(Cio Mag) – Il n’y a pas d’innovation sans confiance. Le Burkina dans sa transformation digitale a fait valider en novembre 2018 une stratégie nationale de cybersécurité. Pour sa vulgarisation, les acteurs, notamment l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI), mobilise les ressources nécessaires. A cette 4è édition du Digital African Tour 2019, le panel sur « la confiance, un élément déterminant de l’innovation » a croisé les réflexions sur les maillons sur lesquels il faut agir.
Outre l’arsenal juridique, la confiance numérique nécessite un travail sociologique qui prend en compte le facteur humain (habitude, besoin, etc.). « Le numérique ne s’acquiert pas tout seul parce que la technologie est disponible. Il s’acquiert par la pratique ; et cette pratique fait peut-être peur », a témoigné Mondher Khanfir, expert consultant à Station F ; en donnant l’exemple de la Tunisie, où malgré les cartes bancaires sécurisées, les Tunisiens continuent à préférer le cash.
Le Burkina est conscient de cette difficulté à faire adopter les solutions numériques. Les premiers acteurs qui la vivent, ce sont les Directeur des systèmes d’information (DSI). « Il y a des réticences, les changements ne sont pas toujours facilement acceptés. Il faut la sensibilisation, la formation », a déclaré le secrétaire général du club DSI Burkina, Aimé Jean-Jacques DAMA. Les réticences sont observées dans la dématérialisation en cours dans l’administration publique par exemple. Pour M. DAMA, les DSI devront s’engager dans cette dynamique de transformation afin de mieux faire accepter les changements par les acteurs métiers.
Accompagner et préparer à la transformation
L’instauration de la confiance numérique doit passer par la transformation de l’Homme. Coach et Manager du cabinet BCG (Build consulting Géneral), Latifa Aouina a rappelé la tradition sociologique de confiance du continent. Elle a expliqué pourquoi la transformation humaine a quelques fois du mal à suivre la transformation digitale ; tout en rappelant que même dans les pays avancés, il y a toujours des résistances et de la méfiance…
C’est donc dire que le blocage ‘’Humain’’ n’est pas propre à la digitalisation en Afrique. « On doit coacher les usagers, leur apprendre à faire confiance en des transactions qu’ils ne connaissent pas », a insisté Latifa Aouina. Avant même de penser à l’arsenal juridique ou sécuritaire, il faut penser comment amener les populations à amorcer leur changement de comportement, d’habitude, a recommandé le coach. Pour elle, c’est le préalable pour une confiance aux solutions numériques.
La confiance n’exclut pas le contrôle !
Même si les utilisateurs des solutions numériques hésitent, la digitalisation complète du continent finira par prendre de la vitesse. Avec une population de plus en plus jeune, ce n’est plus un doute. C’est pourquoi, la régulation devra être pensée aussi dès aujourd’hui pour une innovation réussie. Au Burkina, l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information veille à cela. « La confiance se mérite », a d’ailleurs martelé Michaël Guibougna Lawakiléa Folané, directeur général de l’ANSSI.
« Notre rôle, c’est la police, pour donner confiance », a rassuré le directeur général de l’ANSSI dont l’institution accompagne les innovations en les recadrant. « Il faut établir des normes, même quand on passe sur le cloud pour qu’on puisse bénéficier de tout ce qui est protection, surtout des données privées », a-t-il ajouté. M. Folané a appelé à établir des référentiels sur le plan mondial.
La transparence comme gage de confiance
Faut-il poser la problématique de confiance comme absolue au départ, s’est demandé Hicham el Achgar, expert en transformation numérique et modérateur de ce panel sur la confiance ! En réponse, le panel a préconisé la nécessité de garantir aux usagers des choix en toute connaissance de cause. Et pour cela, les conditions d’utilisation, la réglementation, etc., tout devra être clair et sans ambigüité pour l’usager.
« Il n’y a pas en réalité de confiance malgré soi », a fait observer Latifa Aouina. Le coach comportement a expliqué la différence entre confiance et conviction. « Il n’y a pas d’action sans confiance », a-t-elle insisté. Pour elle, « il faut éviter d’agir malgré soi » pour ne pas rester dans un mal-être persistant. Ce qui est nuisible pour la stabilité psychologique. Ce qu’elle recommande, c’est sortir de sa zone de confort. « Si vous ne montez pas dans le train de l’innovation, vous ne vous développerez jamais », a fait observer Mme Aouina. « Une entreprise qui n’a jamais fait d’erreur, c’est une entreprise qui n’a jamais fait de gain », a-t-elle ajouté pour inciter à oser l’innovation. « Le futur, c’est le numérique ; on ne peut plus y échapper », va-t-elle conclure. Pour Latifa Aouina, il faut y adhérer pendant qu’on a encore le temps de faire un choix en utilisant le libre arbitrage.
La confiance est une opportunité
Pour Mondher Khanfir, la confiance est elle-même une opportunité de business. Plusieurs startups se développent dans ce domaine, va affirmer l’expert en incubation. El Achgar a donc vu juste en se demandant s’il ne fallait pas parler d’innovation dans la confiance. Une question inversée qui a tout son sens. Pour le modérateur, cette question revient à développer davantage de compétences dans la cybersécurité, un créneau d’innovation suscité par le besoin de créer de la confiance.
Mondher Khanfir a profité pour appeler les incubateurs à creuser la question de ce côté. Après, il faudra « modéliser ces startups ». Une fois cette étape réussie, l’expert de la Station F pense que ces startups vont, dans cette industrie, résoudre des problèmes réels. Pour l’ANSSI, tout cela devra passer désormais par des audits afin de donner confiance aux usagers. « L’Homme est au cœur de tout », a conclu le directeur général de l’ANSSI pour qui il est important que les usagers aient confiance aux applications pour qu’elles permettent d’être plus efficace.
Souleyman Tobias, au Digital African Tour Burkina 2019