Une semaine de l’intelligence artificielle se déroule à Lomé, du 4 au 8 juin. C’est une première au Togo où des experts de l’IA, décideurs et entrepreneurs se rencontrent dans la capitale togolaise pour dresser l’état des lieux des opportunités et des enjeux sociétaux de l’IA au Togo et en Afrique.
(Cio mag) – La Semaine de l’intelligence artificielle (SIA), ce sont cinq jours d’immersion dans le monde de l’IA. Elle est initiée par le Conseil international de l’intelligence artificielle (CONIIA) et Human AI. Des experts, chercheurs et gouvernants sont réunis à Lomé pour débattre de ces nouvelles technologies d’actualité.
A Lomé, les experts sont appelés démystifier les technologies liées à l’IA, à mettre en exergue ses atouts et à proposer des pistes pour réguler son développement, « pour rassurer.» Pour les organisateurs, il s’agit de mettre l’IA au cœur du développement de l’humain. Jérôme Ribeiro, président fondateur de Human AI, a souhaité que cette semaine aide la jeunesse notamment à mieux comprendre l’importance de l’IA. Pour sa part, Dr Malik Morris Mouzou, président du CONIIA a fait comprendre que l’IA est « une opportunité unique pour relever des défis pressants auxquels nous sommes confrontés, dans la santé, la sécurité, l’agriculture etc… » « Ensemble nous pouvons façonner l’avenir de l’intelligence artificielle au service de chaque africain, dans un monde augmenté », a ajouté Dr Mouzou.
Ethique et gouvernance
L’engouement que suscite l’IA induit aussi des questionnements. Le premier panel de la SIA s’est penché donc sur la problématique de l’éthique et de la gouvernance. Sous la modération du Dr Mouzou, les intervenants ont ressorti la nécessité de développer une IA respectueuse de l’homme. Laurence Ndong, ministre des nouvelles technologies de l’information et de la communication, porte-parole du gouvernement gabonais a appelé à « construire une gouvernance impliquant différents secteurs. » Selon elle, il faut aborder la gouvernance de l’IA de manière transversale tout comme les technologies IA elles-mêmes. Et d’ajouter : « derrière une IA, il faut une responsabilité bien établie et identifiée », argumentant que l’IA n’est pas de l’abstrait. La ministre gabonaise recommande « une stratégie régionale et africaine pour faire face aux géants. »
Cet avis est partagé par le Congo. Son ministre délégué auprès du premier Ministre, chargé de la réforme de l’Etat, Luc Joseph Okio a soutenu que la question fait l’objet d’une préoccupation gouvernementale de son pays. Elle est au cœur du plan de développement et de la réforme de l’Etat, avec la mise en place de services digitalisés. Comme le Gabon, Luc Joseph Okio a plaidé pour « une IA respectueuse des droits de l’homme. »
L’universitaire sénégalais, Seydina Moussa Ndiaye a fait remarquer « que l’éthique doit aussi être transversale, de la création des modèles à l’utilisation, en passant par le déploiement. » De même, il encourage la construction d’IA adaptées aux réalités africaines, des IA qui répondent aux enjeux du continent. Pour Dr Ndiaye, cela implique la formation de compétences nationales.
L’experte en innovation deep tech, Dr Olivia Breysse estime, avec le regard européen, qu’il faut encourager la transparence. Elle a appelé à faire attention aux biais véhiculés depuis les données qui servent à alimenter les algorithmes. Une transparence qui implique la responsabilité.
Régulation
Le but, « créer la confiance », soutient le ministre Laurence Ndong du Gabon, revenue dans le second panel du jour 1. Occasion pour elle d’insister de nouveau que « l’IA ne saurait être abstraite ou dépassée l’homme. » Elle a interpellé les pouvoirs publics qui ont la capacité de définir les orientations nécessaires. « Il faut que chaque pays réalise l’enjeu derrière l’IA », a-t-elle martelé. Et de soutenir « qu’il faut être pragmatique, sortir du superficiel… »
Modéré par Mohamdou Diallo, DG de Cio mag, ce panel a aussi ressorti la complexité de la régulation des technologies IA. Un point soulevé par Missidimbazi, conseiller du premier Ministre du Congo. De quoi amener Jean-Pierre La Hausse De Lalouviere, président eFutura à étudier la marche à suivre entre la priorité pour le business, la souveraineté ou l’humain. Le président de eFutura insiste sur la nécessité de définir le type de société que l’on souhaite construire avec l’aide de l’IA.
La régulation impliquerait ainsi l’éducation. Dr Peter Martey Addo, responsable du laboratoire des technologies émergentes à l’AFD insiste sur ce point. Il invite à un débat et une réflexion poussée qui permettront de trouver des consensus de régulation. Pour ce faire, il préconise « une éducation pour tous », une dynamique en cours à l’AFD. La Directrice des Sciences humaines et sociales, représentante du Directeur général de l’Organisation du monde islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (ICESCO) partage fortement l’idée de mettre l’humain au centre des débats. Dr Ramata Almamy Mbaye estime que « l’IA est une opportunité et parler de l’IA, c’est dialoguer. » Dr Mbaye soutient « qu’il faut penser à agir sur les comportements, la manière de penser. » La régulation de l’IA passe par l’intégration de l’IA comme élément, outil de mise en œuvre de nos politiques publiques, fait-elle savoir. En recommandation, Dr Ramata Almamy Mbaye propose de « revisiter les chartes existantes, de s’arrêter et repenser le modèle dont on a besoin. » Pour dire que « l’IA ne sera que ce que nous voulons en faire.»
Le démarrage des travaux de la Semaine de l’Intelligence artificielle annonce cinq jours de riches débats. Tous sont optimistes comme Luc Missidimbazi qui soutient : « en dix ans, l’Afrique a construit le bagage technologique qui nous permet aujourd’hui de parler de l’IA. » Le tout reste à définir ce qu’il faut réguler et qui doit le faire. De sortir du superficiel, de mettre en place des stratégies qui répondent aux modèles de sociétés dont aspirent les pays, le continent.