Hannah Subayi Kamuanga : « L’essor de l’e-santé en RDC est entravé par le manque d’infrastructure et un manque de coordination entre les acteurs de la santé publics et privés »

Hannah Subayi Kamuanga, co-fondatrice et vice-présidente de DRC Impact Angels

Hannah Subayi Kamuanga, co-fondatrice et vice-présidente de DRC Impact Angels, le premier club d’investissement opérant en République Démocratique du Congo (RDC) s’est confiée à Cio Mag sur l’évolution du secteur de l’e-santé dans ce pays d’Afrique centrale. En tant qu’investisseuse, elle a accepté de partager avec nous son expertise et son point de vue sur les opportunités, les obstacles et les perspectives de ce secteur en ascension. Ci-dessous la substance de notre échange.

Cio Mag : Quel état des lieux faites-vous du secteur de l’e-santé en RDC ?

Hannah Subayi Kamuanga : La RDC ne déroge pas à la règle – le pays comporte des opportunités représentées par les start-ups mentionnées ci-dessous. Toutefois, comme sur le reste du continent, un manque d’infrastructure (connectivité, transport, énergie), un cadre règlementaire parfois trop restrictif (interdiction de vente de médicament en ligne, restriction au niveau des mandats exercés par les médecins…), le manque de coordination de certains acteurs de la santé publics ou privés freine l’essor du secteur. Le manque de visibilité sur les possibilités de gérer les données de santé confidentielles des patients ainsi que le manque de sensibilisation des patients sur les enjeux de santé peuvent également constituer des barrières à l’émergence de start-ups technologiques avec croissance et rentabilité.

Dans ce contexte, la RDC n’a reçu que 2% des financements start-ups en e-santé, derrière le Nigeria (39%), l’Afrique du sud (24%) et le Kenya (12%) Je suis toutefois optimiste dans la mesure où un nombre croissant d’investissement est attendu dans le secteur notamment avec des groupes hospitaliser comme clinique Diamant en expansion, des groupes d’analyses médicales comme Inovie déployant des moyens importants et avec l’émergence de solutions de logistique pour la fabrication et / ou la commercialisation de médicaments.

Pharmakina, un des plus vieux groupes de la RDC, a reçu un financement d’un fonds international. Dans ce contexte, le secteur de l’e-santé devrait bénéficier d’un effet d’entrainement. Nous constatons notamment le développement de solutions dans les zones les plus reculées comme en campagne ou en période à des troubles comme à Goma ou Bukavu.

L’e-santé reste un secteur dynamique, en croissance et attractif

Quelle est votre vision à long terme pour le secteur des start-ups œuvrant dans l’e-santé en Afrique et en RDC Congo ?

L’e-santé est un secteur crucial pour le bien être des populations et le développement économique et technologique de nos sociétés. C’est un secteur large couvrant la production, fourniture, distribution, commercialisation de services et / ou d’équipements médicaux, sanitaires ou pharmaceutiques; l’utilisation du numérique (par les moyens de télécommunications et technologiques avec outils digitaux, téléphonie, tablettes…) permet d’optimiser, de fiabiliser, de rendre accessible ses produits / services et / ou d’atteindre des populations éloignées.

Il s’agit d’un des secteurs numériques à impact recevant le montant le plus significatif d’investissement en capital risque en Afrique avec 11% des financements en capital risque (après les services financiers (24%), la logistique / e-commerce (17%) et les services aux entreprises (14%). Les secteurs traditionnels de l’e-santé en RDC incluent notamment :

  • La télémédecine (prise de rdv en ligne, consultation en ligne, chirurgie à distance…) – ex : Waspito
  • Le diagnostic (analyse médicale) – Ilara Health
  • La pharmacie (fabrication, certification, distsribution, commercialisation de produits pharmaceutiques) – ex : Valorigo ou Meditect
  • Les infrastructures hospitalières et équipements – ex : Viebeg
  • Les services d’assurances et de financement santé ( ex : Susu)
  • La gestion digitalisée des données des patients
  • La prévention et la veille sanitaire

Dans ce contexte, le secteur de l’e-santé reste un secteur dynamique, en croissance et attractif, dans une zone géographique avec des enjeux médicaux, sanitaires récurrents et une population de plus en plus réceptive et jeune souhaitant une santé accessible, de qualité et adaptée à leurs besoins. C’est un secteur également marqué par des partenariats de plus en plus visibles entre start-ups numériques et grands groupes internationaux tels que Inovie, Sanofi, Johnson & Johnson…

Une start-up doit démontrer la qualité de son équipe dirigeante

Quelles sont les tendances émergentes que vous considérez comme cruciales pour le succès d’une start-up dans le secteur de l’e-santé ?

Comme dans tout secteur, une start-up doit démontrer la qualité de son équipe dirigeante (avec expérience dans le monde médical ou pharmaceutique), la qualité de la solution ou produit proposé(utilisé, pertinence, avantage concurrentielle), la pertinence du modèle économique de la société (croissance, rentabilité, système de paiement, structure de financement), l’attractivité du secteur dans lequel la start-up opère (règlementation, concurrence, infrastructure…), et enfin le plan d’affaires proposé (avec performance opérationnelle, financière et indicateurs clés.

A noter qu’une start-up technologique dans l’e-santé n’a pas nécessairement besoin d’un brevet pour démontrer la qualité de son produit – avoir un modèle économique unique avec une solution innovante mais une capacité de commercialisation et de rentabilisation importante sont aussi fondamentaux. Il est également important de considérer la pertinence de la transaction proposée (avec financement en fonds propres, dettes ou autres). Il est important pour toute start-up de s’associer avec des partenaires commerciaux (fournisseurs, clients.) et financiers fiables et solides pour évoluer.

Lire aussi: E-santé : entre faible pénétration et grands espoirs en Afrique

Enock Bulonza

Journaliste spécialisé dans les TIC et la santé. Passionné par les technologies émergentes (IA, Programmation web et mobile et la blockchain, etc). En tant que correspondant de Cio-Mag dans la région des Grands Lacs africains, je suis chargé de couvrir les développements technologiques et de fournir des informations précises et pertinentes sur ces sujets.

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