Maureen Agena : l’E-égalité et l’agriculture numérique pour tous

Titulaire d’une Licence en Informatique et d’un Master en Systèmes d’information et communication pour le développement, Maureen Agena est une consultante ougandaise qui mobilise sa voix, sa plume et son expertise au service du numérique pour l’agriculture et l’égalité d’ accès des femmes dans ce secteur qui la passionne.

“Voir davantage de femmes embrasser la technologie, que ce soit dans le milieu universitaire ou dans l’industrie, sans être discriminées en raison de leur sexe”, tel est le “plus grand rêve”, de Maureen Agena. Cette spécialiste des Nouvelles technologies de l’information et de la communication (ICT4D) a confié, à Cio Mag, qu’elle souhaite que les politiques en matière de TIC s’attaquent aux obstacles (rôles sexués, accès et compétences) freinant l’adoption et la participation des femmes aux TIC.

À 36 ans, Maureen Agena plaide en faveur de politiques de TIC sensibles aux questions de genre, notamment par l’intermédiaire d’organismes professionnels tels que l’Association ougandaise des TIC. Elle soutient des initiatives continentales comme le Fonds régional pour les bourses d’études et l’innovation (RSIF), lequel a mis en place des stratégies délibérées en matière de genre pour mieux soutenir les femmes scientifiques. La consultante a en effet constaté que les femmes étaient peu nombreuses dans le secteur des technologies et qu’il y avait peu de modèles à suivre. “Je me suis demandée pourquoi les hommes dominaient les TIC à l’école et sur le lieu de travail. Alors, j’ai osé aller les étudier et être l’une des rares femmes dans ce domaine, en espérant que beaucoup d’autres jeunes femmes seraient inspirées en voyant ma réussite”, a déclaré cette professionnelle originaire du district de Kole, dans le nord de l’Ouganda.

Désormais installée à Nairobi, la capitale du Kenya, Maureen Agena lutte pour l’autonomisation des femmes rurales via l’utilisation des médias numériques, notamment les téléphones portables et par les autres moyens de communication numériques. Elle estime que le principal obstacle à l’autonomisation est la croyance culturelle et sociétale – négative – selon laquelle “la technologie est réservée aux hommes”. “Dans un environnement rural typique, tout appareil électronique est contrôlé et géré par les hommes. Le genre masculin régit l’accès, l’utilisation, les applications, etc. Avec ce genre de mentalité, les femmes ignorent totalement le rôle que les TIC peuvent jouer pour améliorer leurs moyens de subsistance”, a-t-elle fait valoir lors d’une réunion avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

De son point de vue, ce qui effraie les femmes, c’est la présentation des TIC par les responsables de la mise en œuvre des projets dans les zones rurales. Elle souhaite que les TIC soient présentées aux communautés rurales – notamment aux femmes – de la manière la plus simple possible, de sorte qu’elles se rendent compte de leur importance. Et de suggérer que les femmes soient davantage impliquées dans les projets de base, dans ce secteur. “Comme le sexe masculin domine les domaines techniques, ce sont principalement des hommes qui organisent la formation et enseignent aux femmes, chaque fois que des projets TIC sont mis en œuvre dans les zones rurales. Cela justifie la croyance selon laquelle la technologie est sûrement un département masculin”.

TIC appliquées à l’agriculture

Maureen Agena est également impliquée dans le numérique pour le développement de l’agriculture (ICT4Ag). Son intérêt pour ce domaine provient de son premier emploi au sein du Women of Uganda Network (WOUGNET). L’organisation non gouvernementale a été créée, en mai 2000, par plusieurs organisations de femmes en Ouganda. Le but est de développer l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) chez les femmes pour partager des informations et résoudre collectivement des problèmes. La spécialiste de la communication pour le développement a interagi avec des agriculteurs et a pu mesurer l’impact positif de la technologie sur l’agriculture grâce, notamment, aux informations météorologiques, à l’assurance récolte, aux programmes radio enregistrés, à la surveillance des maladies, aux services de vulgarisation et aux transactions financières via l’argent mobile. “Travailler directement avec les petits exploitants agricoles a changé toute ma vision des TIC et de leur application à des secteurs importants comme l’agriculture”, a confié la consultante ougandaise à Cio Mag.

