Commerce numérique en Afrique : l’aube d’une révolution

Avec ses 1,3 milliard d’habitants, l’Afrique se prépare à une transformation numérique sans précédent qui pourrait stimuler considérablement la croissance économique du continent et ouvrir de nouvelles opportunités dans divers secteurs. Les prévisions annoncent un marché du e-commerce atteignant 59 milliards de dollars d’ici 2027, contre 13,58 en 2018.

712 milliards de dollars d’ici 2050

L’économie numérique africaine pourrait peser 180 milliards de dollars d’ici 2025 et 712 milliards d’ici 2050, selon un rapport de Google et de la Société financière internationale. Une manne. L’économie numérique désigne l’ensemble des activités économiques basées sur les technologies de l’information et de la communication, dont le commerce en ligne est un élément clé. Pourtant, la part du commerce de détail en ligne représente pour l’instant moins de 1% du total des ventes au détail sur le continent. La fracture numérique, ce gouffre béant entre ceux qui ont accès à la technologie et ceux qui en sont privés, freine la diffusion des bénéfices du numérique et donc le commerce en ligne, à travers le continent.

Malgré de belles avancées, comme en témoigne la signature en février 2024 d’un protocole réglementaire sur le commerce numérique à travers la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), les infrastructures restent défaillantes, les réseaux de communication insuffisants et l’électrification limitée, ce qui freine l’expansion du secteur. Les chiffres de la Banque mondiale sont clairs : en 2024, plus de 600 millions d’africains sont encore privés d’électricité. S’ajoute à cela les faibles compétences numériques en Afrique, qui posent un défi à la croissance du commerce en ligne, mais il existe un potentiel prometteur pour surmonter ces obstacles.

La connectivité en plein essor, combinée à l’augmentation du pouvoir d’achat crée un terrain propice où les initiatives de formation et d’éducation numérique pourraient jouer un rôle crucial. Comme l’affirme avec conviction l’entrepreneur Sidi Mohamed Kagnassi, « former la jeunesse africaine au numérique n’est pas une option, c’est une nécessité vitale. Sans ces compétences, nous risquons d’exclure des millions de personnes de l’économie de demain. L’avenir de l’Afrique se joue maintenant ». Cette montée en compétences numériques des jeunes africains promet d’avoir un impact transformateur. Elle pourrait générer une vague de création d’emplois dans des secteurs émergents tels que l’intelligence artificielle, la cybersécurité et le développement de logiciels, offrant ainsi de nouvelles perspectives professionnelles à une génération en quête d’opportunités. En effet, d’ici 2030, 650 millions d’africains devraient être formés aux métiers du numérique. La démocratisation des outils et des connaissances numériques promet de réduire le chômage tout en atténuant le fossé économique entre villes et campagnes. Par exemple, la Côte d’Ivoire a tout le potentiel pour se positionner comme le futur nœud digital de l’Afrique de l’Ouest, avec une stratégie numérique ambitieuse et bien définie à l’horizon 2025.

Parmi les initiatives phares, le déploiement de plus de 5 000 kilomètres de fibre optique et l’extension de la couverture 4G témoignent de la volonté de transformer l’accès numérique sur tout le territoire. Selon la Banque mondiale, ces efforts pourraient rapporter plus de 5,5 milliards de dollars à l’économie ivoirienne d’ici 2025 et dépasser les 20 milliards de dollars d’ici 2050, à condition que le secteur privé et public continuent de renforcer leurs investissements dans les piliers fondamentaux de l’économie numérique.

Ce qui met en lumière un défi stratégique : comment orienter le développement numérique pour que l’Afrique ne soit pas seulement un participant, mais un véritable leader de cette révolution digitale ? Pour Sidi Mohamed Kagnassi, « l’Afrique est à un carrefour où elle peut non seulement embrasser le digital, mais redéfinir les contours de l’innovation mondiale. » Si bien que d’ici 2030, près de 50 % des Africains subsahariens pourraient avoir accès à un smartphone, ouvrant ainsi la voie à une explosion des services numériques. La Côte d’Ivoire peut s’inspirer de l’exemple estonien, qui a connu une transition numérique rapide et réussie depuis son indépendance en 1991. Au milieu des années 1990, le pays a lancé le programme Bond du Tigre pour moderniser ses infrastructures numériques. Aujourd’hui, 98 % des Estoniens utilisent une carte d’identité numérique, permettant d’accéder à 1 500 services en ligne, tels que voter, payer des impôts, et gérer la santé. En 2014, l’Estonie a introduit le statut d’e-résident, attirant des milliers d’entreprises étrangères grâce à une fiscalité avantageuse. L’écosystème entrepreneurial florissant de l’Estonie en fait un véritable incubateur de startups, avec le plus haut ratio d’entreprises innovantes par habitant en Europe. Ces initiatives ont fait de l’Estonie un modèle mondial de société numérique avancée, sur laquelle la Côte d’Ivoire peut prendre exemple. Pour concrétiser des évolutions et des ambitions similaires en Côte d’Ivoire, des engagements financiers massifs dans les infrastructures numériques sont essentiels et déjà en cours. 

L’essor des acteurs locaux et l’arrivée d’Amazon

Les investissements affluent. La Banque mondiale a injecté 266 millions de dollars dans des projets d’infrastructure numérique en Afrique subsaharienne en 2023. Des initiatives comme le programme Smart Africa, visant à connecter 600 millions d’Africains à Internet d’ici 2030, témoignent de l’engagement des gouvernements et des entreprises à réduire la fracture numérique.

Au cœur de cette révolution, des entreprises africaines brillent par leur capacité à innover. Jumia, principalement basée au Nigéria et souvent surnommée l’« Amazon de l’Afrique », est un acteur central du e-commerce. Présente dans 11 pays, Jumia s’impose avec une large gamme de produits et des solutions logistiques et de paiement numérique innovantes. Ce qui a permis à l’entreprise de lever 99 millions de dollars en août 2024, renforçant ainsi sa capacité à étendre ses opérations et à innover davantage dans le secteur du e-commerce. « L’émergence des plateformes de commerce en ligne en Afrique est selon moi un excellent indicateur de développement, tant économique que numérique, car elle témoigne de l’adoption croissante des technologies digitales par les entreprises et les consommateurs, favorisant ainsi l’accès aux marchés, la création d’emplois et l’inclusion financière », affirme Sidi Mohamed Kagnassi.

Et puis, il y a Amazon. Le géant américain a récemment annoncé son implantation en Afrique du Sud, avec le lancement de son service en ligne Amazon.co.za en mai 2024. Après l’Égypte, l’Afrique du Sud devient ainsi le deuxième pays africain à accueillir un site web dédié d’Amazon. Cette initiative promet de bouleverser le marché local, dominé jusqu’ici par des acteurs comme Takealot, le plus grand détaillant en ligne sud-africain.

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