Armand Claude Abanda : « Il est nécessaire d’introduire les TIC dès l’école maternelle »

  • 13 août 2017
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(Cio Mag) – Armand Claude Abanda à bâton rompu avec notre correspondant au Cameroun aborde des questions d’actualité sur les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), l’Economie numérique, le financement des inventeurs (les startups), les datacenters… les réseaux sociaux, le régulateur camerounais et l’avenir des TIC. Représentant – résident au Cameroun de l’Institut Africaine d’Informatique (IAI) (dont le siège est à Libreville au Gabon), il est depuis plus de 10 ans, un féru de l’informatique et s’investit dans la formation aux Technologies de l’Information et de la Communication des camerounais et autres africains.

Comment est-ce que les autres secteurs d’activité peuvent-ils tirer profit de l’économie numérique au Cameroun ?

L’économie numérique nous permet à coup sûr, de faire des avancées significatives en matière de développement et de booster les capacités de traitement et de production de l’innovation, en mettant le numérique au cœur des questions stratégiques liées à notre économie. Il est important de promouvoir les TIC en tant qu’instruments de développement des autres secteurs d’activité. Cela passe également par l’initiation et la formation des acteurs de ces secteurs d’activité à l’utilisation des TIC.

Parlons d’autre chose. Selon l’ANTIC, le Cameroun est le terreau fertile pour la Cybercriminalité. Le pays s’est hissé à la cinquième position des pays à haut risque cybernétique en Afrique dans le classement de l’union Internationale des Télécommunications(UIT). Est-il possible d’y remédier ?

La solution pour lutter contre la manipulation des jeunes par les voies du numérique viendra de la manière dont ils sont éduqués par leurs parents. Ils doivent être sensibilisés à la base par l’importance des valeurs humaines fondamentales telles que l’amour du prochain, le respect de l’aîné, de ses semblables et de ses cadets, l’humilité, la solidarité, le sens du pardon et de la patience, sans oublier l’amour du travail bien fait. Au-delà de l’environnement familial, vient l’influence du dispositif socio-éducatif qui accompagne le jeune. Celui de l’école, du quartier, des compagnons, des encadreurs et des moyens mis à disposition de façon plus ou moins suffisante. Ensuite le rôle de toutes les formes de média (la radio, la télévision, la presse écrite, les systèmes d’affichages et d’annonces publicitaires, le contenu d’internet, etc…) est essentiel pour la fabrique d’un jeune qui veut et doit réussir, et résister à toute manipulation par quelque voie que ce soit. Enfin, l’État, les hauts responsables à tous les niveaux qui ont une influence par leur voix, leur autorité, ou leur comportement, ont un rôle de premier plan pour sensibiliser les jeunes et leur donner la force de vaincre les vendeurs d’illusions par le biais des TIC.

L’IAI-Cameroun compte-t-il seulement sur les subventions des États, ou alors a-t-il des partenaires d’appui sur lesquels il se greffe pour son développement et l’atteinte de ses objectifs ?

L’IAI-Cameroun ne compte pas seulement sur la subvention de l’État. Nous recherchons constamment des partenariats qui peuvent être utiles pour le développement de notre institut. L’IAI a de nombreux partenaires institutionnels. Je citerai entre autres CAMTEL, la CNPS et bien d’autres entreprises qui reçoivent régulièrement nos étudiants en stages académiques et au vu de la qualité de leurs prestations, ces stages se terminent assez souvent par un recrutement.

Le Centre d’Excellence Technologique Paul Biya inauguré il y a quelques temps est-il une branche de l’IAI ?

C’est l’IAI, Représentation du Cameroun qui a été baptisé du nom de « Centre d’Excellence Technologique Paul BIYA », lors de son inauguration en 2012. C’est le Siège de l’IAI qui a proposé que la succursale camerounaise de l’IAI ait pour nom de baptême « Centre d’Excellence Technologique Paul BIYA » au vu des multiples actions posées par son Excellence Paul BIYA pour l’expansion et le développement de l’IAI-Cameroun. En effet, le Chef de l’Etat est un partenaire d’appui pas seulement de l’IAI-Cameroun, mais de l’IAI en général. C’est lui qui a instruit la construction de d’un campus moderne flambant neuf. Ce geste du Chef de l’Etat, avocat infatigable des TIC est lourd de symbole, car faire don d’un Campus Universitaire, c’est ouvrir une nouvelle porte sur l’avenir, un espace où la société de demain, se développera. Cette réalisation du Chef de l’Etat est éloquente à plus d’un titre : premièrement, elle s’inscrit dans le concret en s’investissant substantiellement dans un secteur vital pour l’émergence de notre pays à l’horizon 2035, à savoir le secteur de l’éducation, le secteur du numérique.

