L’e-santé est un secteur crucial pour le développement économique et technologique de la société. Sa contribution au bien-être des populations couvre la production, la fourniture, la distribution, la commercialisation de services, d’équipements médicaux, sanitaires ou pharmaceutiques à travers l’utilisation du numérique et les moyens de télécommunications et technologiques. En Afrique, ce secteur est en plein évolution, en dépit d’un manque d’investissements et d’infrastructures (faible taux de couverture, connectivité, coupures d’électricité et transport difficile pouvant négativement impacter la capacité des startups technologiques à déployer leurs solutions).
L’e-santé est l’un de ces secteurs en pleine expansion sur le continent, bien que des défis persistent. En 2023, les levées de fonds des startups actives dans ce domaine ont atteint un total de 167 millions de dollars, répartis sur 145 transactions enregistrées au cours de l’année, selon le cabinet de conseil Salient Advisory. Mais quel bilan peut-on dresser de cette industrie ? Quels sont les obstacles auxquels font face les entrepreneurs de l’e-santé ? Quelles perspectives se dessinent pour ce secteur ?
Les quatre tendances liées à l’e-santé en Afrique
En Afrique, le domaine de l’e-santé se caractérise par quatre tendances majeures. Tout d’abord, on observe une augmentation des partenariats stratégiques et financiers entre les startups numériques et d’importants groupes internationaux tels que Inovie, Sanofi, UPSA et Johnson & Johnson, selon les observations Hannah Subayi Kamuanga, investisseuse et co-fondatrice de DRC Impact Angels, un des premiers clubs d’investissement opérant en République Démocratique du Congo (RDC).
Le secteur est amené à croitre davantage grâce à un « un cadre réglementaire en pleine évolution, une amélioration de la coordination entre les acteurs de la santé publics et privés, ainsi que d’une amélioration des infrastructures de connectivité, de transport et d’énergie permettant aux startups numériques de se déployer et à leurs clients d’utiliser leurs solutions », ajoute-t-elle. Ces obstacles représentent un frein majeur à l’accès aux capitaux d’investissement. En 2023, les startups de l’e-santé des quatre principaux pays (Kenya, Égypte, Nigéria et Afrique du Sud) ont largement dominé les levées de fonds. Gylain Badesi, responsable de la startup Sofftech, créatrice de la plateforme Heath Malamu, souligne : « Nous faisons face à des défis financiers et aux complications liées à la fracture numérique. »
En troisième lieu, le secteur de l’e-santé suscite également l’intérêt de la jeunesse du continent qui innove avec des solutions pour sa révolution. Parmi les startups les plus en vue figurent notamment Waspito, une plateforme e-santé spécialisée dans la prise de rendez-vous et les consultations en ligne au Cameroun et opérant maintenant en Côte d’Ivoire. Ilara Health du Kenya se distingue par sa spécialisation dans les diagnostics des maladies en ligne. Dawa mkononi, une plateforme en ligne basée en Tanzanie, se concentre sur la distribution et la commercialisation des médicaments. Quant à Health Malamu, basé en République Démocratique du Congo, elle se spécialise dans « le stockage des informations médicales et personnelles des patients en un seul endroit accessible à tout moment via une application web et mobile », selon les propos de M. Badesi.
En quatrième position, le secteur est confronté à un certain manque de visibilité [1] concernant « le cadre législatif de gestion des données de santé confidentielles des patients, ainsi qu’à une insuffisance de sensibilisation des patients aux enjeux de santé », souligne Hannah Subayi Kamuanga. Ces obstacles peuvent entraver l’élan des startups sur le continent.
Perspectives du secteur
Malgré les obstacles, le secteur de l’e-santé offre des perspectives encourageantes. L’Afrique demeure le continent le plus jeune. Près de 60 % de sa population a moins de 24 ans, et beaucoup manifestent un intérêt pour les métiers du numérique et sont davantage portés sur les questions de santé, de bien-être et de qualité de vie. Cet élément constitue un facteur qui peut jouer en faveur du secteur. Hannah Subayi Kamuanga exprime son optimisme en soulignant qu’un nombre croissant d’investissements est attendu dans le secteur. Elle mentionne notamment « l’expansion de groupes hospitaliers tels que le groupe Inovie ou la Clinique Diamant, qui déploient d’importants moyens en République démocratique du Congo. »
D’autres acteurs de premier plan sur le continent s’engagent à soutenir les startups évoluant dans le secteur de l’e-santé. C’est le cas, par exemple, du groupe Axian, qui a récemment réalisé un nouvel investissement dans le capital de start-ups du secteur. Parmi ces start-ups figurent Dawa Mkokoni, une entreprise tanzanienne spécialisée dans l’approvisionnement pharmaceutique pour assurer un accès rapide et une livraison efficace de médicaments aux pharmacies, ainsi que i’Supply, basée en Égypte, qui participe à la révolution de la chaîne d’approvisionnement pharmaceutique grâce à une plateforme intégrée et fiable, contribuant ainsi à l’automatisation des pharmacies. Valorigo a sécurisé en janvier un investissement de Digital Africa – une filiale de Proparco / Groupe Agence française de développement.
Impact de l’IA et technologies
D’un autre point de vue, les avancées dans le domaine de l’intelligence artificielle pourraient positivement influencer le secteur. Selon Mme Subayi Kamuanga, l’exploitation de l’intelligence artificielle et des investissements accrus dans la recherche et le développement continueront de révolutionner le secteur de l’e-santé en Afrique. Elle exprime un optimisme particulier : « les solutions médicales délivrées par des applications mobiles et des tablettes devraient continuer à se développer », déclare-t-elle. De ce point de vue, Hannah Subayi Kamuanga est ravie de la clôture de son investissement dans Meditect, une startup numérique spécialisée dans la digitalisation des pharmacies en Afrique Francophone.
Accès au financement
En dépit des nombreuses opportunités offertes par le secteur, il est essentiel de mettre l’accent sur les tendances émergentes cruciales pour le succès d’une start-up. En tant qu’investisseuse, Hannah Subayi Kamuanga souligne que chaque start-up doit démontrer « la qualité de son équipe dirigeante, la qualité de la solution ou du produit proposé, la pertinence du modèle économique de la société, le système de paiement et la structure de financement. Ces critères initiaux jouent un rôle crucial dans l’accès au financement pour les start-ups. » D’autres conditions, telles que l’attractivité du secteur dans lequel la start-up opère et le plan d’affaires proposé, comprenant la performance opérationnelle et les indicateurs, ne doivent pas être négligées.