Luc Missindimbazi : « Nous comptons développer une gouvernance unifiée et équilibrée de l’Union Africaine de Télécommunications en impliquant toutes les parties prenantes »

Candidat au secrétariat général de l’Union Africaine des Télécommunications (UAT), le Congolais Luc Missidimbazi est ingénieur en télécommunications et bénéficie de plus de 25 ans d’expérience dans les technologies de l’information et de la communication. Il a construit une carrière riche, tant dans le secteur privé que dans les institutions publiques, en Afrique comme en Europe. Il a dirigé des projets majeurs dans les domaines du haut débit, de la régulation, de la transformation numérique et de l’innovation.

Ancien rapporteur de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) sur les questions liées à la large bande, il est aussi le fondateur du Salon OSIANE, une plateforme devenue incontournable pour les échanges entre décideurs publics, entreprises et chercheurs en Afrique centrale. À l’approche des élections, il nous livre dans cet entretien sa vision, ses priorités et les actions qu’il souhaite mener pour mettre son expertise au service du continent.

Cio-Mag : Qu’est-ce qui vous a motivé à postuler au poste de Secrétaire général de l’Union Africaine des Télécommunications ?

Luc Missindimbazi : J’estime que nos réalisations dans la sous-région devraient s’étendre dans la région mais avec un engagement renforcé des Etats africains dans le développement des services des communications électroniques et du numérique. L’Afrique doit d’avantage s’unir pour faire face aux enjeux de la transformation numérique et l’institution pouvant fédérer toutes les parties prenantes est l’UAT. Ainsi, les motivations sont donc de fédérer les écosystèmes technologiques africains en engageant un peu plus les Etats à participer activement en mettant en place une stratégie unifiée de la transformation numérique en Afrique.

Nous souhaitons renforcer la présence africaine dans le débat mondial autour de l’évolution technologique en renforçant la mise en œuvre d’une stratégie proposée pour renforcer la transformation numérique en Afrique s’appuyant sur les grandes orientations telles que définies par l’Union africaine et les initiatives portées par les pays. Nous souhaitons développer une gouvernance unifiée et équilibrée de l’Union africaine de télécommunications en impliquant toutes les parties prenantes.

Un des enjeux majeurs sera de garantir une gouvernance équilibrée qui prend en compte toutes les parties géographiques représentées et une participation équilibrée de tous les pays membres

Si vous êtes élu, quelles seront vos trois premières priorités à la tête de l’Union Africaine des Télécommunications ?

Je souhaite vivement que notre élection rassemble tous les pays, ce qui implique que l’une des premières démarches est de mobiliser les pays membres et les associés. Il s’agira, dans l’immédiat d’adopter une feuille de route qui vise à faire de l’Afrique une économie numérique intégrée, inclusives et innovantes, donc d’organiser une démarche vers les membres pour fixer ce cadre commun. Un dialogue avec tous les membres en allant vers eux.

Il faudra aussi mieux faire connaître, par un plan de communication panafricain, la stratégie de l’UAT, son organisation, son plan d’action arrêté par le Conseil et l’impliquer dans les activités des sous-régions. Renforcer la présence de l’UAT permettra dans les instances de décisions africaines et mondiales. Un des enjeux majeurs sera de garantir une gouvernance équilibrée qui prend en compte toutes les parties géographiques représentées et une participation équilibrée de tous les pays membres. Améliorer la gouvernance par la maîtrise des effectifs du personnel tenant compte de la compétence et la représentation dans l’organisation. Ces actions seront menées dans le respect des décisions du Conseil.

Comment envisagez-vous de renforcer la coopération entre les États membres en matière de politique numérique et de régulation ?

Comme je l’ai évoqué, il nous faudra une gouvernance équilibrée de l’institution voire même participative des membres pour pouvoir disposer d’une règlementation unifiée et harmonieuse pouvant être mise en œuvre par l’ensemble des membres avec les membres associés.  Il faudra donc s’appuyer sur les initiatives portées par l’Union Africaine, l’Union Internationale des Télécommunications, les communautés spécifiques ou sous-région ale et certains écosystèmes constitués.