C’est donc une unité professionnelle de l’IAI Cameroun ?

Le Centre d’Excellence Technologique Paul BIYA n’est pas une unité professionnelle de l’IAI-Cameroun comme vous semblez le penser. C’est l’IAI-Cameroun dans son ensemble qui a été baptisé ainsi.

L’utilisation de l’outil informatique reste encore peu répandue au Cameroun (compte tenu, entres autres, du faible taux de pénétration d’internet au Cameroun). N’’est-ce pas un frein au développement de l’économie numérique au Cameroun?

Après avoir stagné à 2% pendant longtemps (à l’époque du règne de l’ADSL), et progressé jusqu’à 7% grâce au dynamisme observé dans les usages de la téléphonie mobile, le taux d’accès à l’Internet au Cameroun a atteint pratiquement 30% ; et ce taux est de plus en plus croissant avec l’installation en cours de la fibre optique dans toutes les régions. Il est aisé de constater que le taux d’accès à l’Internet au Cameroun dépasse celui de la région Afrique subsaharienne, qui se situait à seulement 20%. C’est dire qu’il y a un véritable engouement pour ces usages innovants.

Le monde entier vit depuis un certain temps un terrorisme à nul autre pareil. A travers les data center, y a-t-il une possibilité de venir à bout sinon de réduire le terrorisme dans le monde ?

Les datacenters jouant un rôle majeur dans le monde du web , notamment le stockage des données des moteurs de recherche, l’hébergement des sites web et même le stockage des données par les entreprises et autres organisations, il est tout à fait possible de combattre le terrorisme en ayant accès aux échanges et autres informations ayant trait aux attaquent et autres actes malsains planifiés par les terroristes.
Une entreprise selon vous vu son volume d’activité, est-elle obligée d’avoir un data center ?

Les datacenters prodiguent une assistance précieuse pour les entreprises qui y ont recours. L’usage de la gestion informatisée est un passage obligé pour toute entreprise qui se veut performante et moderne dans ses activités. La majorité des sociétés de grande envergure ont ainsi recours aux avantages procurés par les datacenters, qui permettent entre autres de contrôler à distance de nombreuses composantes, indispensables à la bonne marche des activités de l’entreprise. Celles-ci comprennent notamment le stockage de données, la gestion des systèmes de télécommunication, des réseaux électriques d’urgence, voire de la climatisation et des systèmes anti-incendie.

Est-ce que l’IAI Cameroun forme les jeunes qui à la fin de leur cycle sont outillés à servir dans les datacenter ?

Oui, l’administration des Datacenters fait partie des modules de formation dans le cadre de la formation des Ingénieurs des Travaux Informatiques, mais également dans le cadre de nos formations continues à l’adresse des entreprises.

Il y a des camerounais dits d’ancienne génération, très méfiants de l’évolution technologique. Et ils sont pourtant chefs de grosses entreprises, et décideurs politiques. Comment les amener à s’arrimer aux TIC ?

Il est important de leur expliquer que l’expansion, la croissance et la compétitivité de leurs entreprises au 21ème siècle passent nécessairement par une intégration des TIC dans leurs activités. Par ailleurs l’acquisition de nouvelles parts de marchés se fait beaucoup plus sur les plateformes technologiques que sur tout autre espace. Ils ont par conséquent pour donner la visibilité à leurs activités de s’arrimer aux TIC. En leur démontrant ainsi tout ce qu’ils ont à gagner grâce aux TIC, et tout ce qu’ils risquent de perdre en restant en marge, je pense que le choix sera vite fait.

Ne serait-il pas important d’introduire les bases des TIC depuis l’école maternelle afin d’éviter cette méfiance ou cette peur d’utilisation des NTIC entre générations ?

