RDC : une nouvelle ère de connectivité et de concurrence numérique

Le paysage numérique de la RDC entre dans une nouvelle phase depuis l’annonce, le 2 mai, de l’octroi de licence à Starlink DRC S.A., filiale de SpaceX. Cette décision suscite de nombreuses réactions et marque un tournant stratégique en matière de connectivité et de concurrence, avec l’espoir d’une couverture Internet plus inclusive à l’échelle nationale.

(Cio Mag) – Avec plus de 70 % des zones rurales toujours non connectées, selon les données de l’ARPTC, l’entrée de Starlink s’annonce comme une réponse concrète aux inégalités d’accès à Internet. Grâce à sa technologie satellitaire à orbite basse, la société américaine est en mesure de fournir une connexion haut débit là où les infrastructures terrestres sont inexistantes ou peu fiables.

Pour Me Joël Nabanza et Guy Zihindula, deux chercheurs affiliés à Law and Technologies, un Cabinet d’études spécialisé en droit des télécommunications et du numérique en Afrique centrale : « l’un des principaux avantages de Starlink réside dans sa capacité à fournir une connectivité haut débit même dans les zones reculées ». Les deux chercheurs viennent de publier un article analysant l’impact économique, concurrentiel et fiscal de l’agrément accordé à Starlink DRC en République démocratique du Congo. 

Une concurrence pour les opérateurs traditionnels

En effet, Starlink ne vient pas simplement compléter l’offre de connectivité dans ce vaste pays au cœur de l’Afrique. Il vient redéfinir les règles du jeu. En offrant une couverture nationale via satellite, l’entreprise américaine remet en question le quasi-monopole des quatre principaux opérateurs de télécoms qui, à eux seuls, comptaient 32,1 millions d’abonnés à Internet mobile au troisième trimestre 2024, selon le récent observatoire de l’ARPTC.

Pour sa part, Rocky Abdoul Milingita, consultant en finance digitale, s’interroge : « Starlink, plus un partenaire qu’un concurrent ? » Et pour cause : au-delà de son statut de nouvel entrant, Starlink a déjà annoncé un partenariat stratégique avec Airtel Africa dans 14 pays africains, dont la RDC. « Elle vient bousculer les opérateurs traditionnels tels que Vodacom, Orange ou Airtel, ainsi que les autres fournisseurs d’accès à Internet, ce qui devrait les inciter à améliorer la qualité des services et à revoir leurs tarifs à la baisse », explique l’expert.

Il ajoute que cette dynamique ouvre également « de nouvelles perspectives pour les opérateurs télécoms, les fintechs rurales et d’autres acteurs du développement » en République démocratique du Congo.

Des implications fiscales et réglementaires importantes

L’autorisation de Starlink est aussi une aubaine pour l’État congolais. La société étant enregistrée comme entité commerciale de droit congolais, « sa domiciliation fiscale en RDC vient agrandir l’assiette fiscale nationale », note l’article publié par Me Nabanza et M. Zihindula.

À l’heure où le gouvernement cherche à diversifier ses sources de revenus, l’apport de Starlink dans le secteur pourrait être un levier non négligeable. Du point de vue régulation, L’ARPTC est désormais confrontée à « de nouveaux défis liés à la cybersécurité, à la fiscalité spécifique d’un acteur satellitaire mondial et à l’harmonisation de la politique tarifaire », nuancent les deux chercheurs.

Accessibilité et défis d’équilibre

Malgré les avantages techniques incontestables qu’offre Starlink, de nombreux experts s’inquiètent des risques d’exclusion numérique en raison des coûts d’installation jugés trop élevés pour une large partie de la population congolaise. Selon la Banque mondiale, la majorité des Congolais vivent avec moins de 2,15 dollars par jour.

D’après les données disponibles, l’offre de connexion Internet haut débit en RDC destinée aux professionnels débute à 51 €/mois, avec un kit Mobile HP proposé à 1 222 €, tandis que les offres résidentielles commencent à 35 €/mois, avec un mini kit proposé à partir de 299 €. « Le coût élevé du matériel requis pourrait constituer un frein majeur à l’adoption de masse », préviennent les deux chercheurs.

Une opportunité pour l’innovation africaine

En plus du Plan national du numérique horizon 2025 qui est document stratégique qui définit les priorités et la politique publique dans le secteur des technologies de l’information et de la communication, la République démocratique du Congo s’est également dotée d’un Code du numérique, un cadre réglementaire destiné à structurer l’ensemble du secteur numérique. L’octroi récent de la licence à Starlink s’inscrit dans cette dynamique de renforcement de l’économie numérique nationale.

Notons qu’en plus de la RDC, la société américaine est opérationnelle dans 18 pays africains, parmi lesquels le Burundi, le Rwanda, l’Afrique du Sud et le Kenya. Selon M. Milingita, « cette expansion rapide participe à un projet continental ambitieux visant à réduire la fracture numérique » sur le continent.

Enock Bulonza

Journaliste spécialisé dans les TIC et la santé, passionné par les technologies émergentes, et correspondant de Cio-Mag pour la région des Grands Lacs africains.

View All Posts

Pin It on Pinterest