(CIO Mag) – « Le numérique au service de l’élargissement de l’assiette fiscale » est le thème sur lequel s’est ouverte la 34e conférence annuelle du Cercle de réflexion et d’échange des dirigeants des administrations fiscales (CREDAF) ce lundi 10 Juin à Yaoundé la capitale politique du Cameroun.
Le pays hôte sera honoré jusqu’au 13 juin, par ce grand rendez-vous réunissant comme à l’accoutumée des délégués venus des administrations des pays membres du CREDAF, des gouvernants francophones et d’autres aguerris du secteur. Pour l’actuelle édition faisant intervenir le digital, étaient également présent les acteurs du secteur. La cérémonie d’ouverture a été marquée par les allocutions de diverses personnalités. Notamment, celles de Modeste Mopa, Directeur général des impôts (DGI) du Cameroun ; Mirandin Morlan, président sortant du CREDAF ; Jean-Marc Niel, secrétaire général du même organisme ; Gilles Thibault, ambassadeur de France au Cameroun ; et Louis Paul Motaze, ministre camerounais des Finances.
« L’élargissement de l’assiette fiscale est une préoccupation constante de toutes les administrations fiscales qui doivent sans cesse augmenter le niveau de mobilisation des ressources pour contribuer au financement des besoins croissants de leur communauté », a déclaré le ministre Louis Paul Motaze pour situer le contexte de cette rencontre.
Compatibilité Fisc-Numérique
Il a meublé son propos en évoquant la relation entretenue entre le fisc de son pays et le digital. Notant ainsi qu’« un vaste programme de réformes structurelles des finances publiques a déjà été engagé. Lequel se traduit par « la poursuite du processus de simplification et d’automatisation des procédures à travers l’introduction du télépaiement pour les grandes et moyennes entreprises mais également par la télé déclaration des Déclarations statistiques et fiscales (DFS), la dématérialisation de l’enregistrement de la commande publique et plus globalement la mise en place d’un Système intégré de gestion des impôts et taxes (SIGIT) ».
Le gouvernant camerounais reste convaincu que « le numérique offre aux administrations de percepteurs d’importantes opportunités d’amélioration des modes d’administration de l’impôt ». Et que sans cette amélioration « aucun élargissement durable de l’assiette n’est possible ». Une déclaration, rejointe par celle de Modeste Mopa, lorsqu’il a affirmé que « le potentiel fiscal pourrait être transformé de façon optimale grâce à la révolution numérique ».
Dans un élan similaire, l’ambassadeur de la France au Cameroun pense que le thème autour duquel se réunit cette assemblée engendrera des solutions novatrices pour le pays. « C’est essentiel de mettre la dématérialisation au cœur des administrations fiscales car il s’agit d’un moyen remarquable d’étendre et diversifier les sources de recouvrement d’impôts, de fluidifier les rapports entre agents du fisc et le contribuable ainsi qu’améliorer la transparence », a-t-il dit.
Table ronde
Après les échanges de bienvenue, quelques conférenciers se sont réunis face à l’assistance pour échanger par des projections détaillées sur leurs expériences et celles de leurs pays respectifs sur le thème principal. Il s’agit de Mohamadou Diallo, directeur de publication de CIO Mag, Aboubacar Touré, coordinateur du bureau Spécial de régulation fiscale de Guinée, son compatriote Mohamed Lamine Kaloko, assistant du Directeur chargé de l’assiette fiscale, Yama Kouyate Diaby, directrice des systèmes d’information du Sénégal, Nicolas Yenoussi, DGI du Benin et son homologue camerounais modérant les discussions.
Mohamadou Diallo, le premier exposant, a fait un état des lieux du marché numérique africain. Il a détaillé les inhibitions auxquelles se heurte le développement de l’e-commerce, les innovations apportées aux startups locales, les chiffres sur les abonnées de téléphonie mobile et les solutions de commerce en ligne proposées par les géants africains du domaine. Au cours de cette partie de la matinée, Nicolas Yenoussi a pour sa part, exposé quelques preuves de digitalisation au Benin.
Preuves de dématérialisation
« Il est connu que les hommes politiques n’aiment pas payer les impôts. Mais désormais avec le quitus fiscal, les candidats aux législatives sont contraints de le faire », a-t-il noté. Il a également cité l’e-Bilan, une plateforme digitale grâce à laquelle la version papier des états financiers n’est plus reçue en comparaison à la situation de départ où il fallait détenir un visa des dépôts de ces états.
Dans l’expérience guinéenne, entre plusieurs exemples de digitalisations citées, Aboubacar Touré a évoqué la réforme sur le droit des timbres des véhicules d’occasion comme la première réforme. Laquelle a permis au fisc de passer de 3000 millions de franc guinéens à 4 milliards de francs de recettes. « Le numérique est au cœur de nos réformes », a-t-il déclaré.
Pour le cas du Sénégal, plusieurs exemples ont également été cités ainsi que des projets de plateformes à mettre en place. L’intervention de Yama Kouyaté Diaby a permis de comprendre que son pays se situe « à mi-chemin des indicateurs de la maturité digitale à l’horizon 2020 ». En effet d’après elle, le Sénégal a atteint 60% de maturité digitale technologique, 50% de maturité digitale perçue par utilisateur et 60% de maturité digitale organisationnelle. Des taux que le pays compte arrondir à 100% d’ici 2020.
La table ronde a été clôturée par un jeu de questions/réponses. Il en est sorti que dans le cas du Cameroun, « le mobile money est une source incroyable d’informations, sachant que le fisc se nourrit d’informations ». Le Directeur général des Impôts du Cameroun, Modeste Mopa, auteur de cette déclaration, a dévoilé qu’« en digitalisant les fichiers des contribuables, le fisc a fait œuvre utile en partageant les services avec d’autres administrations ». Le Benin, quant à lui, s’est donné pour crédo « aucune opération fiscale sans identification ». Interrogé sur le profil des administrations de fiscalité, Mohamadou Diallo a noté le manque de personnel formé. A cet effet, il a préconisé plus de formations d’ingénieurs pour s’aligner sur les standards mondiaux. A la question de savoir si les contribuables profitent de la digitalisation, Mme Diaby a affirmé que les télé procédures ont suscité un important engouement auprès de ces derniers, soit 90% d’adhésions faites dès la première année de lancement du processus de numérisation.
La première journée de cette conférence du CREDAF s’est achevée sur, entre autres, des ateliers autour du thème, la présentation du KSP et des opportunités du e-learning. Le tout, clôturé par un cocktail dinatoire de bienvenue.
Aurore Bonny, Yaoundé