Ingénieur réseau, spécialiste en cybersécurité et responsable du département informatique du ministère de la Santé et de l’action sociale du Sénégal, Ngor Diouf a effectué un séjour en Chine au cours duquel il a fait beaucoup de benchmarking. Dans cet entretien, il revient sur les défis de la digitalisation du système sanitaire au Sénégal et de la contribution que pourrait apporter Huawei.
Cio Mag : Quel est l’objet de votre visite ?
Ngor Diouf : Comme vous le constatez, nous avons pu découvrir pas mal de technologies et d’opportunités que notre système de santé peut exploiter surtout dans le domaine du Hi-tech, à savoir la télémédecine et le dossier patient partagé. Ce sont les deux aspects sur lesquels nous voulons mettre l’accent : l’énergie et le stockage de données.
Pour le moment, nous sommes très en avance sur le dossier patient partagé.
Il permet d’avoir la carte médicale unifiée et par la même occasion, de mettre en place des systèmes de téléconsultation pour suivre à distance des patients qui ne bénéficient malheureusement pas de spécialistes dans leur localité désignée.
Au Sénégal, nous sommes confrontés à ce soucis de multiplicité de plateformes. Chaque hôpital ou structure essaye de créer sa propre plateforme pour gérer ses patients. L’idéal c’est de gérer tout ça et le rendre plus uniforme et homogène. Nous comptons vraiment sur Huawei pour mettre en place ce dispositif avec notamment la solution IdeaHub. Ils nous ont fait une présentation qui nous a permis de voir que c’est un équipement de dernière génération qui présente toutes les qualités requises pour nous permettre de pouvoir gérer le patient de manière optimale.
Quels sont les défis à relever pour y arriver ?
Il y a d’abord la phase de déploiement et de renforcement de la connexion internet. C’est un problème fondamental, qui est indispensable déjà pour la mise en place de ce dispositif et auquel on est vraiment en train de réfléchir. Heureusement, nous comptons sur des partenaires comme la Banque mondiale qui a accepté de nous accompagner dans ce processus en nous permettant au moins de gérer l’intranet gouvernemental. Un montant de 50 millions de dollars a été dégagé. A terme, avec le concours de Senum, nous pourrons avoir ce maillage national et pouvoir maintenant suivre le malade partout où il sera au Sénégal.
A quoi est destiné le financement de la Banque mondiale ?
Il y a d’abord la phase intranet gouvernemental, la formation pour la capacitation du personnel de santé pour les aider à s’améliorer dans la prise en charge des malades. Il y a aussi le volet qui concerne l’acquisition des équipements de dernière génération, de même que pour la fibre optique. Normalement ça ne devrait pas dépasser cette fin d’année.
Actuellement, ce sont les procédures administratives qui traînent.
Nous sommes donc obligés de retarder un peu l’échéance et ça joue sur le deadline qu’on s’était fixé. Mais à partir du mois prochain, les travaux devaient démarrer.
Quels sont les objectifs à terme ?
Ce que nous voulons, c’est vraiment la digitalisation intégrale du système. L’objectif, en plus de l’écran et de la consultation, c’est de pouvoir intégrer les objets connectés médicaux. C’est-à-dire les stéthoscopes, les électrocardiogrammes, les échographies. Il s’agit de faire en sorte que les objets connectés soient visibles par le médecin où qu’il puisse se trouver ; que le cardiologue de Dakar puisse faire l’analyse adéquate à travers les équipements qui seront connectés et en temps réel ; que les résultats puissent être chargés avec même la possibilité de prescrire une ordonnance, à partir de son interface.
Nous avons d’ailleurs un dispositif avec les Espaces numériques ouverts (Eno), mis en place par le ministère de l’Enseignement supérieur qui avait proposé l’université virtuelle, réservant un espace qui devait servir à ça justement.
Le personnel soignant a-t-il suffisamment de bagages pour migrer vers cette révolution numérique ?
Cela a toujours été un problème au niveau de nos structures. Nous avons un personnel qui est très ancré à ces vieilles méthodes. Ce qui fait que souvent quand on parle de nouvelles technologies, ils ont une certaine crainte liée sans doute à la perte de l’emploi. Ils se disent que si la machine remplace l’homme, ils iront au chômage et ce n’est pas ce qu’ils souhaitent.
Il y a aussi des personnes qui sont presque proches de la retraite qui ne connaissent pas en fait l’utilité ou qui ne peuvent pas utiliser l’informatique et ne veulent pas de ça. Ça les met déjà à la retraite au profit des jeunes qui vont venir.
L’idéal serait d’avoir un système qui nous permettra peut-être même de faire plus tard des interventions chirurgicales à distance. C’est de ce type d’innovation que nous avons besoin d’autant plus que le personnel de santé ne suffit pas pour couvrir l’ensemble des localités du pays.
D’où la pertinence d’un partenariat avec Huawei ?
Huawei est la bienvenue. Ils viennent proposer des solutions à des problèmes que nous avons depuis longtemps et qui peuvent nous permettre d’améliorer la prise en charge du citoyen sénégalais. L’objectif c’est justement de pouvoir acquérir, en plus des écrans, le côté énergétique.
Nous voulons aussi pouvoir gérer l’infrastructure réseau pour que la connexion ne soit plus interrompue du fait de la vétusté des équipements ou bien de la non-adaptation de certains appareils qu’on branche un peu partout dans les bâtiments. Donc, l’idéal c’est vraiment d’avoir un système homogène qui répondra aux attentes du personnel de santé pour vraiment mener à bien leurs tâches et qui bénéficie in fine à la population sénégalaise.