Image générée par Makifaa AI (www.makifaa.com)
L’intelligence artificielle est l’une des forces motrices de la révolution technologique mondiale. Bien qu’encore en retard comparé au reste du monde, le continent africain voit de plus en plus de startups se saisir de cette technologie pour proposer des produits et services innovants, dans de nombreux secteurs. Grâce à l’IA, ces jeunes pousses tentent d’adresser les défis propres à l’Afrique et ainsi stimuler le développement et la croissance du continent.
« L’IA peut nous faire gagner 1 point de PIB par an. ». C’est ce qu’a déclaré l’économiste en chef de la célèbre banque d’investissement Goldman Sachs dans une interview en juin 2023. Les startups africaines l’ont bien compris et sont nombreuses aujourd’hui à intégrer cette technologie dans leurs applications. Certaines connaissent d’ailleurs un succès international, à l’instar d’InstaDeep, une start-up tunisienne spécialisée dans la conception de systèmes d’IA décisionnelle, créée par Karim Beguir et Zohra Slim. Son rachat par le géant allemand BioNTech en 2023 montre l’engouement suscité par l’IA et dont les startups africaines peuvent bénéficier.
D’autant que l’écosystème des startups en Afrique a connu une croissance significative au cours de la dernière décennie, en attirant de plus en plus d’investissements. Le record, en 2022, s’est élevé à 6,5 milliards de dollars en 2022 selon Partech, en croissance de 8 % par rapport à 2021. Même si, dans le prolongement de la tendance mondiale, les levées de fonds des startups africaines ont chuté de 54% durant le premier semestre 2023, par rapport à la même période de l’année précédente, selon un rapport du cabinet de recherche Magnitt. Si les analyses des investissements par secteur ne permettent pas de dégager des chiffres spécifiques pour les startups de l’IA, la technologie étant transverse, une certitude, de plus en plus, une attention particulière lui est portée, et au plus haut niveau.
Preuve de cet engouement, l’implication des géants technologiques mondiaux dans ce domaine, sur le continent africain. Google a par exemple lancé en 2023 un programme spécial en Afrique : Google for Startups Accelerator : AI First. Pour cette première cohorte, les start-ups originaires de l’Afrique du Sud (Avalon Health), du Ghana (Chatbots Africa), du Sénégal (Lengo AI), de l’Ouganda (Logistify AI), de l’Ethiopie (Telliscopen, Garri Logistics), du Kenya (Dial Afrika Inc, Fastagger Inc) et du Nigeria (Famasi Africa, Izifin, Vzy), ont été choisies parmi un large vivier de talents innovants, qui proposent des solutions aux problèmes mondiaux grâce à l’usage de l’intelligence artificielle. Elles bénéficieront, entre autres, d’un parcours d’accélération, d’une allocation de 350 000 dollars en crédits Google Cloud et de sessions de mentorat. « Les start-ups que nous avons choisies pour le programme “AI First” incarnent cette vision, en tirant parti de l’IA de manière innovante pour relever les défis locaux et mondiaux », avait déclaré Folarin Aiyegbusi, responsable de l’écosystème de startups pour l’Afrique chez Google. Autre exemple, le programme FAST Accelerator, un accélérateur de startups lancé par Flapmax, entreprise américaine spécialisée dans les technologies de données et d’IA fondée par Dave Ojika, en partenariat avec Microsoft, se consacre au soutien et au financement d’une génération nouvelle d’innovateurs africains. Les secteurs d’activité qu’il cible tout particulièrement sont ceux où l’intelligence artificielle apporte une valeur ajoutée notable.
Aujourd’hui, les grandes entreprises internationales comme les entrepreneurs africains ont reconnu le potentiel transformateur de l’IA sur le continent, et ce, dans divers domaines tels que la santé, l’agriculture, l’éducation, la finance ou encore la vie d’entreprise.
