Au centre, Redouane El Haloui, président de la Fédération africaine de la donnée et de la blockchain (FADB). Crédit photo : REH
Dans les couloirs d’un centre de conférence bourdonnant, les silhouettes des délégations défilent entre écrans géants, badges colorés et caméras braquées. Moscou accueille l’Alliance IA des BRICS, et l’ambiance a tout d’un moment charnière : celui où chaque bloc entend montrer qu’il pèse dans la prochaine révolution technologique.
Sous les projecteurs : l’énergie, nouveau nerf de la puissance numérique

Le ton a été donné dès l’ouverture. Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie, visiblement déterminé à projeter la Russie au cœur du jeu, rappelle que la bataille de l’IA ne se gagnera pas uniquement sur le terrain des algorithmes.
Dans la salle, un silence se fait lorsqu’il prononce les mots clés du jour: énergie, data centers, souveraineté.
« Le développement de l’IA impose un accès stable à des volumes massifs d’énergie. »
Le message est limpide : sans mégawatts, pas de méga-modèles. Et la Russie compte bien s’imposer comme une puissance d’infrastructures.
L’intervention qui secoue la salle : l’Afrique ne veut plus être spectatrice
Plus tard, une prise de parole attire particulièrement l’attention. Sur scène, Redouane El Haloui, président de la Fédération Africaine de la Donnée et de la Blockchain (FADB), s’adresse à une audience qui ne s’attend pas forcément à ce que le continent africain fixe un cap aussi clair.
Son entrée en matière est ciselée, presque provocatrice : « Digitalisation first. Data first. Il ne sert à rien de parler d’IA si la donnée n’existe pas. »
Dans les rangs, certains hochent la tête. D’autres prennent frénétiquement des notes.
Son message est simple : l’Afrique ne veut plus consommer l’innovation… elle veut la produire.
Il rappelle une réalité souvent minimisée : le continent ne possède qu’une fraction des infrastructures mondiales de calcul — moins de 200 data centers — alors que les États-Unis en cumulent plus de 6 000. Pourtant, l’Afrique avance, bâtit ses capacités, forme ses talents, et entend peser dans les nouvelles chaînes de valeur.

Dans les coulisses, les enjeux se croisent et se répondent
En marge des sessions, les conversations s’enchaînent. On parle compétition pour les GPU, traités d’interconnexion, souveraineté énergétique, dépendances numériques.
Des chercheurs chinois, des ingénieurs brésiliens, des experts sud-africains échangent autour d’un café brûlant ou d’un écran où tournent des démonstrations d’IA générative. L’une des constantes : tout le monde voit l’Afrique comme un pivot.
Liu Yanjing, du Shanghai AI Research Institute, le dit sans détour : « Sa jeunesse est un atout. L’Afrique doit être intégrée dans les chaînes de valeur mondiales de l’IA. »
Et du côté du Brésil, même constat. Reynaldo dos Santos parle d’un « destin parallèle » entre l’Amérique latine et l’Afrique : mêmes frustrations, mêmes défis, mêmes ambitions.
Une Afrique en mouvement : ce que la conférence a vraiment révélé
Derrière les discours, une trajectoire se dessine clairement :
- Reconstruire la base énergétique et numérique pour héberger des capacités massives de calcul.
- Créer des data centers souverains, adaptés aux réalités climatiques et économiques du continent.
- Former une génération de développeurs, data scientists et ingénieurs, prête à travailler selon ses propres standards.
- Passer du statut de “marché émergeant” à celui de partenaire technologique stratégique.
Finie l’époque où l’Afrique n’apparaissait dans les débats que pour évoquer le rattrapage.
Aujourd’hui, elle parle d’architecture, de normes, de codéveloppement.
Une nouvelle voix dans le concert des puissances
Lorsque la journée s’achève, les conversations continuent dans les couloirs.
Le sentiment qui domine : l’Afrique s’est installée dans la discussion — et n’a plus l’intention de la quitter.
Redouane El Haloui en a fait une formule qui pourrait bien devenir un slogan de politique numérique continentale :
« L’Afrique doit devenir un co-producteur de technologies, pas un simple utilisateur. »
À Moscou, entre ambitions énergétiques, batailles de GPU et visions multipolaires, une certitude s’impose: la carte mondiale de l’IA est en train de se redessiner. Et l’Afrique y trace désormais ses propres lignes.





