© Photo Camille Dubruelh / Cio Mag
Le MWC se déroulait du 27 février au 2 mars 2023 à Barcelone, en Espagne. Le plus grand salon mondial dédié à la connectivité et au mobile rassemblait cette année près de 75000 participants. Si l’Afrique reste peu visible, elle entend toutefois jouer un rôle dans cette révolution technologique, notamment grâce à la Fintech. Le continent prépare en tout cas l’arrivée de la 5G et se réjouit de la panoplie de champs d’applications de ces nouvelles technologies. Reportage.
(Cio Mag) – « Aujourd’hui, on compte 1 milliard d’abonnés 5G dans le monde, contre 700 millions l’an dernier et 200 millions il y a deux ans. La croissance est exponentielle ! » C’est plein d’enthousiasme que Adnane Ben Halima, vice-président en charge des relations publiques de Huawei Northern Africa, pose ce constat lors de la visite de l’immense village Huawei au Mobile World Congress de Barcelone. L’événement, qui s’est déroulé du 27 février au 2 mars, a permis à plus de 75000 personnes présentes sur place de découvrir les dernières innovations technologiques. Métaverse, cloud, robotique, devices derniers cris, solutions pour les professionnels et les particuliers, les amoureux de la tech ne savent plus où donner de la tête dans les halls du salon.
Au MWC, on ne parle plus seulement de 5G. Ici, la 5.5G et la 6G sont sur toutes les lèvres, avec la panoplie d’applications possibles, dans tous les secteurs. Des engins connectés pour travailler dans les mines aux containers automatisés dans les ports et aux usines robotisées côté entreprises ; jusqu’aux matchs de football en totale immersion pour les particuliers, les cas d’usage permis par les très hauts débits de connexion sont nombreux. Car si, avec la 5G, les besoins de connectivité sont de 1 gigabit par seconde, avec la 5.5 G, ils atteindront 10 gigabits par seconde. Et bien plus pour la 6G, attendue pour 2030. L’impact économique de cette révolution technologique est énorme. Gouvernements, entreprises et particuliers pourraient en bénéficier, si les prérequis sont là.
L’Afrique dans la course ?
Et à l’heure où la bataille technologique semble se jouer entre acteurs chinois et américains, comment se positionne l’Afrique ? Le continent est-il prêt à accéder à ces technologies de pointe ? Les acteurs du continent comptent en tout cas entrer dans la course. Preuve en est de la présence de nombreuses délégations africaines présentes au MWC. Si l’Afrique reste peu visible aux yeux du grand public, opérateurs, régulateurs et ministres en charge du numérique sont venus pour l’occasion, afin d’échanger avec leurs pairs, connaître les dernières innovations et faire avancer les discussions autour des points stratégiques.
« Nous devons nous préparer à toutes les révolutions. Car l’Afrique n’est pas un continent à part des révolutions numériques. Nous avons vu à quel point le numérique a un impact positif, lorsqu’il est bien conduit », explique Aurélie Adam Soulé Zoumarou, ministre du Numérique et de la Digitalisation du Bénin. Quant à savoir si l’Afrique peut déjà penser 5G, alors même que la 3G et la 4G ne sont pas encore déployées sur l’ensemble des territoires, la représentante béninoise est claire : « Nous pensons à ce que la 5G peut nous apporter de plus. Il ne s’agit pas de la technologie pour la technologie mais de répondre à des problématiques réelles. Nous avons par exemple des problèmes de bande passante, que la 5G peut résoudre. Pour la 6G, nous avons le temps de voir venir les choses mais nous pouvons déjà observer les cas d’usage pour s’y préparer », assure encore la ministre.
Un point de vue partagé par Adnane Ben Halima. « 2023 sera l’année de l’arrivée de plusieurs réseaux 5G en Afrique. Les équipements sont prêts, car ceux déployés pour la 4G sont compatibles avec les softwares 5G. Il manque juste la licence des gouvernements. D’un autre côté, il est indispensable de rendre les devices compatibles 5G accessibles en termes de coûts et que les opérateurs proposent des prix intéressants. » Sur ce dernier point, l’expert se veut rassurant. « Le prix des équipements baisse par l’effet amortissement. En Afrique, les terminaux sont disponibles deux à trois ans après le reste du monde donc ils peuvent être abordables. »
Plus de data, plus de menaces cyber
La 5G et la 6G, ce sont en tout cas beaucoup plus de données. Et qui dit plus de data, dit aussi davantage de menaces. Le travail de sensibilisation est donc plus que jamais d’actualité. « Le déploiement de la 5G n’aura pas une incidence directe sur l’accroissement des menaces cyber. Mais plus de connectivité, c’est plus de personnes connectées, ce qui renforce la surface d’attaque et la population touchée par les cybercriminels », assure Franck Kié, fondateur du Cyber Africa Forum, qui aura lieu les 24 et 25 avril à Abidjan, présent au MWC.