L’IA pour améliorer la productivité agricole
Améliorer la productivité agricole, surveiller les conditions météorologiques, prédire les rendements des cultures et optimiser l’utilisation des ressources, l’agriculture bénéficie largement des prouesses technologiques, dont l’IA. Celles-ci peuvent contribuer à renforcer la sécurité alimentaire et à stimuler le développement rural. A ce titre, la startup franco-tunisienne Seabex, fondée par Amira Cheniour, utilise notamment l’IA pour permettre une meilleure irrigation des terres. Cette startup agritech propose des solutions sans capteurs aux producteurs agricoles d’Europe, du Moyen-Orient et d’Afrique, en combinant des données sur les sols à l’échelle mondiale, des informations détaillées sur les cultures, des analyses climatiques et une synthèse de données avancée pour les secteurs agroalimentaires. Autre entreprise innovante du domaine, la Sénégalaise Tolbi, qui a développé plusieurs applications pouvant aider les agriculteurs dans leur prise de décisions. Elle permet de surveiller les plantations en temps réel grâce à un outil basé sur l’IA et l’imagerie satellite pour estimer et prédire les rendements, calculer les besoins en intrants (engrais, semences) et anticiper les risques liés aux aléas climatiques.
Dans le domaine de l’environnement et de l’agritech, l’IA se révèle particulièrement précieuse et attire les investissements internationaux. Ainsi, la startup Kenyane Amini, qui s’efforce de combler le manque de données environnementales en Afrique grâce à l’intelligence artificielle et à la technologie satellitaire, a tout récemment obtenu un financement d’amorçage de 4 millions de dollars.
La santé bénéficie de la technologie
Autre domaine clé pour lequel les nouvelles technologies peuvent avoir un puissant impact, celui de la santé. Là encore, l’intelligence artificielle peut permettre des avancées significatives. Des startups africaines exploitent l’IA pour résoudre les défis persistants liés à l’accès aux soins de qualité. Des applications sont développées pour aider au diagnostic précoce de maladies, fournir des conseils médicaux en ligne et améliorer la gestion des dossiers médicaux. Ces technologies permettent de combler les lacunes en matière de soins de santé dans des régions éloignées et sous-développées. La startup marocaine Deepecho, spécialisée dans le diagnostic prénatal, développe par exemple une solution utilisant des algorithmes de Deep Learning haute performance, afin de contribuer à l’atteinte de l’Objectif de développement durable portant sur la réduction des taux de mortalité infantile.
D’autres initiatives fleurissent dans divers secteurs, comme l’éducation, où l’IA peut permettre de créer des plateformes d’apprentissage personnalisées, utilisant des algorithmes pour adapter le contenu aux besoins spécifiques des élèves. L’objectif étant de permettre une meilleure inclusion des apprenants, notamment ceux vivant dans les zones enclavées. La finance bénéficie également de ces avancées technologiques. Des startups développent des solutions de paiement numérique intelligent, de vérification d’identité et d’évaluation du crédit basées sur l’IA. Là encore, l’objectif est de favoriser l’inclusion financière des populations du continent.
Le domaine de l’entreprise n’est pas en reste. La startup malienne EWAATI s’est saisie de cette opportunité, et veut apporter une touche d’intelligence artificielle et de robotique « pour transformer le quotidien des entreprises privées, institutions et services publics en Afrique ». « Nous avons conçu un système de reconnaissance faciale qui agit comme un assistant personnel qui ne dort jamais, au service des gestionnaires des ressources humaines. Il assure la productivité et la ponctualité sans être intrusif. Un outil qui fait sourire les chefs d’entreprise en voyant des rapports de performance détaillés qui se préparent tout seuls, comme par magie », explique son fondateur, Fousseyni Dembélé.
