciences sur l’importance d’une telle technique de conservation des biens culturels.
Il voudrait que le pays entier en profite et même le monde. Il a également confié à la presse que les autorités algériennes ont beaucoup à gagner dans l’exploitation de cette innovation. Elles sauvegarderaient non seulement la souveraineté numérique du patrimoine mais aussi les fonds au lieu d’aller acheter en devises des prestations de service dans ce domaine à l’étranger.
« L’Etat doit investir dans la formation des étudiants et la généralisation de cette technique qui a été acquise par le transfert de technologie dans le cadre d’un partenariat algéro-sud-africain », a-t-il confié à un média local. C’est en tant que prestataire de service y compris la formation que ses compagnons veulent déporter cette solution unique dans le monde.
Aurore Bonny