CIO Mag, le magazine de référence de la tech africaine, a organisé ce mercredi 31 mars, la première édition des E-Conf Challenge de l’année et la 6e depuis son lancement en 2020, au début de la période pandémique. Ces rencontres virtuelles visent à donner la preuve de l’accélération du développement économique de l’Afrique grâce au digital. Portant sur : « l’IA, le télétravail et la cybersécurité : trois tendances fortes en 2021 », ce webinaire a reçu le soutien de nos partenaires Orange, Atos Afrique et Live Storm.
(CIO Mag) – C’est désormais un secret de polichinelle : la crise de la Covid-19 offre d’énormes possibilités de transformation digitale à l’Afrique. Exemple de l’adoption du télétravail, qui amplifie les cyberattaques auxquelles les technologiques d’Intelligence artificielle constituent une réponse. Les Etats consentent de colossaux investissements dans ces technologies. Car ils recherchent un fort impact sociétal sur les citoyens et la société en général.
Au Bénin, le télétravail a été adopté par une partie de l’administration dès l’avènement de la pandémie. Pour Serge Adjovi, directeur général de l’Agence pour le développement du numérique (ADN), « le télétravail a vocation à exister et continuera d’exister même après la Covid-19, à plus ou moins grande échelle. C’est quelque chose qui va faire partie de notre vie. Et il a besoin de s’améliorer, pas seulement en matière de technologie disponible, mais également en termes du comportement des personnes. »
La poursuite de ce mode de travail, dira-t-il, expose aux défis du lieu du télétravail, la discipline d’utilisation des outils et la confiance en ces outils. Cette confiance appelle irréductiblement à la cybersécurité. « Nous avons fait le choix d’avoir l’équivalent de l’ANSSI – Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information – qui travaille à la fois sur la cybersécurité et la lutte contre la cybercriminalité. C’est important de lier ces deux aspects à travers une stratégie nationale qui nécessite de parler à d’autres structures en charge de notre sécurité », rassure Serge Adjovi.
Détecter et contrer les actions de cybercriminalité
Alpha Barry, CEO d’Atos Afrique, reste convaincu que la cybersécurité est une problématique à adresser par les Etats. Toutefois, il estime que les petites et moyennes entreprises (PME) ont besoin de services mutualisés pour éviter des investissements lourds. « L’idée, c’est de voir comment envisager des solutions qui sont dans le cloud de façon à ce que ces services mutualisés soient accessibles à un grand nombre de PME qui puissent utiliser ces ressources. Chez Atos, nous avons un outil sur le cloud qui permet à plusieurs entreprises d’accéder à cette solution permettant à l’entreprise de définir toutes les actions pour détecter et contrer les actions de cybercriminalité », précise cet ancien de Bull.
Selon des indicateurs, en Europe, 50% des PME qui subissent des cyberattaques disparaissent 6 mois après l’attaque. De même, les grands groupes attaqués perdent leurs avantages compétitifs dans les 6 à 8 mois suivants. Le tableau peint par Alpha Barry décrit un écosystème africain où l’économie est constituée d’activités informelles. Et de PME à faible potentiel n’ayant pas les moyens d’investir dans des outils et stratégies de lutte contre la cybersécurité. Cette situation s’aggrave avec le déficit de ressources en matière de compétences en cybersécurité et d’un top management moins sensibilisé aux enjeux et risques de la cybersécurité.
Dans le cadre d’un accord de financement entre l’Union européenne et la Commission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Expertise France met en œuvre le projet OCWAR-C qui est la réponse de l’Afrique de l’Ouest sur la cybersécurité et la lutte contre la cybercriminalité. Selon le directeur de la transformation numérique de l’UEMOA, Akue-Kpakpo Abossé, ce projet a élaboré des axes stratégiques. Il est donc question de formuler dans chaque Etat membre une politique nationale et une stratégie de lutte contre la cybercriminalité. Renforcer la cybersécurité avec un cyberespace sûr et sécurisé, et réduire la cybercriminalité dans un environnement adapté en établissant une autorité nationale de cybersécurité.