Depuis, la jeune femme considère les nouvelles technologies de l’information et de la communication comme un nouveau mode de vie et assure qu’elles font désormais partie intégrante de tous les secteurs de la vie quotidienne. A fortiori avec la crise sanitaire qui a prouvé la vraie valeur des TIC. Pour le continent africain qu’elle aime et qu’elle parcourt souvent avec son mari pour s’inspirer de sa grande diversité, le numérique est “une opportunité de changer le récit et les stéréotypes”. Des récits qui, ajoute-t-elle, ont été renforcés par les médias traditionnels. “Désormais, les citoyens ordinaires ont le pouvoir de définir l’agenda. Cela favorise l’accès des jeunes aux importantes opportunités d’emploi et c’est aussi une occasion d’innover”.
S’agissant du parcours professionnel de Maureen Agena, il a été façonné par ses études en Ouganda, au Kenya et au Canada. Toujours très proche du monde de la technologie, elle a simultanément obtenu une Licence en Technologies de l’information, une Maîtrise en Systèmes d’information et une Maîtrise en Communication pour le développement. Elle a également mis ses connaissances en pratique en travaillant avec des femmes du monde rurale et en soutenant un projet financé par le Centre de coopération agricole et rurale (CTA) sur l’amélioration de l’accès aux informations agricoles grâce aux TIC.

Maureen Agena est également membre fondatrice de l’Association des TIC en Ouganda (ICTAU), a siégé au Conseil d’administration en 2018 et a contribué à de nombreuses interventions sur les politiques du secteur. Elle est également membre actif de l’Internet Society en Ouganda et participe à des activités qui façonnent le débat sur Internet.

Réseau de femmes Geeks

En 2016, la consultante ougandaise a fondé Tune communications Limited, une entreprise qui se concentre sur la communication pour la politique de développement dans les domaines de l’agriculture et de la santé. Et qui favorise la documentation de l’histoire de l’Internet dans son pays. Maureen Agena est également à l’origine de GirlGeekKampala, un réseau ougandais de femmes geeks, qui s’est depuis transformé en une entité différente. “L’objectif a été de combler le fossé technologique entre les hommes et les femmes, tel qu’il existait dans les milieux universitaires et industriels en Ouganda “, rapporte-t-elle. Elle a par ailleurs participé à un certain nombre de défis d’innovation, de hackathons et de week-ends de démarrage, en tant que mentor, juge ou organisatrice. Et en a organisé certains au nom de la Banque mondiale en Ouganda, où elle était consultante ICT4Ag.

Actuellement, elle soutient le RSIF (Fund African Host Universities) au Centre international de physiologie et d’écologie des insectes (icipe) en tant que spécialiste principale de la communication. Elle aide également les doctorants, les scientifiques post-doctorants et les universités d’Afrique subsaharienne à créer des environnements de formation, de recherche et d’innovation de haute qualité et à développer les capacités institutionnelles au profit de toute la région.

Maureen Agena se décrit comme une femme d’action au rythme rapide, parfois trop et comme une bonne communicante, qui apprécie l’honnêteté sur laquelle repose, selon elle, “l’intégrité d’une personne”. Au quotidien, la militante et activiste pratique le vélo, le jogging et le yoga, et envisage de s’aventurer dans l’alpinisme. Elle s’adonne également à l’agriculture à petite échelle, notamment en plantant des herbes, des plantes et des légumes. Et envisage d’écrire un livre sur les aliments spéciaux du nord de l’Ouganda. A suivre…

Aurore Bonny

Aurore Bonny est une journaliste passionnée d'Afrique qui accorde un fort intérêt aux questions liées aux TIC. Sa plume est dévouée aux enjeux du digital sur le développement des Etats et populations d'Afrique. Elle couvre les actualités d'Afrique centrale (Cameroun) et celles de la zone anglophone pour le Web. Ses interviews, reportages et autres articles de fond sont à retrouver sur le Web et dans le Magazine CIo Mag.
Twitter: @Aurore_Bonny / Email: aurore.bonny@cio-mag.com / Tel: +237 693115519

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