La plateforme e-commerce Jinukun Store catalogue et met en vente des produits alimentaires essentiels à la consommation, issus des fermes agricoles ou des transformateurs agroalimentaires locaux.
(CIO Mag) – « Allô ! Jinukun Store à votre service (…) Quels produits voulez-vous commander ? Où souhaitez-vous être livré ? » Dans les locaux de la start-up à Cotonou, Stéphanie, chargée de clientèle enregistre une nouvelle commande. A l’autre bout du fil, une cliente demande à se faire livrer du jus de baobab et des légumes frais à Abomey-Calavi. Il est presque 17 heures. Stéphanie raccroche, note la commande sur une plateforme ouverte sur son ordinateur et appelle le service de livraison… Cette scène se répète plusieurs fois par jour.
Ainsi va le quotidien de la jeune équipe qui fait tourner Jinukun Store, une plateforme web de valorisation et de vente des produits agricoles et agroalimentaires locaux destinés à la consommation. Née de l’ambition de ses fondateurs de digitaliser les circuits de distribution agricoles et agroalimentaires locaux, la startup Jinukun est lancée en juin 2017. Partie d’une équipe de trois jeunes, la startup s’est totalement structurée après sa participation au programme d’accélération EtriStars de l’incubateur EtriLabs.
« Stock de sécurité »
Jinukun (semence en français, ndlr) emploie aujourd’hui une dizaine de personnes dans son périmètre rizicole situé dans la commune de Dassa au centre du pays et dans ses bureaux à Cotonou. Sa spécialité, c’est le riz étuvé connu sous le nom de Tiwa Rice. « L’étuvage, c’est un processus qui fait migrer les éléments nutritifs de la coque vers l’intérieur du riz », explique Mirlain Bossou, ingénieur agronome et CEO de la start-up, qui investit dans la production végétale et animale sur plus de cinq hectares. Ce qui paraît encore très peu au vu des ambitions des jeunes fondateurs.
Environs 600 produits sont disponibles sur Jinukun Store. 60% provient de plusieurs fermes et le reste est apporté par des producteurs et transformateurs locaux qui reçoivent « de façon inopinée », la visite d’une « équipe de labellisation. Elle va dans toutes ces unités de production pour s’assurer des conditions de transformation, précise Mirlain. Après, on vérifie si le produit est passé par le laboratoire central, s’il a un certificat avant d’être accepté dans nos rayons. »
Jinukun Store simplifie les courses aux consommateurs béninois et valorise les productions locales. Dans ce supermarché virtuel, les produits sont catalogués avec les prix de vente. A la demande, les clients se font livrer à domicile et paient la course auprès du livreur. « Il peut arriver que des clients commandent des produits que nous n’avons plus en stock. La parade trouvée, c’est de continuer par mettre le produit en insistant qu’il n’est plus disponible », argumente Arnaud Aurlus Serge, co-fondateur et CTO de la start-up, qui dispose désormais « d’un stock de sécurité » pour parer au plus pressé.
Difficultés de localisation
Malgré la forte demande, Jinukun Store n’a pas encore internalisé son service de livraison. Une dizaine de prestataires de service livrent les clients qui les paient à la course. En cas d’indisponibilité ou d’urgence, l’équipe à l’interne se mobilise pour satisfaire la clientèle. Marie-Ange Sogan, community manager, peut en témoigner : « Il est déjà arrivé plusieurs fois que je fasse la livraison. Nous sommes parfois confrontés à des difficultés de localisation des maisons et des lieux de travail. Il se pose aussi des problèmes de timing. »
Côté technique, Jinukun Store met à jour sa base de données au quotidien et la startup possède sa propre application interne de gestion des commandes, des stocks et surtout des informations sur les produits et les agriculteurs. Si très peu de clients commandent via sa plateforme, quelques-uns utilisent la messagerie privée de la page Facebook dédiée à la start-up ; et la majorité opte pour l’appel direct. En plus de Jinukun Store, l’équipe travaille à développer la version mobile de l’application et fait un marketing digital permanent pour attirer la clientèle. Grâce à cela, la start-up a fait un chiffre d’affaires d’environ 12 millions de francs Cfa en 2018 sur la vente de ses propres productions et les remises qu’elle perçoit sur les produits des transformateurs locaux.
Avec ses 5 000 clients réguliers, Jinukun Store veut « passer la barre des 10 000 commandes et créer un réseau de distribution de proximité, dévoile son CTO. Actuellement, nous entrevoyons une levée de fonds pour réaliser ce projet. Notre vision à terme, est de pouvoir livrer tous les ménages de Cotonou, Abomey-Calavi, Porto-Novo et nous installer au Togo. » Déjà au Bénin, Jinukun Store a été reconnue meilleure startup béninoise 2018 par l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste du Bénin (Arcep-Bénin) dans la catégorie AgriTech.
« Coup de projecteur »
Véritable startup studio, Jinukun développe actuellement des solutions qui viendront étoffer son offre. Il s’agit notamment d’AgriPay, « une solution basée sur un réseau blockchain privé qui permet, entre autres, de fournir au consommateur la traçabilité et l’information nutritionnelle du produit et de payer directement le producteur en scannant un QR Code disponible sur l’emballage du produit livré », renseigne Gildas Dodji, le développeur en chef de l’équipe. Avec cette solution, Jinukun Store entend résoudre le récurrent problème d’étiquetage des produits agroalimentaires en Afrique, tout en redistribuant au producteur agricole ou au transformateur agroalimentaire sa part du prix de vente du produit.
En septembre 2018, la startup fut finaliste du concours PitchAgriHack organisé par le CTA au Rwanda. Un partenariat technique s’est ensuite développé permettant au centre de visiter la startup, en lui faisant profiter de son réseau de partenaires, d’investisseurs et d’évènements à l’international. D’où les invitations de Jinukun à l’AgriStartup Summit, un évènement des startups agricoles à la Roche-sur-Yon en Vendée en octobre 2018 et à la « The International Cooperation Expo-EXCO » à Rome en mai dernier où elle a présenté sa solution. « Participer à ces évènements à l’international est un vrai coup de projecteur pour nous. Cela nous permet de confronter notre solution à ce qui se fait ailleurs et l’améliorer », reconnaît Mirlain Bossou.
Michaël Tchokpodo, Bénin