Ibrahim N. E. Diagne, Gaindé 2000 : « Encore du chemin à parcourir pour nous définir comme une économie digitale »

Dans la transformation digitale qui est en train de s’opérer au Sénégal, Gaïndé 2000 joue un rôle stratégique. Dans cet entretien avec CIO MAG, son Administrateur général Ibrahima Nour Eddine Diagne liste les enjeux et les défis à relever.

Avec votre concours, le Port de Dakar a lancé le Guichet Unique Dématérialisé de l’Enlèvement GUDE. En quoi consiste-t-il ?

Cet outil permet de dématérialiser les formalités d’enlèvement des marchandises. Il est le fruit d’une convergence entre les options stratégiques du Port Autonome de Dakar, de la Direction Générale des Douanes et de la Communauté des Acteurs Portuaires. C’est une composante essentielle du dispositif de transformation digitale de tout le processus de dédouanement avec en amont un Guichet unique des formalités de pré-dédouanement ORBUS mis en service depuis 2004 ; au cœur du processus un système de dédouanement robuste GAINDE INTEGRAL mis en service par la Douane depuis 1990 avec des vagues de modernisation successives et désormais, en aval, un guichet unique qui prend le relais à partir du dédouanement, jusqu’à la disponibilité des marchandises chez les commerçants. Cette démarche graduelle confère au Sénégal un statut de pionnier dans la digitalisation des formalités du commerce extérieur et projette nos acteurs économiques dans une nouvelle ère qui doit substantiellement réduire les délais et conséquemment les coûts des formalités. GAINDE 2000 qui est dans le métier de Guichet Unique et qui est un instrument relevant du partenariat public privé s’est naturellement investi dans ce guichet unique pour fournir la plateforme ainsi que les outils nécessaires à son fonctionnement comme la signature électronique et les solutions de paiement électronique.

La Douane a récemment révélé que la dématérialisation intégrale a permis par exemple des rentrées allant parfois jusqu’à 6 milliards par jour. À quoi peut-on s’attendre avec le guichet unique portuaire ?

En effet, la Douane a accompli le parachèvement d’un long processus de modernisation très avant-gardiste et vous avez vu qu’en quelques jours, ces mesures fortes et audacieuses ont automatiquement eu un impact sur les recettes. C’est donc dire à quel point les efforts de digitalisation peuvent porter une économie. C’est définitivement un tournant qui peut nous permettre de dire sans prendre trop de risque, que la dématérialisation dans l’écosystème du dédouanement est désormais dans une dynamique irréversible et que les différentes parties intéressées adhèrent au projet et accompagnent le virage, ce qui est un grand atout dans tout projet de transformation digitale.

De manière globale, comment voyez-vous les efforts du Sénégal dans la prise en compte des enjeux de la digitalisation ?

Lorsque j’ai vu que la police et la gendarmerie nationale se mettent à l’ère du digital en matière de verbalisation et de paiement des amendes sur les infractions au code de la route, j’ai ressenti une grande satisfaction, car je me suis dit que voici un sujet qui touchera tout le monde et dont l’intérêt est indiscutable. Ça aura donc une grande valeur pédagogique dans d’autres secteurs de l’administration, mais également dans le secteur parapublic ainsi que les grandes entreprises. J’ai encore été plus satisfait en écoutant le discours du Directeur général des Transport Terrestres sur la question. J’espère juste que c’est un projet qui a été délivré par une entreprise sénégalaise. C’est très important de mettre des entreprises sénégalaises sur des sujets qui ne comportent aucune complexité nécessitant un recours à de l’expertise étrangère. Pour revenir de façon précise sur votre question, je pense que le Sénégal ne valorise pas son potentiel réel en matière d’économie numérique. Partout où vous voyez des personnes faire la queue, c’est qu’il y a une opportunité pour le digital et l’emploi qui n’est pas valorisée. Le défaut d’articulation des initiatives et la duplication des efforts nous font perdre beaucoup de temps et nous coutent beaucoup d’argent. Il nous reste donc un long chemin à parcourir pour pouvoir nous définir comme une économie digitale.

Quels sont les défis à relever ?

A mon humble avis nous avons le défi de la cohérence, celui de l’optimisation de même que le défi du cloisonnement et enfin le défi de la projection vers l’avenir. Il s’agit donc d’un vaste chantier figurant sans doute dans la version nouvelle du plan Sénégal numérique. Pour relever ces défis il sera important d’avoir un bon pilotage et d’avoir des indicateurs de mesure pour faires des évaluations rapides. Je dois aussi ajouter qu’il faudrait privilégier des partenariats publique-privé avec des entreprises sénégalaises prioritairement pour bénéficier de l’effet d’écosystème où la création de valeur reste endogène et génère une quantité importante d’emplois.

Mamadou Diop

Correspondant au Sénégal

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