S’adresser aux Africains
L’intelligence artificielle aide à développer des applications visant à répondre aux problématiques spécifiques à l’Afrique. Des solutions se développent, notamment autour des langues locales, pour permettre à l’ensemble des populations de profiter de la révolution technologique. La startup française ToumAI, cofondée par Youcef Rahmani, a ainsi créé un voicebot pour les PME, qui fonctionne comme un centre de contact en tant que service, permettant aux PME de gérer de manière automatisée leur relation client. Cette solution innovante est capable de répondre aux interrogations des clients, que ce soit oralement ou par écrit, et ce, dans diverses langues africaines locales. « L’objectif ultime de ToumAI est de rendre le monde numérique plus inclusif, en s’assurant que chaque voix, quelle que soit sa langue ou son origine, soit entendue et valorisée. En ciblant spécifiquement les PME, nous visons à démocratiser l’accès aux technologies avancées, permettant ainsi aux entreprises de toutes tailles de participer pleinement à la transformation numérique de l’Afrique. Notre technologie ne se limite pas à la compréhension des langues, mais vise à analyser les émotions, les contextes et les sentiments sous-jacents, offrant aux entreprises une vue à 360 degrés de leurs parties prenantes », explique l’entreprise.
De son côté, la startup togolaise Makifaa, cofondée par Charles Dzadu, se veut la première plateforme de ventes d’images, d’illustrations et de modèles graphiques typiquement africains pour la mise en valeur du patrimoine culturel africain. La startup vient de lancer un nouveau service pour créer des images artificielles qui correspondent mieux aux réalités africaines, éviter ainsi les clichés sur le continent et combler ainsi le vide laissé par les principales plateformes de création d’images virtuelles lorsqu’il s’agit de l’Afrique. C’est d’ailleurs pour cette raison que Makifaa a été choisie par Cio Mag pour illustrer l’ensemble de ce dossier sur l’intelligence artificielle.
Un moteur d’innovation
Bien que le paysage des startups en IA en Afrique soit prometteur, les défis ne manquent pas. Le financement limité, l’environnement réglementaire, le manque d’infrastructures technologiques robustes et la nécessité de former une main-d’œuvre spécialisée restent des obstacles de taille, avant que les startups africaines de l’IA puissent réellement éclore et concurrencer celles des autres continents. Mais ces défis sont loin de dissuader les entrepreneurs africains déterminés, qui continuent à chercher des solutions novatrices et à forger des partenariats stratégiques.
« L’IA est un moteur puissant pour le développement et l’innovation. Elle n’est qu’aux premiers stades de son développement en Afrique, mais offre des opportunités sans précédent pour résoudre des problèmes complexes et transformer divers secteurs », assure Fousseyni Dembélé. « L’IA est très prometteuse pour les entreprises africaines. Elle peut les aider à accroître leur efficacité et leur productivité, à mieux comprendre leurs clients et à cibler plus efficacement leurs efforts de marketing. Il me parait essentiel qu’avec les bonnes politiques et les bons investissements, l’IA contribuera à transformer l’Afrique en une puissance technologique mondiale », assure encore l’entrepreneur, avant de conclure : « L’IA représente un levier économique important pour les pays africains. Les gouvernements doivent lancer des stratégies, des politiques, des programmes éducatifs, des programmes de recherche, des formations et des initiatives autour de l’IA pour accompagner l’innovation via des startups. ».
Encadré : le startup Act pour favoriser le développement de l’IA
L’adoption du Startup Act par un nombre croissant de pays africains est un signe encourageant pour le développement de l’IA en Afrique. Cette loi offre aux startups les ressources et l’appui dont elles ont besoin pour réussir et contribuer au développement du continent. Depuis 2018, quelques pays avant-gardistes ont adopté la loi pour accorder des avantages fiscaux, des subventions et un accès à des infrastructures et des services aux startups qualifiées. C’est le cas de l’Afrique du Sud (2018), du Kénya (2019), du Nigeria, du Sénégal (2020), de l’Égypte (2021), du Maroc (2022), de la Tunisie (2022), du Rwanda, de l’Ouganda, de la Mauritanie et de la Côte d’Ivoire (2023). L’adoption et la mise en place progressive de cette loi devraient permettre la valorisation des innovations et la création d’un effet d’entrainement considérable pour accompagner le développement des écosystèmes locaux.
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