Olivier Kouete, Directeur général et cofondateur de la fintech BFT
Lomé, la capitale togolaise abrite du 16 au 20 octobre, la 6ème édition de la Semaine Africaine de la Microfinance (SAM). Plateforme d’échanges sur le développement socio-économique par la finance inclusive, SAM est surtout le rendez-vous donné aux différents acteurs des solutions financières pour se parler entre eux. Les fintechs, maillon essentiel de l’inclusion financière, sont présentes à Lomé pour l’occasion. Rencontre avec Banking & Financial Technologies (BFT), une fintech panafricaine qui dresse pour Cio Mag, le panorama des difficultés des innovateurs dans la finance digitale.
(Cio Mag) – Le Centre international des Conférences (CIC) de Lomé est bondé de monde depuis lundi 16 octobre. Plus de 1000 acteurs des services financiers venus d’une soixantaine de pays sont à Lomé pour discuter des défis « vers une finance inclusive et durable. » C’est donc la capitale togolaise qui accueille cette 6ème rencontre qu’organise l’ONG luxembourgeoise Appui au développement autonome (ADA), avec la participation du gouvernement togolais. Ce dernier a d’ailleurs fait de l’inclusion financière un outil de lutte contre l’extrême pauvreté des populations vulnérables.
Pour rendre plus innovants les services financiers sur le continent, les fintechs sont des avant-gardistes de la transformation de ces services. Pour la SAM 2023, tout comme Banking & Financial Technologies (BFT), fintech panafricaine, elles sont présentes pour faire entendre leur voix.
Cette voix, c’est Olivier Kouete, Directeur général et cofondateur de BFT qui la fait entendre à Cio Mag. Cet ingénieur en télécommunications formé en Allemagne et aux Etats-Unis a opté, avec son cofondateur Amos Avoce, revenir sur le continent pour offrir « des technologies de qualités, sécurisées et innovantes au secteur financier en accroissant l’autonomie financières de la population africaine grâce à des solutions adaptées aux besoins des africains », explique-t-il. Ce choix est loin d’être un parcours aisé. Sa fintech, comme plusieurs autres sur le continent, ont des défis à relever. Ces difficultés sont à surmonter avec l’ensemble des acteurs du secteur.
Une guerre de positionnement contreproductive
D’abord, Olivier Kouete insiste ! « Les fintech ne sont pas des concurrents des banques ou des microfinances. Au contraire, elles participent à une éducation financière qui, au bout du compte, permet aux populations exclues des mécanismes conventionnels de s’inclure dans les services financiers », soutient le DG de BFT. Et d’ajouter que ces cibles, une fois un degré d’autonomie financière atteint, deviennent des clients des microfinances et des banques. « Nous devons donc travailler ensemble », argumente Olivier Kouete. Le cofondateur de BFT rappelle que sa fintech « propose aux institutions financières et entités gouvernementales un écosystème qui leur permet de dématérialiser leur process, tout en tenant compte du contexte socioculturel et infrastructurel en Afrique. » C’est pourquoi BFT propose de digitaliser les services financiers axés sur la mobilité, dans un contexte africain où persiste le manque de réseau, d’énergie électrique etc…De la collecte au traitement des informations financières, en passant par le crédit, BFT permet aujourd’hui aux microfinances d’aller vers les clients au kilomètre zéro.
Partenaire des plus grands réseaux de microfinances en Afrique de l’Ouest ; la FUCEC au Togo, la FECECAM au Bénin, la FCBB au Burkina Faso, le PAMECAS au Sénégal et de plusieurs autres institutions financières ; BFT a déjà traité plus de 150 milliards d’épargnes, tous clients confondus sur ses plateformes. Et pourtant, elle n’est pas sortie de l’auberge…
L’autre défi des fintechs partagé par l’entreprise d’Olivier Kouete, c’est la régulation. Sur ce point, il interpelle les régulateurs pour « adopter des mesures adaptées au secteur de l’innovation financière. » L’ingénieur en génie électrique et télécommunications confie avoir toujours en instruction une demande d’émission de monnaie électronique auprès de la BCEAO depuis quatre ans. Une lourdeur et rigidité qui ne stimule pas l’innovation, martèle-t-il. « Les banques, les fintechs, les microfinances et les régulateurs devraient travailler en synergie pour impulser un peu plus l’inclusion financière », recommande-t-il. Il souhaite voir les fintechs être intégrées dans les instances de régulation. Aussi, estime qu’une régulation venant des banques centrales permettra de rassurer tous les acteurs.
Le financement, l’autre barrière
A Lomé, Olivier Kouelete est aussi porteur d’un autre message. Le financement de l’innovation elle-même. Et pour cause, les fintechs africaines ont besoin d’être soutenues. « En Europe, il est plus facile pour une fintech de lever des fonds avec un simple pitch. Or sur le continent, même en prouvant leur capacités à délivrer des solutions innovantes, elles peinent à mobiliser les fonds. Or, « l’Afrique est un gros marché à conquérir », fait remarquer le cofondateur de BFT. « Si nous n’avons pas le financement qu’il faut, nous ne pouvons pas aller de l’avant », ajoute-il. Et pour finir, le patron de BFT évoque la cybersécurité. Cible permanente des pirates informatiques, les fintechs ont besoin de faire une veille permanente sur leurs infrastructures. Pour sécuriser leurs réseaux, données et transactions, ces entreprises engagées dans les technologies financières ont là encore besoin d’énormes ressources. D’où des contraintes financières, de la connectivité, de l’hébergement des données sensibles dans des datacenters ultra protégées etc…Pour Olivier Kouete, aider les fintechs africaines à devenir des champions, c’est contribuer à accélérer l’inclusion financière et donc l’atteinte des objectifs durables de développement (ODD). Il finit sur une notre positive : « l’Afrique n’est pas en marge de l’évolution des fintechs. »
A l’ouverture officielle de ces rencontres mardi à Lomé, la ministre togolaise auprès du Président de la République, chargée de l’inclusion financière et du secteur informel, Massamaesso Assih a déclaré : « il est question de s’interroger sur l’efficacité de la stratégie du faire-faire, l’accroissement et la diversification des produits et des services adaptés aux besoins en milieu surtout rural… » Et justement, les fintechs sont, dans la chaîne des services financiers, le maillon de l’innovation qui accélèrent la diversification et qui offrent des outils d’inclusion financière aux couches exclues des systèmes classiques de financements.