« Il faut de la sensibilisation pour pouvoir se protéger face aux menaces qui augmentent. Car en ce qui concerne les cyberattaques, nous ne sommes plus dans un discours de prospective, la menace est réelle », poursuit-il. Le salon est donc l’occasion pour lui d’échanger avec les différents acteurs du numérique et de se tenir informé des dernières tendances internationales.
Les Fintechs, l’ADN africain
Ces tendances sont majoritairement portées par les entreprises asiatiques et américaines. Si à peine une vingtaine de startups africaines sont présentes sur le salon, la grande majorité œuvre dans la Fintech et le mobile money et entend porter la voix de l’Afrique à travers cette technologie. Car le continent est bien le berceau du mobile money, une solution inventée pour répondre à des problématiques de bancarisation dans les pays africains. A commencer par le Kenya, où l’aventure a démarré avec l’application MPesa, lancée en 2007 par Safaricom pour faciliter les paiements et transferts d’argent par téléphone mobile.
Dans le sillage de MPesa, des centaines d’autres se sont lancées et, fortes de leur succès, sont aujourd’hui présentes au MWC. C’est le cas par exemple de la startup sénégalaise LAfricaMobile, qui opère dans huit pays d’Afrique de l’Ouest, ou de l’Ougandaise ChapChap, qui œuvre pour amener l’inclusion financière jusqu’au dernier kilomètre, venue sur le salon à la recherche de clients potentiels et de partenaires. La Béninoise FedaPay, qui propose des services de paiement mobile, est également présente pour donner de la visibilité à ses services.
Ces Fintechs sont accompagnées par l’International Trade Center, une agence conjointe de l’ONU et de l’Organisation mondiale du Commerce. « La vraie plus-value est d’amener des entreprises qui travaillent directement avec les opérateurs télécoms. Nous les sélectionnons sur leur motivation et leur maturité, celles qui sont prêtes pour étendre leurs services et activités. Le MWC leur permet de générer de nouveaux partenariats et ainsi des revenus », explique Haïfa Ben Salem, en charge du développement Tech Afrique à l’ITC. « Les Fintechs et le Mobile Money sont aujourd’hui ce qui permet de positionner l’Afrique comme un atout tech », ajoute-elle.
Révolution technologique et défi de la connectivité
Si ces Fintech ont rencontré un tel succès, c’est parce qu’elles répondaient à des besoins concrets des populations en Afrique. Aujourd’hui, les applications technologiques qui peuvent permettre d’avancer sur des problématiques propres aux pays africains sont innombrables, de la santé à l’environnement en passant par l’éducation. Mais en 2023, l’accès à la connectivité reste un défi en Afrique.
« Le principal message est que la technologie est là, c’est ce que nous voyons au MWC, et ceci est facteur de progrès. Mais de nombreux utilisateurs ne se sont toujours pas connectés. Aujourd’hui, 2,7 milliards de personnes n’ont pas accès à cette connectivité. Nous devons donc trouver un moyen de rendre ces technologies abordables et développer les compétences technologiques », assure le Dr. Cosmas Zavazava, directeur du Bureau de développement des télécommunications de l’Union internationale des télécommunications (UIT).
Au-delà de la connectivité pure, plus qu’ailleurs, sur le continent, la problématique concerne le « gap d’usage », c’est-à-dire les endroits couverts par la connectivité, mais où peu de personnes utilisent les services mobiles. « C’est ce qui nous préoccupe en tant que dirigeants. Car les opérateurs ont consenti des investissements et l’État a mis à disposition des ressources rares (les fréquences). Mais nous avons un problème de retour sur investissement », déplore Aurélie Adam Soulé Zoumarou. Ce gap d’usage en Afrique est au-dessus de la moyenne mondiale, il est de 60% contre 40% pour le reste du monde, et il ne se réduit pas. « L’un des facteurs qui explique ce gap est le coût du service. Les modèles de financement doivent changer. Le problème réside aussi dans les terminaux, qui correspondent à des réseaux 3G et 4G. Nous essayons de trouver des modèles pour permettre aux populations d’avoir des terminaux adéquats », conclut la ministre.
Renforcer les usages, pour permettre aux populations d’être mieux connectées et d’accéder enfin à toutes les avancées permises par l’ensemble des nouvelles technologies, dans tous les secteurs. Ce, pour améliorer le bien-être de tous. C’est sans aucun doute l’un des défis à résoudre, pour permettre à l’Afrique d’entrer de pleins pieds dans la révolution mobile.