[Tribune] Le développement de l’accès aux services financiers ces dix dernières années est dû en grande partie à l’essor du numérique. C’est notamment le cas sur le continent africain. Selon la base de données Global Findex de la Banque mondiale, en Afrique subsaharienne, 43% de la population adulte disposait en 2017 d’un compte bancaire, contre 23% en 2011. Plus de 20% des adultes disposaient même d’un compte bancaire mobile : une aubaine pour les prestataires de services financiers.
La transformation numérique devient nécessaire pour les institutions de microfinance
La plupart des institutions de microfinance (IMF) restent à la marge de la révolution numérique. En cause : des coûts trop élevés pour des revenus faibles, mais aussi des difficultés pour se développer efficacement dans les zones reculées. Si beaucoup songent au numérique, peu sautent le pas, malgré la demande croissante du public.
Pourtant, la transition numérique est une opportunité pour la microfinance. Si l’investissement initial peut paraître élevé, les coûts diminuent au regard des gains d’efficacité opérationnelle. Le numérique permet non seulement d’automatiser les processus clés, mais aussi d’obtenir des données plus complètes pour noter les risques de prêts, plus rapidement. Grâce aux économies réalisées, les IMF peuvent réduire les taux d’intérêts ou les délais de traitement, ce qui augmente la satisfaction client. De manière concrète, l’avènement du numérique permet aux services financiers d’être accessibles à distance, à n’importe quel moment.
La microfinance doit s’appuyer sur l’expertise des opérateurs mobiles et leurs infrastructures
En Afrique, les paiements digitaux et autres mécanismes de transferts monétaires numériques sont dominés par les opérateurs mobiles qui jouissent de leur couverture en fréquence mobile sur de vastes zones. Le premier et plus célèbre acteur est M-Pesa de l’opérateur kényan Safaricom. Le secteur de la microfinance doit s’inspirer de cette réalité africaine et proposer ses services en partenariat avec les opérateurs mobiles. Les sociétés de microfinance nécessitent un faible capital pour leurs activités, connaissent une faible rentabilité, et n’ont pas la réelle capacité de développer les infrastructures nécessaires pour exercer sur leur propre réseau. En s’associant avec les opérateurs locaux bien implantés, les IMF peuvent jouir d’un réseau fourni et fiable, tout en s’appuyant sur l’expertise des acteurs du secteur des télécommunications.
La microfinance est particulièrement développée en Afrique de l’Ouest. Selon un rapport de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), plus de 15 millions d’africains bénéficiaient déjà de services financiers fournis par des IMF à la fin 2019. Le Mali, le Burkina Faso, et le Sénégal sont les pays où la progression est la plus forte. La même année, la Banque européenne d’investissement (BEI) octroyait 11 millions de dollars répartis en 60.000 microcrédits destinés aux petits exploitants agricoles. En 2020, ce sont 13 millions de dollars qui étaient alloués par la BEI à la microfinance sur le continent. Fin 2019, c’est le Conseil d’administration de la Banque africaine de développement qui octroie 8 millions de dollars au groupe bancaire guinéen Vista Bank, destinés à être répartis par les IMF sur plus de 3.000 projets, notamment dans le secteur de l’agriculture. Un quota de 60% de femmes bénéficiaires est établi pour essayer d’endiguer les inégalités d’accès aux financements entre les sexes.
Une microfinance numérique au service de l’inclusion financière
La transformation digitale et l’essor des services financiers numériques peuvent aider les IMF à favoriser l’inclusion financière en Afrique en autorisant un déploiement dans les zones reculées. Les clients n’ayant pas de connaissance du secteur financier peuvent, grâce au digital, faire l’expérience des produits bancaires et accéder aux microfinancements. L’expérience des institutions de microfinancement des besoins des populations à faible revenu couplée au maillage territoriale des opérateurs mobile permettrait d’atteindre ces populations dans des zones habituellement marginalisées. C’est une véritable chance pour l’inclusion financière.
Philippe WANG, Vice-Président Exécutif de Huawei Northern Africa