Oui, il est tout à fait nécessaire d’introduire les bases des TIC dès l’école maternelle. Et je pense que nos politiques l’ont bien compris. Les TIC vont partie des programmes scolaires dès la maternelle. Pour accompagner cette action, l’IAI-Cameroun a mis sur pieds le Programme MIJEF 2035 qui initie les enfants aux TIC dès la maternelle.

Sachant comment les internautes véhiculent les informations sur les réseaux sociaux, on se souvient amèrement de la situation critique qu’ont connu les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, et la catastrophe ferroviaire d’Eséka, quelle analyse faites-vous de ces pratiques?

Les scandales sont nombreux sur les brèves d’information et potins que l’on peut lire sur Internet. Aujourd’hui, une information, fondée ou non, peut faire le tour du monde en une petite demi-heure, voire moins. C’est ce qu’on appelle la viralité. Une vidéo par exemple peut très vite devenir virale et faire le buzz. Le problème ici est que tout ce qui est publié ou partagé sur des sites Internet ou de réseaux sociaux n’est pas toujours vrai. Les rumeurs les plus folles se propagent comme une trainée de poudre. Ce qui naturellement fait la joie de tous ceux qui souhaitent manipuler l’opinion ou ont des objectifs plus obscurs : recrutement dans le cadre du terrorisme, déstabilisation de l’image publique d’une personnalité ou d’une nation, propagandes diverses… Les citoyens doivent donc prendre avec beaucoup de pincettes tout ce qui est partagé sur Internet. Une éducation au patriotisme est plus que jamais nécessaire dans la société de l’information. L’éducation civique et les valeurs d’éthique et de morale, demeure vraies dans le cadre du numérique. Suspendre est une décision qui relève de la souveraineté de l’État. Je ne saurais me prononcer dessus.

Armand Claude Abanda suggère quelques conseils aux camerounais sur l’usage des réseaux sociaux

Quels conseils donnez-vous aux camerounais qui utilisent et embrassent pieds et mains liés les réseaux sociaux ?

Internet et les réseaux sociaux peuvent engendrer, si mal utilisés, de graves conséquences sur le comportement humain des victimes et dans le domaine pénal pour les auteurs d’infractions. On aimerait faire confiance aux contenus publiés sur internet et les Réseaux Sociaux. Mais il y a toujours par-ci, par-là, de fausses informations qui se baladent à droite à gauche. En tant qu’internautes, nous ne devons pas être naïfs. Nous devons toujours nous assurer de la viabilité de la source de l’information qu’on est en train de lire.

Le législateur camerounais a-t-il prévu des règles pour contrôler, réprimer et ordonner l’utilisation des réseaux sociaux ?

Le Cameroun dispose déjà d’une loi relative à la cybersécurité et à la cybercriminalité. Le texte, adopté par l’Assemblée nationale, a été promulgué par le président de la République le 21 décembre 2016. Cette loi, régit le cadre de sécurité des réseaux de communication électroniques et des systèmes d’information. Elle définit et réprime les infractions liées à l’utilisation des technologies de l’information et de communication au Cameroun.
Quelle intérêt pour une structure comme la vôtre d’avoir un compte sur les réseaux sociaux ?
Aujourd’hui, toutes les entreprises ont affaire aux réseaux sociaux, qui leur permettent de gérer leur image, de se développer financièrement et d’enrichir leur expérience sur le marché du web qui offre de toutes nouvelles opportunités, auparavant inexistantes, et l’IAI-Cameroun utilise ces supports de communication pour faire savoir ce qu’il fait.

Terminons par votre dernier voyage en France. Le Forum des innovations technologiques vous a-t-il rapporté quelque chose ?

Au forum des innovations technologiques, nous avons remporté le prix de Meilleur Manager Africain pour l’année 2017 relatif aux actions menées pour la promotion et la vulgarisation de l’utilisation des TIC dans le cadre de nos programmes sociaux Opération 100 000 Femmes/Horizon 2012 et MIJEF 2035. Nous avons également été sollicités pour que ces programmes sociaux s’exportent en Afrique de l’Ouest.

Jean-Claude NOUBISSIE, Cameroun

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