Huawei est un acteur majeur de la transformation digitale de l’Afrique. Dans cette interview, Colin Hu, Président Entreprise et Cloud pour Huawei Northern Africa, souligne l’importance de développer l’économie intelligente pour répondre aux défis futurs et libérer le plein potentiel économique du continent. En outre, il évoque les initiatives ambitieuses de Huawei visant à accélérer le développement de la région par la construction d’infrastructures de nouvelle génération et l’adoption de technologies clés telles que l’IA et le cloud.
Cio Mag : Comment définissez-vous l’économie intelligente et en quoi diffère-t-elle de l’économie numérique traditionnelle ?
Colin Hu : Chaque avancée technologique et industrielle au cours de l’histoire humaine a entraîné une transformation économique et une réinvention de notre quotidien. L’économie intelligente, qui repose sur le développement de l’économie numérique, s’appuie sur les données, la puissance de calcul, les algorithmes, les réseaux de calcul et les énergies renouvelables. Cette nouvelle forme d’économie émerge et se développe grâce à l’intégration approfondie des technologies intelligentes, telles que l’intelligence artificielle (IA), l’Internet des objets (IoT) et le Big data, dans l’économie réelle. Elle vise à révolutionner nos modes de production et de vie, en améliorant la productivité et le bien-être social, tout en ouvrant la voie à une nouvelle phase de croissance économique rapide qui propulsera l’humanité vers une société intelligente.
Aujourd’hui, l’Afrique est en plein essor dans le domaine de l’économie numérique, avec un dynamisme remarquable dans les secteurs de la Fintech et du e-commerce, sans oublier les industries émergentes comme le transport numérique et l’agriculture numérique. Cette économie numérique s’impose comme un moteur central du développement économique africain. L’émergence de l’économie intelligente viendra accélérer davantage cette dynamique : pour accélérer le développement du continent, il est essentiel d’aller au-delà de la simple digitalisation et de bâtir des systèmes intelligents qui répondent aux besoins futurs.
Quels sont les principaux avantages que vous observez dans la transition vers une économie intelligente grâce à l’IA et au Big Data ?
C. H. : L’économie intelligente entraînera une transformation significative de notre société et de notre économie dans six grands domaines : les procédés de production, les modes de travail et de vie, la gouvernance sociale, la culture et les enjeux de sécurité. En ciblant des secteurs et contextes spécifiques, de nombreuses entreprises technologiques accélèrent l’intégration rapide des technologies intelligentes dans les industries, offrant ainsi de nouveaux produits, services et solutions adaptés. Cela ouvre la voie à de larges scénarios d’applications « Intelligent + ».
En Afrique, Huawei est résolu à collaborer avec tous les acteurs pour « Accélérer l’Intelligence pour une nouvelle Afrique ». Cette vision s’articule autour de trois initiatives clés. Tout d’abord, accélérer l’intelligence pour l’inclusion. Cette initiative vise à améliorer la qualité de vie des populations et à renforcer l’éducation ainsi que la santé dans tous les pays du continent grâce aux technologies intelligentes. Actuellement, près de 20 % des enfants en Afrique ne sont pas scolarisés, et le taux d’abandon scolaire au lycée atteint 53 %. Des pays comme l’Égypte, l’Éthiopie et la Côte d’Ivoire s’efforcent d’accroître rapidement les taux de scolarisation en adoptant des solutions éducatives basées sur l’intelligence artificielle. De plus, en matière de santé, l’Afrique ne compte que 1,5 médecin pour 1 000 habitants, alors que l’OMS recommande un minimum de 4,5 médecins par 1 000 personnes.
Grâce aux diagnostics assistés par l’IA et à la télémédecine, il est possible de remédier au manque de ressources médicales, contribuant ainsi à l’amélioration de la santé des populations.
Autre initiative clé : accélérer l’intelligence pour la gouvernance. L’objectif étant d’optimiser la gestion des gouvernements à l’aide de technologies intelligentes, renforçant ainsi l’attractivité du climat des affaires en Afrique. Par exemple, dans le secteur des transports, le nombre de décès dus aux accidents de la route en Afrique est nettement plus élevé qu’en Chine et en Europe, et les taux de congestion dans les grandes villes dépassent les 50 %. Les technologies d’IA peuvent être mises à profit pour améliorer la sécurité routière en milieu urbain, contribuant ainsi à réduire efficacement les embouteillages et les accidents. Autre exemple : les recettes fiscales en Afrique ne représentent en moyenne que 16 % du PIB, soit à peine la moitié de celles des pays développés. L’IA et le Big data peuvent donc aider à augmenter les revenus des gouvernements et à surveiller les risques économiques.
Enfin, accélérer l’intelligence pour l’économie. On estime que l’adoption généralisée de l’IA pourrait générer jusqu’à 1 200 milliards de dollars en Afrique d’ici à 2030, représentant une augmentation de 5,6 % du PIB du continent. Les industries compétitives en Afrique peuvent bénéficier des technologies intelligentes pour améliorer leur efficacité et leur productivité. Dans le secteur agricole, 80 % des pays africains sont confrontés à des risques d’approvisionnement alimentaire.
Les technologies d’IA, de télédétection et de l’IoT offrent une gestion optimisée des actifs agricoles, et permettent d’anticiper les risques liés aux plantations, notamment face aux catastrophes naturelles liées au climat. Elles permettent également une approche scientifique, qui réduit la vulnérabilité de la production alimentaire face aux variations climatiques. Autre exemple, dans le secteur pétrolier et gazier, les technologies d’IA rationalisent l’exploration et la production, augmentant l’efficacité et la précision de l’analyse des données, tout en accélérant la croissance des réserves et de la production.