« Chez Orange, cette pandémie a accéléré le basculement vers le télétravail. Cela a amplifié les problématiques de cybersécurité et décuplé cet enjeu. L’IA sert dans ce cadre, puisqu’elle permet de détecter et d’anticiper les intrusions, d’avoir des mécaniques préventives puissantes qui permettent d’allier télétravail et cybersécurité », a fait savoir Aminata Ndiaye, SVP of Marketing, Digital and Customer Experience à Orange Middle East & Africa. Ces développements au cas-par-cas de chaque panéliste a permis à la modératrice du webinaire, Amal Elfallah Seghrouchni, directrice du Centre international d’Intelligence artificielle du Maroc à l’UM6P, d’aborder le lien entre la technologie d’IA, le télétravail et la cybersécurité.
« Les solutions de cybersécurité peuvent être renforcées par des outils d’IA »
En la matière, Eric Adja, président de l’Agence francophone de l’Intelligence artificielle (AFRIA) explique comment la crise sanitaire est source de profonds changements à plusieurs niveaux. « Si d’un côté, le télétravail a permis à des entreprises de sauvegarder des emplois et de se maintenir à flot, il n’est pas pour autant sans danger en matière de cybersécurité. Du coup, les solutions de cybersécurité peuvent être renforcées par des outils d’IA basés sur le machine-learning qui se focalise sur l’analyse des données pour enrichir les différentes conditions des anti-virus. Lorsque les technologies de l’IA sont utilisées de manière appropriée en combinaison avec les systèmes de data science, nous pouvons concevoir des modèles pour examiner les failles de sécurité et pouvoir anticiper les menaces liées à ces failles. »
En Afrique, Orange encourage l’utilisation des données responsables et utiles afin qu’elles soient sources de bénéfice au plus grand nombre. Ainsi, le groupe ambitionne de mettre l’IA et les données au service de l’entreprise et de ses clients. Son plan stratégique passe par trois enjeux à savoir : rendre les réseaux plus intelligents, réinventer l’expérience client et améliorer l’efficacité opérationnelle de l’entreprise. De nos jours, il apparaît normal que les entreprises utilisent les solutions d’IA pour protéger les applications de télétravail, les employés et l’actif des entreprises. Alors qu’Eric Adja fustige le manque d’arsenal juridique en matière d’IA en Afrique, Serge Adjovi pour sa part, invite les pouvoirs publics à jouer un rôle de régulation de données, de vérification de type d’algorithmes utilisés et de surveillance.
« A la commission de l’UEMOA, nous sommes en train de préparer des textes pour obliger l’administration publique à produire des données ou sur la base des données qui existent, les transformer sous forme électronique pour les mettre à la disposition des fournisseurs de services numériques afin qu’ils exploitent ces données et fournissent des informations », soutient Akue-Kpakpo Abossé. Mais il reste l’épineux problème de la disponibilité des compétences et des formations. A ce sujet, Orange a lancé en 2017 une chaire data science à l’Institut national polytechnique Félix Houphouët Boigny de Yamoussoukro avec l’Institut polytechnique de Paris.
Le groupe a créé le 23 mars seulement, un conseil de l’éthique, de la data et de l’IA, un organe consultatif indépendant pour s’assurer que l’utilisation de data et d’IA se fasse dans un cadre éthique. En Afrique subsaharienne, l’université Gaston Berger du Sénégal est l’une des universités les plus réputées en matière d’IA. De meilleures offres en IA sont également proposées en Egypte, en Afrique du Sud, au Ghana, au Maroc et au Kenya. A noter que le 69e numéro de CIO Mag qui paraîtra à la mi-avril porte sur : « Cybersécurité et télétravail : les risques augmentés ? » Avec une enquête exclusive réalisée par Smart Data Power sur le 50 twittos de référence à suivre en Afrique.
Michaël Tchokpodo