Il nous faudra arriver à mettre en place une politique unifiée pour l’Afrique tant pour notre développement que pour la prise de position dans le débat mondial. A cet effet, le secrétariat devra renforcer la collaboration avec les institutions de la région et d’ailleurs, soutenir les initiatives des communautés régionales.

Mon expérience comme Président d’un Fonds de services universels sera forcément mise à contribution pour trouver le meilleur modèle commun aux pays africains

L’inclusion numérique est un enjeu crucial en Afrique. Quelles actions concrètes comptez-vous mener pour réduire la fracture numérique, notamment entre zones urbaines et rurales ?

Il reviendra au Conseil de mettre en place un plan d’action pour accélérer la réduction de la fracture numérique. Au-delà de la facture entre zones urbaines et rurales, il y a aussi d’autres factures numériques au niveau des usages, des prix etc … Mon expérience comme Président d’un Fonds de services universels sera forcément mise à contribution pour trouver le meilleur modèle commun aux pays africains sur la question.

En effet, il faudra à la fois un modèle qui permet un meilleur usage des financements, d’apporter en plus de la connectivité des services utiles, de favoriser l’inclusion et surtout de garantir la pérennité voire la durabilité des infrastructures et services, ce qui sous-entend de créer de la valeur par la rentabilité. 

J’entends donc élargir le débat avec les organes institutionnels, les partenaires techniques et financiers, la représentation des collectivités locales pour aider le Conseil à produire une feuille de route commune sur la gestion des fonds du service universel.

Quelle sera votre stratégie pour mobiliser des partenariats (publics, privés, multilatéraux) en faveur du développement des infrastructures télécoms ?

Je suis persuadé qu’une mobilisation des partenaires passe par un engagement des pays à faire de l’Union Africaine des Télécommunication l’institution fédératrice des acteurs. Il nous faudra emmener tous les pays membres à s’impliquer sur les sujets clés du moment, leur proposer des plateformes d’échanges inter-états.

Cette démarche aura pour principale conséquence, l’implication des partenaires. Cela passe par une Gouvernance qui tient compte des équilibres et du caractère unifié du cadre réglementaire. Les partenaires seront associés aux plateformes d’échanges qui prendront la forme de réunion physiques et virtuelles, mais surtout soutenu par un plan de communication.

Quelle est votre position sur la souveraineté numérique de l’Afrique et comment comptez-vous la promouvoir dans vos futures fonctions ?

Je suis persuadé que si nous voulons d’une Afrique forte, elle doit maitriser sa souveraineté numérique. La souveraineté numérique africaine passe avant tout par une mutualisation de nos infrastructures essentielles, par des règles communautaires qui protègent l’ensemble de nos utilisateurs. On ne pourra malheureusement pas se soustraire de la puissance technologique extérieure, mais une Afrique qui dispose d’un cadre réglementaire unifié et harmonieux permettra de garantir une meilleure souveraineté.

La promotion de la souveraineté numérique africaine portera principalement sur la connaissance des enjeux, la maîtrise technologique des concepts, le déploiement équilibré des infrastructures de stockages et de protection, de financement des services associés, le renforcement d’un cadre réglementaire et la promotion d’un usage éthique.

Pour l’intelligence artificielle, nous allons nous impliquer pour un usage responsable et veiller à son impact positif sur l’ensemble des domaines…

L’intelligence artificielle, la cybersécurité, et la 5G sont au cœur des débats actuels. Quelle place souhaitez-vous leur accorder dans votre mandat ?

Pour l’intelligence artificielle, nous allons nous impliquer pour un usage responsable et veiller à son impact positif sur l’ensemble des domaines importants des pays africains, tout en s’appuyant sur les résolutions de l’Union africaine et des institutions. S’agissant de la cybersécurité, nous allons nous impliquer pour garantir la confiance des utilisateurs et des investisseurs en renforçant les accords existant.

Pour la 5G, nous pensons qu’il faudra l’intégrant dans les différents plans de développement des infrastructures, tout en aidant les pays à mettre en place des cadres réglementaire attractif pour son déploiement.

Enock Bulonza

Journaliste spécialisé dans les TIC et la santé, passionné par les technologies émergentes, et correspondant de Cio-Mag pour la région des Grands Lacs africains.

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