Quelles compétences seront nécessaires pour les travailleurs dans une économie de plus en plus axée sur l’IA et le Big Data ?
C. H. : L’Afrique abrite la population la plus jeune et à la croissance la plus rapide au monde, avec 60 % de ses habitants âgés de moins de 25 ans. Cette dynamique représente un atout majeur pour le développement de l’économie intelligente sur le continent. Ouverte à l’innovation, cette jeunesse adopte avec enthousiasme les technologies intelligentes, générant ainsi une vaste quantité de données, devenue le “nouveau pétrole” de l’ère de l’intelligence.
L’économie intelligente se définit comme un modèle intégré qui s’appuie sur l’interdisciplinarité, la synergie entre divers secteurs et l’intégration de multiples technologies. Elle nécessite des talents aux compétences multiples et polyvalentes, conjuguant expertise en gestion, technologies et pratiques commerciales. Les technologies de pointe, comme le cloud, l’IA et le Big data, deviennent ainsi indispensables pour les acteurs de cette nouvelle économie.
L’acquisition de ces compétences est d’autant plus urgente que, selon les Nations Unies, un Africain sur quatre ne dispose d’aucune formation en IA.
Dans ce contexte, Huawei s’engage à être un acteur majeur de la formation des talents pour l’économie intelligente en Afrique. Par le biais de notre programme ICT Academy, nous collaborons avec des universités locales pour dispenser des formations en IA et en Big data aux étudiants. Nous avons également lancé le Huawei Developer Competition Northern Africa, un concours annuel conçu pour promouvoir l’adoption de technologies cloud et IA, tout en développant un écosystème de talents locaux et en renforçant leurs compétences dans ces domaines. Il a également pour objectif de favoriser l’émergence d’applications et de solutions innovantes adaptées aux besoins locaux, et d’accélérer l’innovation technologique basée sur le cloud et l’IA.
A l’heure du passage progressif du continent à une économie dite intelligente, quels sont les défis que peuvent rencontrer les entreprises ?
C. H. : L’économie intelligente aura un impact profond sur le développement de l’Afrique, apportant à la fois des opportunités et des défis. Les infrastructures, en particulier celles de calcul et de réseaux, constituent un pilier essentiel pour soutenir l’essor de l’économie intelligente en Afrique. A travers le continent, des initiatives de « nouvelle infrastructure » voient le jour pour encourager et favoriser la numérisation et l’intelligence, avec notamment la mise en place de centres de données nationaux dans le cloud, de plateformes d’intelligence artificielle, de réseaux backbone nationaux, ou encore de sources d’énergie verte. Ces nouvelles infrastructures poseront ainsi les fondations indispensables pour le développement de l’économie intelligente en Afrique.
La convergence des technologies intelligentes et des industries est également cruciale pour générer de nouvelles sources de valeur pour l’économie. Un nombre croissant d’entreprises et d’organisations adoptent les technologies intelligentes pour développer des applications répondant aux besoins spécifiques de leurs secteurs. Ces innovations se déploient rapidement dans de nombreux domaines tels que le transport, la finance, le commerce de détail, la fabrication, l’énergie, l’éducation, la santé et l’agriculture, offrant des produits, services et solutions différenciés. Elles créent ainsi une grande diversité de scénarios d’applications intelligentes et génèrent une forte valeur ajoutée. Enfin, un écosystème solide est indispensable pour accélérer le développement de l’économie intelligente.
À l’avenir, les pays africains devront construire un « nouvel écosystème » axé sur les talents et entreprises locales, afin de stimuler la croissance de l’économie intelligente et de tirer pleinement parti du potentiel de l’économie numérique au niveau local.
Comment voyez-vous le développement de l’IA et du cloud dans les prochaines années en Afrique ?
C. H. : Avec l’accélération du développement de l’économie intelligente, les perspectives de l’intelligence artificielle et du cloud en Afrique sont prometteuses, offrant un potentiel de transformation significatif pour la croissance économique du continent. L’intelligence artificielle suscite en effet un intérêt croissant à l’échelle du continent, comme en témoigne la publication, en juillet dernier, par l’Union africaine, de sa stratégie continentale dédiée à l’IA. Cette initiative marque une prise de conscience collective des opportunités et des défis liés à cette technologie de pointe et envoie avant tout un signal fort: l’Afrique ne souhaite pas seulement adopter et tirer parti des technologies de demain, mais aussi jouer un rôle actif dans leur développement.
Huawei s’engage pleinement à promouvoir le développement numérique et intelligent de l’Afrique et à stimuler la croissance de l’économie intelligente sur le continent. Ainsi, en mai 2024, Huawei a officiellement déployé un cloud en Égypte, créant une nouvelle région de cloud public pour l’Afrique et établissant un nouveau hub d’innovation en technologies cloud et IA dans la région. Cela contribuera à promouvoir davantage le développement de ces technologies innovantes au niveau régional.
Avec notre initiative « Accélérer l’Intelligence pour une nouvelle Afrique », nous visons à jouer un rôle actif dans la construction d’infrastructures de nouvelle génération, en mettant l’accent sur le cloud et les technologies d’IA avancées. Ensemble, nous contribuerons à créer un nouvel écosystème ouvert qui apportera une valeur ajoutée au développement économique africain, en relevant les défis futurs et en libérant le plein potentiel économique du continent. Notre vision est d’apporter le numérique à chaque personne, chaque foyer et chaque organisation, afin de construire une Afrique plus intelligente et connectée.